8 Octobre 2022

Aquitaine - Le Médoc, entre vignobles prestigieux et recompositions agricoles

Au sud-Ouest de Bordeaux en rive gauche de l’estuaire de la Gironde se trouve la région du Médoc. Entre estuaire à l’est, forêt des Landes à l’ouest, Jalle de Blanquefort au sud et Pointe de la Grave au nord se déploie le grand vignoble du Médoc sur une bande de 15 km de largeur dans son maximum et 50 km nord/sud. Couvrant 16.000 hectares, ce vignoble juxtapose petites et grandes propriétés, dont 600 châteaux. A côté de deux appellations sous-régionales (Médoc et Haut Médoc) se trouvent des appellations prestigieuses - Margaux, Moulis, Listrac, Saint-Julien, Pauillac, - Saint-Estèphe – parmi les plus connues au monde. Branché depuis des siècles sur la grande exportation, le Médoc commercialise près de 100 millions de bouteilles par an, dont 50 % à l’exportation pour un chiffre d’affaires variant entre 600 millions et un milliard d’euros par an. Ce système productif viticole régional exceptionnel est cependant confronté à défis nouveaux, dont le changement global qui risque à terme de modifier les équilibres anciens.
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Légende de l’image


Cette image est une mosaique réalisée à partir d'images satellitaires SPOT 6  et SPOT 7 en 2018. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles.

Ci-contre, la même image satelitte présente des repères géographiques de la région.

SPOT 6/7 © Airbus DS 2018, tous droits réservés. Usage commercial interdit.


Repères géographiques

Présentation de l’image globale

Le Médoc : un des plus prestigieux vignobles au monde

Nous sommes ici sur les rives de l’estuaire de la Gironde à une cinquantaine de kilomètres au nord de Bordeaux. L’image couvre majoritairement la rive gauche de la Gironde et un mince bandeau de la rive droite. La Gironde est issue de la confluence de la Dordogne et de la Garonne, une vingtaine de kilomètres en amont. La turbidité et la couleur marron de la Gironde proviennent de la concentration des sédiments continentaux, en effet, l’eau douce est chargée de sédiments et de fines particules d’argiles qui expliquent la teinte beige de l’eau. A Bordeaux, la Garonne a aussi cet aspect. Localement, c’est l’expression de « bouchon vaseux » qui est utilisée pour expliquer la couleur du fleuve. Cet estuaire, aux eaux saumâtres, accueille une richesse paysagère, floristique et faunistique spécifique. La présence d’îles et de sols de palus accentue encore davantage cette diversité en créant de nombreux refuges pour les espèces animales dont certaines sont endémiques. Vers l’ouest, l’océan Atlantique n’est qu’à une trentaine de kilomètres.  

L’image satellite est révélatrice de la spécificité viticole du Médoc ainsi que des recompositions de l’espace agricole. Nous pouvons distinguer quatre espaces bien différents :
•    Un des vignobles les plus prestigieux au monde puisqu’il concentre 4 des 5 premiers grands crus de la Gironde et recèle des terroirs de prestige. Nous sommes, ici, dans un des systèmes viticoles les plus élaborés et les plus convoités de la planète !
•    Une partie étroite du massif forestier landais, le plus vaste d’Europe. En pleine recomposition, à la suite des tempêtes de 1999 et 2009, et qui s’adapte aux nouveaux enjeux économiques régionaux.
•    Des parcelles agricoles céréalières intensives, d’implantation récente et de formes géométriques facilement identifiables.
•    Une centrale nucléaire sur la rive droite de la Gironde qui constitue une source de développement économique et d’emploi.

Un vignoble de prestige

Un environnement propice à la viticulture

Climat. Nous sommes dans un climat de type océanique tempéré, dont 3 de ses inducteurs ont un effet direct sur la viticulture. A savoir, la pluviométrie, l’ensoleillement et la régularité des températures. Douceur et régularité sont les maîtres mots du climat médocain. La proximité de l’océan, d’une part, et les volumes d’eaux saumâtres dans l’estuaire de la gironde d’autre part jouent un effet régulateur et expliquent en grande partie la douceur des températures.  

Température. Son rôle est primordial : plus elle est élevée, plus la croissance des végétaux est rapide. Son rôle est modéré l’hiver mais c’est au printemps que la température de l’air influe davantage sur la croissance des végétaux en stimulant feuillaison, floraison et fructification. La régularité des températures printanières avec des moyennes annuelles de 18°C associées à une faible variabilité thermique, contribue à la lente maturation des baies.

Précipitations. La quantité et le régime des précipitations jouent un rôle essentiel dans la maturation du raisin mais elles contribuent aussi, avec la douceur des températures, à la propagation des maladies comme l’oïdium ou le mildiou. C’est ainsi que les années de précipitations limitées sont plutôt à l’origine de millésimes de qualité. En effet, la contrainte hydrique limite la croissance des végétaux et favorise la concentration des tanins. Durant la période de végétation de la vigne, les cumuls de pluie atteignent 400 millimètres en moyenne en Gironde pour un total annuel d’environ 900 millimètres, valeur largement supérieure aux limites minimales des besoins en eau de la vigne.

Ensoleillement. Enfin, l’ensoleillement et la luminosité conditionnent la photosynthèse de la vigne, dont les valeurs plus ou moins importantes peuvent induire une augmentation de la production végétale. Avec 2200 heures d’ensoleillement annuel, les conditions de production d’un raisin de qualité sont réunies.

Une terre de palus. Enfin, comme nous pouvons le distinguer sur cette photo, une bande de 500 à 1000 mètres est régulièrement délaissée et peu ou pas mise en culture sur les bords de la Gironde. Ce sont souvent des prairies d’élevage qui s’atténuent en allant vers le nord pour finir par disparaître. Il s’agit ici de sols de palus au très faible potentiel agronomique mais typiques des berges d’estuaire.   

