4 Septembre 2022

Etats-Unis - New York, de la ville à la ville mondiale

Le Grand New York, aire urbaine la plus peuplée des États-Unis centrée autour de la ville de New York, est un territoire où les articulations d’échelles du mondial au local, sont au cœur des enjeux d’aménagement et des politiques urbaines. La force de la mondialisation y distribue les lieux de la puissance, mais soulève en retour la question des dynamiques hiérarchiques, dont celle des centralités urbaines, dans une métropole fortement ségréguée. Face à la forte concentration des interfaces de la mondialisation, la gouvernance urbaine - alliant partenaires publics et privés - doit répondre à de nombreux défis, dont font partie l’étalement urbain, l’organisation des mobilités et la gestion du risque inondation dans le contexte du changement global. L’espace urbain ne cesse ainsi de se recomposer, entre l’inertie de l’American Way of Life et les injonctions du développement durable.
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Légende de l’image

Cette image de New-York, la la plus grande métropole des Etats-Unis, a été prise par le satellite Sentinel-2A le 19 octobre 2021. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

Ci-contre, la même image satelitte présente des repères géographiques de la région.

Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2021, tous droits réservés.


Repères géographiques

Présentation de l’image globale

New York : une grande métropole face au défi des articulations d’échelles

New York, New York

Une plaine côtière urbanisée, basse et soumise aux risques d’inondation

Couvrant l’embouchure du fleuve Hudson sur la Côte Est des États-Unis, l’image englobe ici une superficie de plus de 7.000 km2 sur les 34.494 km2 occupés par le Grand New York. Cette côte basse de 10 mètres d’altitude en moyenne culmine à 125 mètres à Staten Island (Tod Hill). Dans l’angle nord-ouest de l’image, de nombreux lacs sont visibles. Ils parsèment une petite chaîne collinaire à 160 mètres d’altitude, sur le flanc Est des Appalaches du Nord, dans un axe sud-ouest/nord-est entre les villes de Morristown et Mahwah dans le New Jersey. La rive ouest de l’Hudson, au nord de Fort Lee, s’élève doucement vers le nord de 86 à 138 mètres : ce sont les New Jersey Palisades, une ligne de falaises, au fort potentiel touristique et récréatif, recouvertes de forêts, repérables ici à la couleur verte.

L’essentiel de l’espace urbanisé est donc ouvert sur l’Océan Atlantique et de vastes zones sont à quelques mètres à peine au-dessus du niveau de la mer. Ainsi, au nord-ouest du Bronx, l’image montre un vaste espace vert, un parc, à 1 mètre seulement d’altitude, comme une cuvette au sein d’un espace urbanisé. La rive sud de Long Island s’ouvre sur l’océan, en une côte marécageuse située entre 0 et 1 mètre d’altitude. La NY 110 descend entre Huntington et Amityville de 66 à 9 mètres. L’urbanisation, qui imperméabilise les sols, et la faiblesse de l’altitude y expliquent en partie le risque d’inondation.

Deux réalités urbaines : New York City, Grand New York

New York recouvre deux réalités urbaines : d’un côté la ville de New York City, de l’autre l’aire métropolitaine du Grand New York.

L’image satellite permet de distinguer New York City, à partir des grands axes de communication et des bras de l’Hudson au sein du Grand New York. Depuis le 1er janvier 1898, Manhattan, le Bronx, Brooklyn, le Queens et Staten Island sont réunis pour former cette ville en cinq boroughs – ou arrondissements - couvrant 783,8 km2. C’est en 1940 que l’aire métropolitaine est définie statistiquement une première fois, afin de tenir compte de l’étalement urbain et de la distinguer dans le continuum urbain qualifié de « mégalopolis » par le géographe Jean Gottmann en 1961. New York entre alors dans la catégorie statistique des Metropolitan Statistical Areas, MSAs. Cette aire urbaine s’étend sur trois États fédérés - New York, New Jersey et Connecticut - selon les mobilités domicile-travail.

La poursuite de la dynamique de métropolisation conduit l’U.S. Census Bureau à ajouter une définition statistique en 1995, délimitant une zone urbaine élargie (Combined Metropolitan Statistical Area, CMSA) ou Grand New York, incluant davantage d’espaces suburbains. Cette agglomération, centrée autour de New York City, regroupe 31 comtés et 725 municipalités répartis sur quatre États fédérés - New York, New Jersey, Connecticut et Pennsylvanie. Le Grand New York concentre ainsi 7 % de la population des États-Unis. Entre 1990 et 2020, New York City passe de 7,32 à 8,80 millions d’habitants, l’aire métropolitaine de New York (MSAs) de 16,8 à 20,14 millions et enfin le Grand New York (CMSA) de 19,8 à 23,5 millions d’habitants.

La gouvernance urbaine : quand le public et le privé gèrent la ville

Seule New York City est une collectivité territoriale, dirigée par un maire. Les autres délimitations statistiques ne correspondent à aucun échelon de gouvernement métropolitain.

La City Planning Commission, étroitement liée au maire de la ville, orchestre la gestion urbaine. Pour autant, il existe de nombreuses instances publiques ne laissant pas la gouvernance de cet espace urbain au seul maire de New York City, qui ne regroupe que 37 % de la population du Grand New York sur seulement 2,3 % de sa superficie). La Port Authority of New York and New Jersey joue un rôle considérable puisqu’elle gère par exemple les ponts, tunnels, aéroports et ports dans le New York, New Jersey-Port District. De même, la Metropolitan Transportation Authority est chargée quant à elle, de la gestion des transports publics dans la ville de New York et son agglomération. Elle dessert douze comtés du sud de l'État de New York et deux comtés dans le Connecticut.

À New York City, la City Commission Planning exige la participation des comités des 59 quartiers de la ville afin de recueillir l’avis des habitants et des entreprises. La sphère du public n’agit pas sans prendre en compte l’avis de la sphère du privé. Ainsi, des public benefit corporations ont été créées pour agir sur la politique d’aménagement urbain. Par exemple, l'Empire State Development Corporation s'occupe de la rénovation urbaine, de la construction de logements et du développement de plusieurs secteurs de la ville comme le World Trade Center ou Times Square. La grande fragmentation institutionnelle empêche une gouvernance territoriale globale, c'est-à-dire la création d’une institution pouvant parler et agir au nom de la métropole tout entière et de ses habitants.

Cependant, le développement urbain passe par une ouverture de l’espace public au secteur privé afin de mieux le rentabiliser et contribuer à sa compétitivité. C’est pourquoi les public benefit corparations new-yorkaises sont largement ouvertes à de nombreux hommes d’affaires qui y siègent. Le corollaire de ce mode de gouvernance est la financiarisation de la fabrique urbaine et la privatisation de l’espace public, liées à la diminution des revenus des villes. À l’échelle des quartiers, un zonage incitatif est créé pour que le secteur privé ou des Partenariats Publics Privés (PPP) prennent en charge des parties de l’espace public et agissent sur l’aménagement urbain. C’est donc la fonction des Business Improvement District (BID), structures à but non lucratif, dont les acteurs locaux supervisent et financent l'entretien, l'amélioration et la promotion de leur quartier commercial. Il y en a 76 à New York City : une grande part de la ville est donc aménagée par le privé, couvrant 93.000 commerces avec 170 Millions de $ de budget. Ils sont plus nombreux dans le cœur économique de la ville, à Manhattan et dans les arrondissements autour. Ainsi, au pied du pont de Brooklyn, face à Manhattan, le DUMBO (Down Under the Manhattan Bridge) est un quartier transformé par de nombreuses rénovations urbaines dans les anciens entrepôts portuaires et ayant lancé une dynamique de gentrification. À Manhattan, c’est le Times Square Alliance qui a recomposé Times Square en hyper-lieu (zoom 1).

Deux types de formes urbaines autour de la ville-centre

Les gradients de densité du bâti sont clairement visibles sur les images. New York City est particulièrement visible et apparaît bien comme le cœur du Grand New York. Seule Staten Island montre ici davantage d’espaces verts. Autour de cette ville-centre la densité décroît progressivement au gré de l’étalement urbain (urban sprawl), laissant place à des banlieues au sein desquelles alternent de petits noyaux denses : les edge cities, pôles suburbains et des edgless cities, des formes urbaines peu denses. Ainsi, deux formes urbaines caractérisent la métropole new-yorkaise en-dehors de la ville-centre (zoom 2).