Des structures géomorphologiques adaptées

Des croupes et des jalles. Le vignoble du Médoc prospère sur des alluvions déposés par la Gironde, estuaire provenant de la confluence de la Garonne et de la Dordogne situées en amont. La couche alluvionnaire peut atteindre une quinzaine de mètres dans les cas les plus importants. Les vignobles les plus prestigieux, présents sur cette image, se développent dans cet environnement. Ces accumulations d’alluvions contribuent à la présence d’un relief ondulé appelé « croupes » et de ruisseaux de drainage, appelés localement les « jalles ». Ces ruisseaux évacuent l'eau excédentaire. Ces formes de relief se distinguent très facilement sur l’image. Les zones de viticulture entrecoupées par des cours d’eau étroits de quelques mètres de direction ouest-est sont faciles à localiser.  

Ainsi, une croupe contient peu d'eau, possède un faible potentiel agronomique et oblige les racines de la vigne à descendre dans les profondeurs chercher l'eau. Ce terroir très recherché par sa qualité ne craint ni l’excès d'eau, ni la sècheresse. En effet, n’oublions pas que la vigne est une liane et qu’à ce titre, elle est capable d’aller chercher de l’eau à plus d’une vingtaine de mètres de profondeur.  

L’exemple de l’appellation Pauillac. En observant L'appellation pauillac, nous distinguons clairement qu’elle est séparée en deux plateaux par le ruisseau du Gahet. Le plateau du Pouyalet au nord et le plateau de Saint-Lambert au sud. L’appellation est à son tour séparée de l’appelation Saint-Estèphe, au nord, par la jalle du Breuil. De part et d’autre de ce ruisseau se font face les prestigieux domaines de Cos d’Estournel et de Lafille Rotschild.  Au sud de cette appellation, le ruisseau de Juillac sépare les AOC pauillac et saint-julien. Il draine particulièrement bien ce secteur et le terroir de très gros galets du château Latour est vraiment typique de cet environnement. Ces terroirs très homogènes sont complètement plantés en vigne sous la forme de parcelles géométriques séparées par des chemins d’exploitation de faible largeur. La monoculture de la vigne est caractéristique de ce terroir d’exception. Pas une parcelle de libre !

La topographie. Elle constitue un facteur d’implantation déterminant, certes difficile à distinguer sur cette vue aérienne mais les paysages viticoles occupent un relief peu marqué. Entre 3 et 50 mètres d’altitude. Cette légère pente n’est pas homogène puisque, comme nous l’avons constaté précédemment, le parcellaire est découpé par des ruisseaux appelés jalles dans le langage local.  Les formes de croupes, localement appelées « cos », sont le résultat d’une érosion différentielle datant de la dernière glaciation quaternaire.  Le célèbre château Cos d’Estournel, second grand cru classé à l’architecture d’inspiration asiatique, et le domaine cos Labory, sont la parfaite illustration de la mise en valeur d’un milieu naturel spécifique.

Des pentes modestes. L’altitude des différentes exploitations viticoles est modeste puisqu’elle ne dépasse pas les 40 mètres d’altitude et que les pourcentages de pente demeurent faibles. Ainsi, dans l’appellation Saint-Julien, le château Beychevelle culmine à 5 mètres. Les domaines de Talbot et Lagrange à un peu moins de 20 mètres. Dans cette appellation les pourcentages de pente ne dépassent que très rarement 3 %.  Au nord et au sud de Pauillac, les conditions sont similaires puisque les premiers grands crus classés comme Latour ou Mouton Rotschild culminent entre 20 et 25 mètres et voient leur pourcentage de pentes atteindre péniblement les 2 à 3 %.

L’appellation Saint-Estèphe ne déroge pas à la règle puisque les altitudes des châteaux Cos d’estournel, Cos Labory ou Montrose avoisinent la vingtaine de mètres avec un pourcentage de pente identique. Ces terroirs qui peuvent sembler homogènes présentent cependant des différences significatives qui sont mises en évidence lors des opérations d’assemblage des vins. Selon l’exposition, le pourcentage de pente local, le cépage utilisé, ces différentes parcelles produisent des raisins aux arômes plus ou moins prononcés et aux tanins plus ou moins puissants. Lors des opérations d’assemblage des vins, issus de différentes parcelles afin de créer le produit fini du château, les œnologues savent que certaines d’entre elles, aux terroirs spécifiques, mêlées à d’autres plus génériques, sont à la base de millésimes exceptionnels.

C’est allant vers l’ouest que les altitudes s’accroissent considérablement pour atteindre une quarantaine de mètres à Vertheuil ou à Labrousse. Mais au fur et à mesure que l’on s’éloigne des berges de la Gironde, la qualité du vignoble s’amoindrit et la mise en culture se diversifie au profit d’une polyculture locale.

Géohistoire du vignoble : une hiérarchie du vignoble bien établie

Le vignoble présent sur cette image est hiérarchisé selon un classement établi en 1855, à la demande de Napoléon III, dans la perspective de l’exposition universelle. C’est l’estimation de la qualité des vins et la réputation des châteaux qui ont servi de base à ce classement, pour finalement aboutir à une hiérarchie du premier au cinquième cru. Depuis la création de ce classement, seule une modification importante a été apportée, en 1973, le château Mouton-Rothschild est passé de Second à Premier grand cru. Depuis 1855, les mutations des structures agraires ont été importantes mais ce classement des 88 châteaux est resté immuable. Nous avons sous les yeux quelques-unes des propriétés les plus prestigieuses au monde appartenant désormais à la catégorie recherchée des produits de luxe ou d’exception :

L'appellation Pauillac compte 38 propriétés viticoles dont 18 Grands Crus Classés en 1855. Avec ses 1200 hectares de vigne, elle représente un peu de moins de 8 % du vignoble médocain. L’AOC recèle trois des cinq premiers grands crus classés de 1855. Château Lafite Rothschild - Château Latour - Château Mouton-Rothschild (Pauillac)

L’appellation Saint-Julien regroupe 11 grands crus classés et ne représente que 6 % du vignoble médocain – 910 hectares. Parmi les propriétés les plus prestigieuses : Léoville las cases – Talbot – Beychevelle ou ducru-Beaucaillou.