Joel Garreau, en 1991, a qualifié de edge cities, ces petits noyaux denses, qui sont des pôles secondaires d'existence récente – de 20 ou 30 ans en 1990 - qui rassemblent des emplois, des bureaux, des espaces commerciaux et d'hôtellerie et quelques sièges sociaux. Il a alors établi une liste de 20 edge cities (villes-lisières), qui sont pratiquement toutes visibles sur l’image satellite. Ces pôles secondaires se sont développés le long des routes et des autoroutes, accompagnant la dynamique d'implantation d'entreprises recherchant un cadre agréable au moindre coût et des lotissements résidentiels, y compris les lotissements sécurisés, les gated communities. Ces pôles secondaires sont alors facilement repérables sur l’image satellite, montrant des concentrations du bâti plus forte au milieu de formes urbaines peu denses (zoom 2). Ils sont le résultat du desserrement des activités de services et de la haute technologie dans la grande banlieue new-yorkaise et concomitamment des catégories sociales mobiles qui y travaillent.

Les secondes sont la seconde forme urbaine de cet ensemble métropolitain : les edgless cities, ainsi nommées par Robert Lang en 2003 ; elles occupent la plus grande partie de l’image satellite. R. Lang désigne ainsi « une forme de déploiement diffus des espaces d’activité en dehors de la ville centre, dans les banlieues denses ainsi que les franges urbaines. Cette figure spatiale ignore le piéton, est inaccessible sans voiture, et fait le pendant fonctionnel à la généralisation du lotissement planifié. » (Géoconfluences, 2015). Finalement, cette forme urbaine particulière relève de l’exurb, un périurbain peu dense, connaissant une croissance démographique supérieure à la moyenne de la métropole à laquelle elle est connectée par d’importantes mobilités pendulaires. Cette forme s’offre à la vue sur cette image, comme entre les edge cities de Stamford et Westport sur la rive Nord du Long Island Sound, ou bien au nord de White Plains (zoom 2). Pour autant, les espaces agricoles ne sont pas absents du Grand New York, notamment dans le comté de Monmouth (zoom 4).


Repères Géographique

New York, un condensé d’interfaces

Manhattan, cœur d’une ville globale

Le terme de « ville globale » proposé par Saskia Sassen en 1991 désigne des métropoles concentrant les fonctions de commandement de l’économie mondiale. New York est l’une des métropoles les plus attractives et s’affirme comme une des places fortes politique (ONU), financière (NYSE), économique (217 sièges sociaux de firmes transationales), médiatique et artistique de la planète. À cette échelle, l’image ne permet pas de distinguer les lieux de pouvoirs qui se concentrent à Manhattan (voir Manhattan Sud, Jean-Louis Bonnaure et Arthur Plaza, Géoimage), l’hypercentre de New York (19 % de la population de la ville, 38 % des emplois de la finance, 33 % dans les fonctions supérieures de commandement). 1,5 million de travailleurs y viennent chaque jour. Au cœur de ce quartier, Times Square fait figure d’hyper-lieu (zoom 1) et de symbole de cette ville globale.

Une concentration d’interfaces organisant les espaces productifs

Si New York est une ville globale, ce sont surtout ses interfaces portuaires (zooms 5) et aéroportuaires que cette image révèle.

Un système aéroportuaire polynucléaire, dense et hiérarchisé. À l’échelle mondiale, la principale porte d’entrée à New York est l’aéroport John Fitzgerald Kennedy au sud du Queens sur la rive nord de Jamaica Bay et qui occupe 20 km2 de superficie. 20è aéroport mondial par le nombre de passagers en 2019 (62,5 millions), il est le 6è aéroport des États-Unis avec ses 4 pistes et ses 6 terminaux qui permettent à plus de 90 compagnies d’en faire un hub majeur pour le pays. En 2020, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, sa fréquentation a lourdement chuté à 16 millions de passagers. Situé à 19 km de Manhattan, il est accessible par l’autoroute 678 et un train connecté au métro de la ville.

La métropole est aussi desservie par deux autres aéroports d’importance : Newark et LaGuatrdia. Au nord de Staten Island, l’aéroport international Newark-Liberty est le 14è aéroport des États-Unis avec 46,3 millions de passagers en 2019. Il est inséré au sein d’une véritable interface multimodale et industrielle (zoom 5), à 26 km de Manhattan. À 14 km au nord de JFK Airport, à l’extrémité ouest du Long Island Sound, l’aéroport de LaGuardia est un aéroport national, mais situé seulement à 6 km de Manhattan il est très fréquenté et est le 25è aéroport du pays avec 31 millions de passagers en 2019. Enfin, à 19 km au nord de Manhattan, Teterboro Airport, dans le comté de Bergen, est un aéroport fréquenté par des jets privés.