L’appelation Saint-Estèphe concentre cinq crus classés dans le classement de 1855 et s’étend sur 8 % du vignoble médocain. Les deux fers de lance de cette appelation ont des profils différents puisque le château Cos d’Estournel est situé sur les hauteurs à une altitude d’une vingtaine de mètres et le château Montrose se situe en bord de Gironde pour culminer à 20 mètres.   

Le vignoble médocain a produit, en 2019, 290 000 hectolitres de vins rouges parmi les vins les plus puissants de Gironde.

Il est frappant de constater qu’il existe très peu de différences au niveau des structures agraires, des cépages cultivés, des densités de plantation entre les différents châteaux, qu’ils soient classés premiers ou cinquièmes grands crus. L’analyse de la photo le confirme et désormais, seuls les chais, plus ou moins prestigieux dénotent un classement plus ou moins élevé dans la hiérarchie. En effet, leur rénovation par des architectes de prestige s’est considérablement développée dans ce vignoble. C’est devenu le support d’une activité touristique jusqu’alors peu répandue. Le vignoble du Médoc est désormais agritouristique.

Prix du foncier dans le Médoc viticole

Carte Grands Crus Classés du Bordeaux

Un vignoble de prestige d’une rare densité

Des structures agraires typiques. Les parcelles de vignes sont ici plantées selon une densité maximale de 10 000 pieds à l’hectare. La plupart des propriétés ne descendent pas leurs densités en deçà de 7500 pieds à l’hectare. C’est la densité maximale puisque cela correspond à un pied de vigne par m². Dans d’autres appellations du bordelais, les densités sont bien moindres et ne dépassent pas les 6 000 pieds à l‘hectare. L’aspect visuel des parcelles homogènes et très densément plantées n’est pas une illusion, nous avons, ici, une mono-activité d’une densité exceptionnelle.  

Parmi ces pieds de vigne, le cépage le plus répandu est le cabernet sauvignon qui représente plus des ¾ des encépagements. Le merlot et un peu de cabernet franc viennent compléter ce panel. Ces cépages, typiques du Médoc contribuent à donner aux vins du haut-médoc un goût spécifique et une puissance tanique qui en font des crus particulièrement recherchés dans le monde.

De la polyculture à la mono-activité. Le Médoc a longtemps été une terre de polyculture, certes dominée par la viticulture mais où l’emprise spatiale des activités agricoles secondaires était loin d’être négligeable. En effet, l’élevage de bovins et surtout d’ovins dans les prés salés sur les berges de palus de la Gironde, des céréales aux faibles rendements, des futaies permettant de « faire son bois » ainsi qu’une activité d’apiculture concurrençaient sévèrement la production viticole. Ce sont les revenus de plus en plus élevés tirés de la viticulture et les perspectives très favorables qui ont accéléré l’orientation vers une monoculture spécifique. Le paysage que nous avons sous les yeux est révélateur de cette mono-activité.  

L’exemple du château Duhart-Million. Avant la seconde guerre mondiale, les aléas des héritages successifs conduisent à sa vente, à son morcellement et à son déclin qui faillit bien devenir inexorable avec le gel de 1956. Lorsque la famille Rothschild rachète la propriété en 1962, l’exploitation était encore en polyculture puisque seuls 17 hectares sur les 110 étaient complantés en vigne. Des travaux de drainage, arrachages, replantations, achats de parcelles contiguës et remembrement par échanges de parcelles ont rendu à cette exploitation tout son prestige. De 1973 à 2001, le vignoble passa de 42 ha à 71 ha. Depuis une vingtaine d’années, de nouveaux chais et cuviers sont venus compléter l’offre commerciale du château.

Habitat et prix du foncier. Toute la zone viticole possède les mêmes caractéristiques de peuplement. A savoir, un habitat groupé et une diffusion intercalaire sous la forme de châteaux ou de quelques hameaux isolés.  Le développement d’une urbanisation linéaire le long des axes de communication demeure mineur. Cette dynamique de peuplement trouve son origine dans les prix du foncier qui atteignent ici des sommets puisque le prix d’un hectare de vigne sur notre image dépasse régulièrement 1 million d’euros / hectare et connaît encore une progression significative malgré des tarifs déjà très élevés.  

Les châteaux. La notoriété des vins de cette appellation médocaine prestigieuse est ancienne et la notion de « Château » est accolée à une exploitation viticole comme ailleurs elle est appelée domaine, maison, clos, propriété… La particularité de ce territoire viticole, traversé par la Route des Vins, réside dans l’importance des « Châteaux » viticoles. Il s’agit de vastes domaines pouvant être décomposés en 3 parties distinctes. D’une part, les vignes dont nous avons évoqué les caractéristiques plus haut. D’autre part, des espaces logistiques, cuviers et chais regroupant les lieux de fabrication et de stockage du vin. Enfin, les bâtisses, au patrimoine architectural varié, qui constituent le cœur de la propriété.  

Historiquement, ce vignoble s’est ouvert à la commercialisation mondiale via les premiers échanges avec l'Angleterre qui a ainsi joué un rôle majeur dans la notoriété des vins du « Médoc ». Le classement de 1855 est l’élément fondateur de la renommée du vignoble du Médoc.  En complément, en 1932, le classement des « Crus Bourgeois du Médoc » met en évidence la qualité du vignoble dit « secondaire » et offre de nouvelles perspectives commerciales à un vignoble jusqu’alors peu reconnue.