Ce sont donc près de 140 millions de passagers qui passent par les aéroports du Grand New York. Ils sont tous interconnectés à la route et au rail, permettant un accès rapide au cœur de Manhattan et d’intégrer New York à la Megalopolis et à l’Archipel Mégalopolitain Mondial (AMM) théorisé par Olivier Dollfus (1994), en faisant un nœud majeur de l’espace-monde.

Un système portuaire de 1er rang, entre recomposition et concentration. Dans le contexte de la maritimisation (Vigarié, 1979), une totale recomposition de l’espace portuaire a été opérée. Traditionnellement, les installations portuaires s’étiraient sur un bras de l’Hudson au sud de Manhattan et au nord de Brooklyn. Aujourd’hui, ce sont des espaces de reconquête urbaine et de gentrification, dont la forme des quais (piers) reste visible sur cette image.

En 1921, avec la création de la Port Authority of New York and New Jersey, la modernisation du port de Newark, dans une ancienne zone marécageuse de Newark Bay, est lancée. Il peut assurer, dès 1956, la logistique nécessaire aux premiers conteneurs conçus par M. McLean et l’autorité portuaire y crée en 1962 le premier port à conteneurs au monde. Dès lors, les activités industrialo-portuaires n’ont eu de cesse de se concentrer dans cet espace (zoom 5), faisant du port de New York-New Jersey le 3è port à conteneurs des États-Unis et le 21è port mondial en 2020, avec un trafic de 7.585 millions d’EVP. Au cœur de la Megalopolis, connecté à la région des Grands Lacs par l’Hudson, ce port permet d’alimenter un gigantesque marché de consommation, incluant le Midwest, soit plus de 140 millions d’habitants.

Les interfaces numériques de la mondialisation. Au cœur de la planète financière (NYSE), du réseau des institutions de la gouvernance mondiale (ONU) et des pôles de la recherche et de l’innovation (Silicon Alley), le Grand New York est équipé de 99 datacenters, dont 17 à Manhattan Sud. Ce sont sur les plages de Long Island que les premiers câbles sous-marins transatlantiques ont été installés, notamment sur la péninsule de Rockaway Beach, ici visible à l’entrée de Jamaica Bay. Au total, la métropole new-yorkaise est l’un des hauts lieux les mieux interconnectés avec le reste de l’espace mondial, en premier lieu les grandes métropoles situées en haut de la hiérarchie urbaine mondiale.

Les interfaces touristiques. Une interface touristique met le touriste en relation avec un lieu et des individus. Dans une approche théorique, Jean-Christophe Gay (2008) distingue certains lieux touristiques en trois formes d’interfaces : celles ménageant l’altérité, celles l’exploitant et celles la mettant en scène. Il y a ici quelques fondements de ce qui fait de Times Square un hyper-lieu (zoom 1). New York est doté de nombreuses interfaces ménageant l’altérité : les hôtels internationaux. La ville est dotée de plus de 120.000 chambres. Les palaces se concentrent au tour de Central Park, bien visible par sa forme rectangulaire sur l’image. Mais autour de Manhattan, les nouveaux hôtels sont de plus en plus nombreux dans le Bronx, à Brooklyn, le Queens et Staten Island.

D’autres lieux touristiques sont des interfaces qui exploitent l’altérité, valorisant l’authenticité des lieux. Préférant le logement chez l’habitant, via des plateformes dédiées, les touristes recherchant l’altérité fréquentent davantage les parcs comme les 340 hectares de verdures de Central Park à Manhattan, Riverside Park au nord, le long de l’Hudson, Prospect Park à Brooklyn, Pelham Bay Park dans le Bronx, Forest Park dans le Queens ou High Rock Park à Staten Island. Autant de trouées vertes que l’on distingue bien sur l’image, tout comme de celle de New Jersey Palisades. Les plages urbaines sont aussi nombreuses dans le New Jersey, à Long Island, où la pratique du surf permet de rencontrer les amateurs new-yorkais de ce sport. La recherche, par les touristes, des territoires des loisirs new-yorkais comme Coney Island à Brooklyn (zoom 7), devient très recherchée.

Enfin, des interfaces touristiques mettent en scène l’altérité ; ce sont des lieux très fréquentés, où l’ont veux être vu. De nombreux spots « instagrammables » parsèment la ville : l’Empire State Building, Grand Central Station, Times Square, la statue de la liberté, le pont de Brooklyn, Central Park, le sapin de Rockefeller Center, Greenwich Village.