L’adjectif « bourgeois » fait l’objet de nombreux commentaires de la part de propriétés ne pouvant en disposer car situées dans une appellation proche. Il est vrai que cet adjectif est significatif d’une stratégie marketing très élaborée puisque le terme utilisé, révélant une position élevée dans la hiérarchie sociale, associe, de fait, ce vin à un produit élaboré et de grande qualité. Produit de qualité ou artefact commercial, les supputations vont bon train à propos de ce classement souvent controversé malgré la présence d’un cahier des charges spécifique. Ainsi, en 2003, 77 propriétés n’appartenant pas à cette liste des crus bourgeois ont intenté un procès afin de mettre fin à ce classement qu’elles considéraient comme inégalitaire.

Du château familial aux investisseurs financiers

Les prix du foncier et la valeur des vins produits ont complètement transformé la nature même du système productif viticole dans le Médoc. En effet, les propriétés familiales sont de moins en moins nombreuses. Elles ont cédé leurs biens à des marques de luxe, compagnies d’assurance, banques ...

Cette généralité est cependant à nuancer car les premiers grands crus sont des propriétés familiales depuis plusieurs décennies, voire plusieurs générations. Ainsi, le château Margaux appartient à la famille Mentzelopoulos depuis 1977. Le château Latour appartient à la famille de François Pinault, une des plus importantes fortunes de France. Le chateau Mouton-Rothschild et le domaine Lafitte Rothschild demeurent des propriétés familiales depuis plus d’un siècle et demi.  

C’est parmi les deuxièmes ou troisièmes grands crus que les transactions furent les plus nombreuses.  En effet, en cas de succession, la valeur des propriétés était telle que les héritiers ne pouvaient conserver le domaine, et les profits envisagés étaient tels, que de nombreux investisseurs ont décelé des perspectives de profit importantes.  

Ainsi, Le château Montrose - 95 hectares - a été racheté par le groupe Bouygues en 2006 pour la somme de 130 millions d’euros. Le château Cos d’estournel appartenait à la famille Prats qui est l’a cédé au groupe de négoce vinicole Taillan en 1998 qui l’a lui-même cédé à l’industriel Reybier en 2000.

Les compagnies d’assurance constituent des investisseurs clés dans le vignoble médocain puisque la compagnie AXA possède le château Pichon Baron, le Crédit mutuel Arkea est devenu propriétaire du château Calon-Ségur en 2013, pour 170 millions d’euros, la MAIF possède le château DAUZAC, grand cru classé de Margaux, enfin le Crédit agricole possède le Château Grand-Puy Ducasse, d’une superficie de 40 hectares.

Les banques ou mutuelles de santé ne sont pas en reste puisque le château Larose-Trintaudon est la propriété de la firme Allianz, le château Lascombes est la propriété de la firme MACSF, qui est est le premier groupe d’assurance mutualiste pour les professionnels de la santé ; le château Cantemerle est la propriété de la firme SMABTP qui est l’assureur leader de la construction…

Ces changements à la tête de nombreuses propriétés viticoles ont considérablement bouleversé l’approche économique, les modes de gestion, la gestion du personnel et de l’espace. Le recours aux technologies les plus élaborées est devenu la règle, l’externalisation de nombreux travaux agricoles ou de gestion s’est généralisé. Il n’en demeure pas moins qu’ils se sont appuyés sur un savoir-faire local pour optimiser la qualité de leurs vignobles. A ce titre, les conducteurs d’engins les plus habiles, les tailleurs de vigne les plus efficaces, les œnologues les plus performants sont recherchés par les propriétés les plus prestigieuses. Il semble aussi que depuis une vingtaine d’années, les propriétés les plus prestigieuses œuvrent à l’établissement d’une typicité de leur vignoble.

Le recours au marketing territorial est aussi devenu la règle de nombre de ces châteaux qui mettent en avant la qualité du vin, le prestige et la typicité de l’environnement, la patrimonialisation des bâtiments.  

Vignobles et changements climatiques

Le vignoble du Médoc, comme les autres activités agricoles, doit faire face aux perspectives du changement climatique. Deux enjeux majeurs sont évoqués et cristallisent toute l’inquiétude des professionnels du vin.

Premièrement, la faible altitude des exploitations viticoles, comme celle du château Montrose, renforce la vulnérabilité face aux risques de montée des eaux puisque situées en bord d’estuaire. La montée d’eaux saumâtres pourrait compromettre la viabilité des cépages utilisés et transformer complètement le système viticole actuel. Les cartes mettant en évidence les zones submersibles d’ici moins d’un siècle indiquent clairement le péril à moyen terme.
 
Deuxièmement, le réchauffement climatique se traduit, notamment, par une sortie de l’hiver de plus en plus précoce et un démarrage de la vigne beaucoup plus rapide. Les épisodes de gel tardifs, sont donc de plus en plus redoutés car le vignoble devient vulnérable à partir du moment où les bourgeons et les premières feuilles sont sortis.  Les moyens de protection sont peu nombreux et conservent un caractère aléatoire face à ce fléau. Ils sont aussi très couteux et ont un impact environnemental considérable. Pour pallier à ce problème, les châteaux travaillent en étroite collaboration avec l’INRAE afin de mettre au point de nouveaux cépages, à maturité plus tardive. Mais la marge de manœuvre est faible puisque ces nouveaux cépages pourraient modifier considérablement les caractéristiques des vins du Médoc.