Articuler l’échelle mondiale aux échelles locales et régionales : quels défis ?

Se déplacer à New York

Corollaire d’une métropolisation très poussée dans le contexte d’une ville mondiale, les mobilités sont un enjeu crucial dans le Grand New York. L’image laisse apparaître les axes routiers et ferroviaires, soulignés par les contrastes de couleurs livrés par le bâti et ces infrastructures. Leur convergence vers New York City est complétée par des radiales reliant les edges cities entre elles, comme entre Mahwah et White Plaines par exemple. Elles structurent l’urbanisation (NY 110, zoom 3). Pour autant, contrairement aux autres grandes métropoles étasuniennes, New York se distingue par une plus forte utilisation des transports en commun en ce qui concerne les mobilités domicile-travail. Cependant, 35 % des voies des transports urbains sont en mauvais état, conséquence d’un budget plus important alloué aux infrastructures automobiles.

Surtout, les contraintes d’un site péninsulaire et fragmenté bien visible sur l’image montrent l’importance des ponts et des tunnels. Leur entretien, leur gestion relève, tout comme les aéroports, de la Port Authority of New York and New Jersey. Or, ces infrastructures sont vieillissantes. L’âge moyen des ponts y est de 43 ans et 11 % des 162 ponts ont plus de 100 ans.

Outre les aéroports, l’intégration de la métropole à la mégalopole passe aussi par les lignes à grande vitesse. L’ACELA relie Washington D.C. à Boston, via New York (Penn Station) avec une vitesse maximale de 240 km/h. Mais la vétusté des infrastructures réduit les tronçons à grande vitesse et l’ACELA parcoure les 735 km entre les trois métropoles en 6h50 avec une vitesse moyenne de 85 km/h.  

Un étalement urbain à maîtriser

L’image satellite montre, en apparence, une importante superficie d’espaces verts. Cependant, l’étalement urbain y est bien présent et la minéralité des paysages est y bien visible. Les principales conséquences environnementales de l’étalement urbain sont la destruction d’écosystèmes (boisés, zones humides, terres agricoles, etc.), la pollution atmosphérique liée à l’automobile et l’artificialisation et la minéralisation des sols. Ceci est essentiellement lié à l’utilisation de la voiture, nécessaire pour se rendre sur les lieux de consommation que sont les malls, le long des principaux axes de transport. Ainsi, le long de la route 35 (New Jersey 35) dans le comté de Monmouth, longeant la côte, un chapelet urbanisé est clairement visible : il est ponctué de plus d’une trentaine de malls.

Dès lors, les transports et les mobilités sont au cœur de la gestion durable des villes. Des quartiers TOD sont envisagés. Le concept de transit-oriented development (TOD) concerne l’aménagement d’un quartier pour favoriser l’usage des transports en commun. Il peut se définir comme un développement résidentiel et commercial conçu pour tirer parti de l'accès aux transports en commun. Le quartier est ainsi structuré autour d’une gare locale ou d’une station de transport. La densité est ainsi envisagée comme une réponse à l’étalement urbain, une alternative à la voiture. Il s’agit de reconstruire une ville multipolaire autour d’un réseau de pôles. Le TOD permet de tirer parti des infrastructures existantes et de limiter la consommation de l’espace. Ainsi, dans le New Jersey, le concept de Transit Village en est l’application (zoom 6).

Des inégalités face au risque d’inondation et de submersion

Dans le contexte du changement global et du fait de la faiblesse de l’altitude de la plaine côtière, la métropole en général et la ville de New York en particulier sont très vulnérables aux inondations, dont la force et la récurrence se renforcent. Ainsi, en septembre 2021, l’ouragan Ida a provoqué la mort de plus de 50 personnes dans le Nord-Est des États-Unis, dont 17 dans la ville de New York. Si les réseaux de transports urbains ont été paralysés, les victimes de ces inondations sont surtout à chercher parmi les plus démunis : sans-abris à Manhattan, familles logées dans des soubassements d’immeubles dans le Queens. On estime en effet que 114.000 New-Yorkais vivent dans des structures souterraines illégales et sont ainsi plus vulnérables face à ce risque.

Selon le groupement de développement économique de la ville de New York (NYCEDC), en 2050, 37 % des bâtiments de la ville seront en zone inondable. C’est pour cette raison qu’en 2019, la municipalité a adopté un plan de 500 millions de dollars pour financer quatre projets destinés à protéger les zones à risque : acquisition d'un barrage gonflable et mobile, construction d’un mur de protection permanent situé au sud de Battery Park City (extrême sud-ouest de Manhattan), surélévation des jardins situés à la pointe extrême de Manhattan pour qu'ils forment une barrière naturelle contre l'eau en cas de débordement, restauration des dunes à Staten Island pour protéger le littoral.

Zooms d’étude

Zoom 1. Times Square, un hyper-lieu au cœur de Manhattan

Entre les 6è, 9è, 42è et 48è (ouest) rues et traversé par Broadway, Times Square est un petit espace. Bien qu'il ne représente que 0,1 % de la superficie de la ville de New York, Times Square polarise près de 10 % des emplois de la ville et génère 15 % de sa production économique. Avec près de 180.000 travailleurs, plus de 19.000 chambres d'hôtel et 2,8 km2 de bureaux, le quartier est un important centre commercial et de divertissement.

Times Square est le prototype de l’hyper-lieu : un concentré de mondialisation. Selon M. Lussault, des critères essentiels permettent de reconnaître un hyper lieu :  « le regroupement démesuré par rapport à un espace restreint d’éléments spatiaux, matériels, immatériels, humains et non-humains ; puis, l’alliance de l’accessibilité du lieu avec la connectivité au Monde ; ensuite, l’insertion du lieu dans différentes échelles – locale, régionale, nationale, mondiale ; le fait que ce lieu procure aux individus une expérience personnelle ou collective totale – une sensibilité, un engagement spécifique, ainsi les individus qui expérimentent l’hyper-lieu y partagent une affinité spatiale à travers une même expérience » (M. Lussault, 2017).

Ici, l’intensité des relations sociales et la connectivité au monde, peuvent se mesurer par une très forte fréquentation : plus de 360.000 visiteurs (venus à pied) par jours, avec un pic à 420.000 en 2018. Instagram est un autre indicateur possible. En 2019, Times Square est le 5è lieu le plus populaire au monde sur le réseau social avec plus de 3,8 millions de photographies partagées (derrière Miami, Walt Disney World, la Tour Eiffel et Las Vegas). Times Square reçoit aussi des informations de toute la planète diffusées sur ses écrans géants. Une hyperspatialité contribuant à en faire un hyper-lieu.

L’accessibilité de Times Square est aussi fondamentale. Situé à une minute en métro de la Gare centrale ou 11 minutes de marche, Times Square voit une nette progression du trafic de passagers en transports en commun qui a augmenté de 71 % entre 1996 et 2019, ce qui représente 38.736.605 passagers supplémentaires par an, soit 106.128 passagers par jour.

Mais avant d’être cet hyper-lieu, Times Square a connu de profondes recompositions socio-spatiales. C’est à l’intersection de la 7è avenue et de Broadway que le New York Times y installa son siège social et que la place prit son nom en 1904. Dès le 31 décembre 1907, le journal y lança, ce qui devint une tradition : le décompte des soixante dernières secondes de l’année. Aujourd’hui, 750.000 personnes s’y rassemblent chaque année. Très vite, le quartier devint un concentré de l’activité culturelle newyorkaise avec une forte concentration de théâtres le long de Broadway. La Grande Dépression des années 1930 interrompt cette dynamique pour plus de 50 ans. Petit à petit, le quartier se paupérise, devient un lieu de la prostitution et du trafic de drogue. Mais en 1992, un Business Improvement District BID) est créé : le Times Square Alliance. Il devient l’acteur majeur de la recomposition du quartier. Avec des compétences fortes en matière de sécurité (en coopération avec la police de la ville), de propreté, de promotion touristique, mais aussi d’aide sociale, le quartier retrouve son attractivité perdue. Surtout, le BID réussi à convaincre le groupe Disney d’y implanter un magasin, aujourd’hui emblématique de Times Square, attirant dans son sillage de nombreux autres grandes FTN.

C’est donc ce mélange d’acteurs privés et publics au sein du Times Square Alliance qui est actuellement l’acteur majeur de l’aménagement de l’espace urbain. Parmi les membres votants de ce BID, on trouve des représentants de Disney, de la Paramount, du New York Times, des résidents du quartier et des représentants de la ville de New York. Leur principal objectif aujourd’hui est de réaménager certains grands axes (42è rue, Broadway) en y créant des couloirs prioritaires pour les piétons, avec une circulation automobile limitée, des zones piétonnes élargies et des pistes cyclables continues, à l’image de ce qui est déjà réalisé sur la 47è rue et de la place de Times Square.