Le défi à relever est de taille car l’urgence climatique est désormais évidente et la mutation d’un système productif aussi complexe que le domaine viticole prend du temps. Une course contre-la-montre est lancée pour conserver les caractéristiques d’un des vignobles les plus prestigieux du monde sans compromettre définitivement son avenir

L’agritourisme en Médoc

La mise en tourisme. Ce secteur d’activité présente de nombreux atouts pour compléter une activité viticole déjà florissante. Plus d’un million de touristes fréquentent annuellement le vignoble médocain et la dépense moyenne par touristes est estimée à 93 euros / jour. Dans ce contexte, de nombreuses exploitations ont créé des structures d’hébergement destinées à accueillir une clientèle aisée. En effet, la réduction du nombre de machines agricoles remplacées par des engins de nouvelles génération plus robustes et plus efficaces, le recours à la sous-traitance pour un nombre conséquent de travaux, ainsi que pour les vendanges, a libéré de nombreux bâtiments désormais transformés en structure d’hébergement. La requalification spatiale de nombreuses exploitations agricoles se déroule bien souvent à marche forcée. Le fleuron de cette activité agritouristique est atteint dans le sud de l’image, au niveau de l’île de la tour de Mons avec la présence du relais de Margaux, comprenant un golf 18 trous, un restaurant gastronomique et des chambres chics.

Le vignoble dans les circuits touristiques. La tendance au développement touristique se distingue désormais dans de nombreux circuits de visite de la ville de Bordeaux qui ne se contente plus du programme : Ville de Bordeaux, bassin d’Arcachon et Saint-Emilion mais y ajoute de plus en plus régulièrement la visite des châteaux du Médoc.  Une opportunité à saisir dont se sont emparés de nombreux propriétaires.

La forêt landaise

Un vaste massif. La forêt est ici mono spécifique. Il s’agit d’une pinède appartenant au massif forestier landais. Ce dernier forme un triangle dont les 3 pointes sont le Verdon sur mer (33), Pompiey (47) et Soustons (40) ; l’ensemble couvre près de 900 000 hectares. Ce vaste massif forestier planté au cours du Second Empire est devenu le support d’un système productif, certes en difficulté mais qui a réussi à s’adapter aux recompositions économiques successives malgré sa vulnérabilité face au changement climatique.

De l’âge d’or aux impacts environnementaux

L’âge d’or du massif. Dans un premier temps, au XIXe siècle, les pins maritimes ont servi de bois d’œuvre, très peu de bois de chauffe car les résineux sont inappropriés à cet usage. La période faste du massif landais réside surtout dans « l’âge d’or du gemmage », à savoir l’exploitation de la sève des pins pour la transformer en essence de thérébentyne. Cette période correspondait à une très intense activité marquée par des résiniers qui parcouraient le massif avec un plan de charge préalablement établi. C’est à ce moment que la mise en valeur du massif fut la plus intense et le peuplement le plus dense.

L’incendie de 1949 a sonné le glas et la décroissance progressive du gemmage. Suite à ce brasier qui a détruit 25 000 hectares de bois, un dispositif de pare-feu a été adopté pour l’ensemble du massif. Ils permettent de limiter les risques de propagation des incendies. C’est visible sur l’image puisque nous remarquons le tracé régulier et géométrique de chaque parcelle.

L’impact des fléaux climatiques. L’incendie en 1949, les sécheresses de 1976 et 2003 ainsi que les tempêtes Martin (1999) et Klaus (2009) ont modifié l’appareil productif sylvicole local. Désormais, la sylviculture trouve ses débouchés dans l’industrie de la pâte à papier, la production énergétique et l’ameublement. De moins en moins dans le bois d’œuvre puisque cette branche nécessite « des gros pins » - souvent plus de 35 ans - et de nombreux producteurs sont réticents à attendre aussi longtemps. Les aléas et la vulnérabilité du massif face au changement climatique et aux risques d’incendie les incite à pratiquer une « coupe rase » dès que possible. Désormais, la coupe intervient majoritairement un peu avant 25 ans. Au cours de ce ¼ de siècle les propriétaires rentabilisent leurs parcelles en les éclaircissant au fur et à mesure des années puisqu’on plante en moyenne 1400 arbustes à l’hectare pour n’en conserver que 300 20 à 25 ans plus tard.  

L’industrie de la pâte à papier. Elle est devenue un débouché majeur pour de nombreux exploitants puisque cette activité utilise des branches de faible diamètre tout comme des troncs imposants. Le massif médocain trouve des débouchés dans l’usine de pâte à papier SMURFIT située à Facture-Biganos, le seuil de rentabilité étant estimé à une aire d’approvisionnement de 80 à 90 kilomètres. Nous sommes, ici, sur les franges de ce seuil de rentabilité. Ces dernières années, et plus précisément à la suite de la crise financière de 2008, les investissements forestiers sont repartis à la hausse. La forêt redevient attractive !

Le bois source d’énergie. Depuis quelques années les plaquettes de résineux issues de coupes d’éclaircissement ou de rognage de souche permettent de valoriser le pin car il est utilisé pour des chaudières biomasse, de plus en plus nombreuses au sein de la métropole bordelaise. Les aires d’approvisionnement et seuils de rentabilité sont globalement identiques à ceux de la pâte à papier. Cette distante-coût d’un peu moins de 100 kilomètres est liée aux caractéristiques du bois considéré comme produit pondéreux.

Vers la pluralité des espaces forestiers. C’est dans ce contexte que le caractère mono spécifique de la culture du pin maritime a tendance à régresser au bénéfice de boisements mixtes. Ici, les forêts de robiniers sont en très nette expansion. En effet, cet arbre offre des qualités proches de celles du châtaignier puisqu’il est imputrescible et particulièrement dur. De surcroît, il est beaucoup moins vulnérable aux maladies ou autres attaques parasitaires. C’est pour ces raisons qu’il constitue une matière première convoitée chez les viticulteurs afin de fabriquer des piquets de vignes. Une inquiétude néanmoins, cet arbre est classé espèce invasive dans de nombreux pays européens et se développe rapidement. Les parcelles forestières, mal ou insuffisamment entretenues, peuvent rapidement devenir incontrôlables du fait de sa prolifération.   