Repères géographiques

Zoom 2. Au nord de New York City : la diversité des formes urbaines

Le cadre de cette image permet d’appréhender la diversité des formes urbaines depuis la ville-centre jusqu’aux collines rurales annonçant les Appalaches du Nord (au nord-ouest de l’image). La densité décroissante du bâti du sud vers le nord est bien observable, organisée le long d’axes routiers et parsemée de noyaux urbains.

Au sud de l’image, les quartiers de Manhattan et du Bronx se détachent nettement. Les plans en damier du réseau viaire sont encore visibles à cette échelle. Sans être absolument réguliers, ils sont ponctués d’espaces verts : golfs et parcs, et restent identitaires de la ville américaine.

Entre le nord de New York City et l’edge city de White Plains, soit une vingtaine de kilomètres, le comté de Westchester offre ici l’image de la suburb classique : un tissu urbain aéré, là aussi ponctué de terrains de golf (en vert vif sur l’image) et de bois (en vert foncé) plus nombreux. Ces terrains de golf sont, pour la plupart, créés au sein de communautés fermées. Le long des axes routiers, les toits blancs des zones d’activité montrent une fonctionnalisation, un zonage de l’espace entre fonctions résidentielles, industrielles et récréatives. La suburbanisation n’est pas un déversoir du peuplement de la ville-centre, mais bien un espace de recherche d’une nature glorifiée, un espace hybride de recherche de la proximité des aménités urbaines et rurales.

C’est dans ce sens, d’un besoin de nature, voire de wilderness, qu’il faut comprendre les espaces naturels boisés sur les rives de l’Hudson. Ainsi, le Palisades Interstate Park dans le New Jersey s'étend sur environ 19 km de long et 800 mètres de large, sur des rives sauvages et des falaises, à quelques minutes du centre de Manhattan.

Au nord de White Plains, de Mahwah et du Cuoma Bridge, la densité des habitations diminue encore, laissant place à des formes urbaines relevant de l’edgless city, d’une exurbanisation en saut de grenouille, par un mitage de l’espace rural, et en ruban le long des axes routiers.  Ces espaces sont plébiscités par des urbains des classes moyennes supérieures. Cette forme d’étalement urbain rend la délimitation entre les espaces urbains et ruraux plus floue.


Repères géographiques

Zoom 3. La route 110, une edge city originale

Certains axes routiers sont devenus le support de la formation de certaines edge cities, comme la route 110 de l’État de New York (NY 110), située à environ 30 km à l’est de New York City et délimitant les comtés de Nassau et de Suffolk sur 25 km et reliant Amityville (9 443 hab.) au Sud à Huntington (201 546 hab.) au Nord, en passant par Melville (19 000 hab.) et Farmingdale (8 900 hab.) au centre. Ce sont donc environ 230 000 habitants qui sont répartis dans ce pôle secondaire.

Au sud, la densité de la suburb est plus forte que dans la moitié nord de cette route. L’axe de la NY 110 traverse une banlieue dense au plan essentiellement hippodamien. Trois échangeurs autoroutiers sur 4 km permettent de connecter cet axe entre Amityville et Farmindgale Sud à des routes transversales irriguant les comtés de Nassau et de Suffolk. La route transversale centrale est bien visible car elle est encadrée par une coulée verte, permettant d’amortir les nuisances sonores pour les habitants de cet espace ainsi traversé. Surtout, la NY 110 donne accès à la vaste zone d’emplois centrale.

Au centre de cet axe, l’image montre un regroupement de toits blancs, une vaste zone d’entrepôts industriels et commerciaux, une carrière d’extraction repérable sur l’image par sa couleur ocre (numéro 1 sur le repère) et un petit aéroport (Republic Airport, numéro 2) dont les deux pistes sont visibles. Le tout occupe une superficie de plus de 16 km2, et suit l’axe de la NY 110 sur près de 9 km sur les villes de Melville et Farmingdale.
L’aéroport n’a pas vocation à concurrencer ses deux grands voisins (JFK Airport à 30 km à l’ouest et Long Island Airport à 26 km à l’est). Il voit passer moins de 3 000 passagers par an et dessert des villes proches comme Atlantic City et New Jersey, au service d’une clientèle relativement fortunée se déplaçant en jet privés.
D’ailleurs, à quelques kilomètres au nord-ouest, le Bethpage State Park est bien visible par sa couleur verte vive et occupe près de 10 km2 (numéro 3). Cet immense parc accueille cinq parcours de golf de renommée mondiale, des terrains de tennis, des sentiers hippiques et des pistes de ski de fond.
Cet edge city accueille aussi 5 gated communities réservées aux plus de 55 ans, dont, The Greens at Half Hollow (Melville, NY, numéro 4) : une communauté fermée classique, de 1 200 maisons, autour d’un terrain de golf de 18 trous, avec piscine couverte, salle polyvalente, club de remise en forme, 4 terrains de tennis, sentier de randonnée. Prix moyen de l’accession à la propriété : 1 million de dollars.