2022, année incendiaire. Cet été 2022 est marqué par les plus terribles incendies depuis 1949. Plus de 5 000 hectares ont brulé dans le Médoc ! Outre les facteurs explicatifs développés ci-dessus, trois facteurs ont accentué la vulnérabilité de la forêt médocaine ? Premièrement, les températures très élevées de l’été, les épisodes de canicule ont souvent succédé aux périodes de température élevées. Deuxièmement, une sécheresse importante. Troisièmement, la tendance à planter le plus près possible des pare-feux. Auparavant, une bande de 4 mètres étaient souvent laissée vierge le long des pare-feux. Au fur et à mesure des années, avec la perception d’un risque qui semblait maîtrisé, on a progressivement reconquis cette bande de terre pour accroître la production des parcelles. Le feu s’est ainsi propagé plus rapidement.

Outre la catastrophe financière pour de nombreux propriétaires, la disparition de la faune et de la flore, le rude coup porté à un système productif déjà affaibli, c’est la disparition d’un paysage du quotidien qui marque profondément les esprits. Habiter le Médoc, dévasté par les incendies, est désormais synonyme d’habiter un territoire meurtri.

Zooms d’étude

Zoom 1. L’agriculture céréalière : maïsiculture et légumes

De vastes parcelles radioconcentriques ou semi radioconcentriques sont faciles à discerner. Les exemples sont multiples, ici, dans le centre-ouest de l’image. Le diamètre des parcelles est fixé par la longueur de la rampe d’aspersion permettant d’irriguer, grâce à un système de micro-goutellettes. L’agriculture trouve, ici, un terroir propice pour trois raisons principales.

Premièrement, un relief très peu marqué puisque le pourcentage de pente n’excède pas les 2 à 3 %. C’est donc très facilement mécanisable et à moindre coût. Deuxièmement, des sols meubles ne nécessitant pas de machines et tracteurs de puissance importante. Troisièmement, la présence d’eau en quantité importante à une faible profondeur – quelques mètres – constituant ce que l’on appelle localement la nappe de sable landais. Cette nappe présente un double avantage : l’importance des réserves et la faible quantité d’énergie nécessaire à son exploitation.

Cette nappe phréatique est due à la présence d’une couche imperméable appelée localement alios ou garluche, constituée d’accumulation de fer, alumine et matière organique. L’épaisseur et la dureté de cette couche accentuent son caractère imperméable. L’eau est donc présente en quantité et à quelques mètres de la surface du sol.  

Ces parcelles sont le support de doubles cultures. Le maïs est omniprésent, principalement sous la forme de maïs semence et il est souvent associé durant la période hivernale à des cultures industrielles de type betterave à sucre. Cette dernière culture trouve dans ces sols lourds un terroir favorable à son expansion. Depuis une vingtaine d’années, la culture des carottes progresse, les conditions physiques sont particulièrement favorables à son implantation et l’absence de cailloux dans les sols sableux facilite leur calibrage.    

Revers de cette exploitation céréalière ou maraîchère, la pauvreté des sols nécessite l’utilisation massive d’engrais pour obtenir des rendements conséquents. Ici, il est courant d’utiliser 600 à 700 kg d’engrais par hectare. En effet, ces sols argilo-graveleux et sableux sont lourds et souvent pauvres en éléments nutritifs. Il est donc nécessaire de les amender afin d’accroître leur potentiel.  


Zoom 2. La forêt des Landes : des structures forestières évolutives

Comme nous le voyons sur le cliché, les parcelles de foret ne sont pas d’une régularité exemplaire, les deux tempêtes de 1999 et 2009 ont sérieusement mis à mal le stock de bois puisque 130 000 ha ont été détruits par ces ces tempêtes pour l’ensemble du massif forestier landais. Nous distinguons aisément sur cette image, le maillage des parcelles forestières, délimitées souvent par des pares-feux d’une vingtaine de mètres de large. Les couleurs différentes de ce massif témoignent aussi d’un reboisement étalé dans le temps. Certaines parcelles proposent diverses teintes de verts montrant que le reboisement a été parfois partiel et surtout très hétérogène.

Cette foret, monospécifique, s’est montrée très vulnérable aux évènements climatiques et suite aux tempêtes, le massif s’est rétréci. La requalification spatiale s’est traduite de deux manières.

Premièrement, le développement de parcelles agricoles radio-concentriques productrices de céréales ou maraichères qui se sont installées à la place de parcelles forestières détruites par les vents puissants.

Deuxièmement, l’étalement urbain lié à une modification rapide du PLU dans les franges des communes. En effet, de nombreuses propriétés sylvicoles ont été dévastées par les tempêtes successives et les collectivités ont rapidement transformé le PLU afin de rendre constructible des terrains agricoles et sylvicoles.

Dans le Médoc, les parcelles sylvicoles ont souvent une origine familiale et sont situées à proximité des domiciles. Il s’agit principalement d’investissement ponctuels, de terrains de chasse, d’héritages, de réserves financières … La plupart des propriétaires possèdent entre 5 et 20 hectares et la coupe rase d’une parcelle est souvent décidée pour faire face à une grosse dépense inhabituelle : achat d’une voiture, mariage, travaux immobiliers, études supérieures … Cet étalement urbain est un vecteur important d’accroissement de la vulnérabilité en cas d’incendie.

Zoom 3. La centrale nucléaire du Blayais

De grandes implantations énergétiques marquent le paysage présent sur l’image générale et se font face : la raffinerie de Pauillac sur la rive gauche et la centrale nucléaire du Blayais sur la rive droite. Sur cette image-zoom, le site de la centrale nucléaire a été volontairement flouté pour des raisons de sécurité puisqu’elle couvre un site sensible. La localisation de la centrale en bordure d’estuaire s’explique par la présence de quantités d’eau importantes permettant d’alimenter des pompes destinées à refroidir les quatre réacteurs.

Le site a été retenu pour deux raisons évidentes :
•    L’éloignement modéré de la métropole bordelaise d’une part.
•    Le très faible risque de pénurie d’eau dans l’estuaire de la Gironde. En effet, les fleuves de la Garonne et de la Dordogne ont des caractères nivaux à pluvio-nivaux d’où un niveau d’étiage relativement haut. La période critique des bas débits pour la Gironde se situe entre la mi-juillet et la fin octobre. La concurrence de l’agriculture productiviste, forte consommatrice d’eau est, de surcroît, limitée par la présence majoritaire de vignes autour de la centrale.

Cette dernière centrale est récente puisqu’elle a été progressivement mise en service entre 1981 et 1983. Elle possède 4 réacteurs à eau pressurisée (REP) produisant 24,55 TWH, ce qui représente les 2/3 des besoins électriques régionaux.

Aléas et vulnérabilité

La présence de cette centrale en rivage d’estuaire est l’objet de très vives tensions et des conflits locaux souvent de très forte intensité, surtout depuis la tempête de 1999. En effet, au cours de cette tempête, la Gironde est sortie de son lit et sous le triple effet du vent, des précipitations, et de la marée montante, de nombreuses digues ont cédé, inondant une partie de la centrale et submergeant les pompes permettant de refroidir les réacteurs. L’incident a été rapidement maîtrisé et aucune conséquence majeure n’a été enregistré. Les interprétations sont très divergentes à propos de cet incident qu’EDF a classé sans risques majeurs alors que de nombreux riverains, travaillant ou non dans la centrale, y ont décelé un péril imminent.

Le syndrome de Fukushima

Depuis cet évènement, il existe une défiance importante des professionnels du vin et des propriétaires de vignobles prestigieux à l’égard de la centrale. Ils ne sont distants que de quelques kilomètres et voient dans la centrale nucléaire une menace majeure susceptible de nuire à leur image de marque en cas d’incident aussi mineur soit-il. Sentiment renforcé depuis l’accident nucléaire de Fukushima en 2011. En effet, la majeure partie des vins de prestige et de qualité trouve preneur à l’exportation. Un incident technologique, même d’ampleur modéré, mais à fort relais médiatique, pourrait mettre à mal la réputation d’un des plus prestigieux vignobles au monde. L’inquiétude est palpable et la menace prise très au sérieux par le monde du vin. Signe des temps et de la préoccupation actuelle liée à la sécurité de la centrale, de lourds travaux de rehaussement des digues sont en cours afin d’atteindre le fameux degré de protection dit « degré de protection Fukushima ».

Néanmoins, la tempête de 1999 a favorisé la gestion du risque désormais plus resserrée, un certain nombre de réseaux ont profité de la politique d’enfouissement des lignes aériennes, libérant ainsi le paysage. En effet, nous ne distinguons quasiment pas de réseaux de transport électriques partant de la centrale.

Zoom 4. Les îles du fleuve : un monde bien spécifique

Du confluent entre la Garonne et la Dordogne au bec d’Ambès, l’estuaire est occupé par de nombreuses îles comme la très longue île de Macau plus au sud (hors image). Sur cette image- zoom se trouvent trois îles du sud au nord : l’ile Nouvelle, le Vasard de Beychevelle, qui constitue un gros banc progressivement colonisé par la végétation, et enfin la grande île de Patiras – 4,5 km de long sur un km de large – consacrée pour l’eesentiel à la grande culture (maïs et tournesol) dont le phare – utilisé de 1879 à 1992 - à la pointe nord-ouest rappelle les fortes contraintes de la navigation. Témoin des évolutions géomorphologiques de l’estuaire, les îles de Patiras et Philippe fusionnent dans les années 1950. On distingue encore bien au nord l’ancienne île Philippe avec un cours d’eau au tracé tré sinueux et les traces d’anciens méandres.

Zoom 5. Saint-Julien Bechevelle : l’appellation AOC St Julien

Cette image-zoom est centrée sur la commune de Saint-Julien-Beychevelle (610 hab.) située entre Margaux et Pauillac. Elle s’étend sur 16,3 km² et se trouve entre 28 m. et O m. d’altitude, étant bordée par l’estuaire de la Gironde à l’est. Cette situation explique que la commune soit considérée comme une commune littorale au sens de la Loi de janvier 1986. Les rives du fleuve sont bordées par des prairies et constituent un fort contraste avec le reste du territoire communal consacré pour l’essentiel à la vigne qui occupe 40 % de la surface de la commune, surface fluviale comprise.

Saint-Julien appartient à l’AOC Saint-Julien, qui regroupe les communes de St Julien, Cussac-Fort-Médoc et Saint-Laurent-Médoc. Les cépages sont du cabernet-sauvignon, qui est dominant, le cabernet franc, le merlot, le malbec, le petit verdot et un tout petit peu de carménère. Du fait du cahier des charges de l’appellation, la densité est de 6500 à 10 000 pieds de vigne à l’hectare et le rendement annuel maximum autorisé de 55 hl/ha.

Cette AOC St Julien comprend onze Grands Crus classés, dont les Châteaux Ducru-Beaucaillou, Gruaud Larose, Léoville Barton, Léoville Las Cases, Léoville Poyferré, Château Lagrange... On trouve ensuite plusieurs domaines classés en crus bourgeois ou crus artisans. Par exemple, le Château Ducru-Beaucaillou est classé Grand Cru Classé en 1855. Couvrant une superficie de 90 hectares sur des graves à gros galets et graves pyrénéennes comme sol, il comporte trois cépages : 75 % de cabernet-sauvignon, 25 % de merlot et 5% de petit-verdot. Avec une densité de 10 000 pieds par hectare, le rendement est de 30 hectolitres à l’hectare.

Les images ci-dessous ont été prise par un satellite Pleides (3 avril 2021)

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Repères géographiques

Zoom 6. Cussac-Lamarque et Cussac-Fort-Médoc

Cette image couvre les communes de Cussac-Fort-Médoc - au nord qui est séparée par le Jalle du Cartillon – de Cussac-Lamarque au sud. A l’ouest et au sud-ouest se trouvent les célèbres communes de Listrac-Médoc et Moulis-en-Médoc.

Cussac-Lamarque est une petite commune de seulement 8,91 km², peuplée de 1300 habitants, soit une densité de 148 hab/km2. Son altitude maximale culmine à 19 m. de hauteur. Du fait de sa structure, la vigne couvre 35 % de la commune, devant les prairies (27 %). Cusac-Fort-Médoc est aussi une petite commune de 18 km², peuplée de 2.300 habitants (129 hab./km²).


Repères géographiques

Zoom 7. Listrac-Médoc et Moulis-en-Medoc

L’image couvre les communes de Listrac-Medoc et Moulis-en-Medoc. La commune de Listrac est assez étendue avec 62 km², car elle s’étend largement à l’ouest de l’image sur la forêt des Landes qui occupe environ 72 % de la surface communale. Avec 2800 habitants, sa densité est assez faible (45 hab./km²). Depuis 1957, la commune est en appellation Listrac-Medoc ; la vigne y couvrant 787 hectares. Elle se présente comme « le toit du médoc » en culminant à 43 m. d’altitude. Le finage viticole est composé de quatre croupes de graves majoritairement en cabernet-sauvignon et d’un plateau sur socle calcaire majoritairement en merlot.

De la même manière, Moulis s’étend comme un étroit bandeau sud-ouest/nord-est de 7 km de long et 20,56 km² pour 1.800 habitants (91 hab. /km²), dans lequel la vigne occupe cependant plus de place (36 %, 610 hectares) que la forêt (34 %) .

Ces deux communes des propriétés particulièrement renommées comme le château Fonréaud, le château Fourcas-Dupré, ou le Château Clarke pour Listrac et le château Chasse-Spleen, le château Poujeaux, le château Branas Grand Poujeaux, le château Granins Grand Poujeaux, le château Brillette, le château Maucaillou, le château Biston Brillette ou encore le château Moulin à Vent pour Moulis.


Repères géographiques

Zoom 8. Margaux-Cantenac : la prestigieuse appellation Margaux

Née en 2017 de la fusion de Margaux et Cantenac, la commune de Margaux-Cantenac se situe à une vingtaine de kilomètre au nord de Bordeaux. Couvrant 21,6 km², elle est peuplée de 2800 habitants (133 hab./km²).

La commune de Margaux renvoie bien sûr à l’Appellation AOC Margaux qui couvre 1.490 hectares en vins rouges. La production est de 60 900 hectolitres par an, avec 7000 pieds à l’hectare et des rendements moyens de 57 à 63 hectolitres/ha.  L’appellation couvre les communes d’Arsac, Cantenac, Labarde, Margaux et Soussans.

En 1855, l’appellation Margaux est celle qui compte le plus grand nombre de crus classés avec 21 châteaux retenus, dont 9 à Margaux, 9 à Cantenac 2 à Labarde et un à Arsac.  Les plus renommés de déploient au sud de Margaux-Cantenac, pour partie hors image zoom. On doit en particulier retenir Château Margaux 1er cru (262 ha) et Château Brane-Cantenac (75 ha), château Durfort-Vivens (30 ha), Château Lascombes, Château Rauzan-Ségla (66 ha.) et Château Rauzan-Gassies (30 ha.) dans les Deuxièmes crus. On trouve ensuite dix Troisièmes crus (Château Boyd-Cantenac, Château Cantenac Brown, Château Desmirail, Château Ferrière, Château Giscours, Château d'Issan, Château Kirwan, Château Malesco St Exupéry, Château Marquis d’Alesme Becker et Château Palmer).


Repères géographiques

Ressources et bibliographie

Réjalot M. (2007), Le vin entre sociétés, marchés et territoire. Rive Droite ou Rive Gauche ? Les politiques patrimoniales viticoles bordelaises à la lumière d’une lecture géo-culturelle, http://geoconfluences.ens-lyon.fr

Schirmer R.(2020), Bordeaux et ses vignobles, un modèle de civilisations, éditions Sud-ouest.

Sarraute E (2020), Un midi océanique, PP 90-92 in Schirmer R. (2020), Bordeaux et ses vignobles, un modèle de civilisations, éditions Sud-ouest.

Agreste – Nouvelle-Aquitaine 09/2020-N° 13 : Valeur vénale des terres viticoles en Nouvelle-Aquitaine en 2019 : les disparités ne cessent de s’accroître et de se renforcer

Agreste-Prix des vignes 2020.

Cahier des charges de l’appellation d’origine contrôlée « MÉDOC » - Publié au BO du MAA le 22 novembre 2018

Agence d’urbanisme de Bordeaux-Métropole
https://www.aurba.org/

Les vins de Bordeaux
https://www.bordeaux.com/fr/

Vins de Bordeaux. Le Médoc
https://www.bordeaux.com/fr/Notre-Terroir/The-Medoc

Conseil des Grands Crus Classés
https://gcc-1855.fr/fr/

Conseil des Vins du Médoc
https://www.medoc-bordeaux.com/

Château Margaux : https://www.chateau-margaux.com

Contributeur

Eric Sarraute, Professeur Agrégé de Géographie – département de géographie – Université Bordeaux Montaigne – Responsable du master MEEF histoire-géographie.

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