Au nord de cet axe, sur la ville de Huntington, de loin la plus peuplée, le maillage des habitations semble moins dense et la présence d’espaces verts récréatifs plus importante. La trame hippodamienne y est plus souple, aérée par des voies courbes. Notons aussi des éléments de centralité avec une petite zone industrialo-portuaire (numéro 5). Cette partie de la NY 110 relève davantage de la edgless city, de l’exurb blanche (88 %) aisée, composée de familles propriétaires qui peuvent accéder la semaine à Manhattan située à 45 km à l’ouest et aux nombreuses plages de sable de la rive sud du Long Island Sound et ses ports de plaisance le week-end.


Repères géographiques

Zoom 4. Le nord du New Jersey : la multifonctionnalité de la suburb

Cette image est centrée sur le dynamique comté de Monmouth et les comtés adjacents, comme celui de Mercer autour de Trenton qui fait partie à la fois du Grand New York et du Grand Philadelphie. Entre suburb et exurb, la multifonctionnalité des espaces est forte, des fonctions résidentielles, récréatives, éducatives, industrielles, agricoles aux fonctions militaires.

Le comté est irrigué par de nombreux axes de transport convergeant vers Newark et New York City, dont trois sont bien visibles sur l’image : la New Jersey Turnpike (Interstate 95) à l’ouest, l’US Route 9 au centre et Ocean Parkway à l’est. D’est en ouest, la Route 33 Business permet de connecter la côte à Trenton en passant par Freehold, siège du comté de Monmouth. Les bus NJ Transit permettent de transporter des centaines de passagers vers les zones d’emplois du nord du comté. Ainsi, entre Trenton et New Brunswick un chapelet de zones industrielles, entourant des espaces agricoles, est bien visible, tout comme des zones de peuplement et la célèbre université de Princeton.

C’est le long de ces axes, que la suburb s’étend ; particulièrement entre la côte et Ocean Parkway, à proximité des immenses plages depuis Sandy Hook Bay jusqu’à Barnegat Bay. Cette baie est un bras de l’Océan Atlantique, aux eaux saumâtres, d’environ 50 km de long qui descend au sud jusqu’à Long Beach Island, où se trouvent les principales stations balnéaires du New Jersey (hors de l’image). La suburb y prend la forme classique d’un plan en damier, ponctuée de malls, de terrains de golf, de casinos et de marinas à Barnegat Bay. Cet espace a bien une fonction résidentielle et récréative.

Entre les axes routiers, l’image laisse deviner d’autres formes d’occupation de l’espace de l’exurb.

En raison de la proximité de New York City, la fonction militaire a été développée durant la Guerre Froide, dans cet espace moins densément peuplé. Une base militaire, Naval Weapons Station Earle, à l’est de Freehold, est reliée à Sandy Hook Bay, où trois quais en forme de trident permettent le chargement des navires militaires en armes, stockées dans la base, en retrait des zones de peuplement. Les deux installations sont reliées par une route privée. Un autre site militaire est déployé à l’ouest de Toms River et au sud-est de Trenton : Naval Air Engineering Station Lakehurst (NAES Lakehurst), reconnaissable à ses formes rectangulaires et rondes. Le site est historiquement connu pour avoir été le lieu de l’accident du zeppelin allemand Hindenburg en 1937. Juste à l’ouest de cette base, au bout de la piste aérienne, l’Air Force BOMARC missile Base était l’un de sites de la défense stratégique aérienne de New York. En 1960, à la suite de l’explosion d’un réservoir, le site a été contaminé au plutonium et à l’uranium. Il est aujourd’hui toujours clôturé et interdit d’accès. Enfin, un troisième site militaire est visible au sud de Trenton, à la limite entre l’espace agricole et la Pinelands National Reserve. Il s’agit de la base aérienne de McGuire (McGuire AFB), formant un îlot de peuplement de plus de 3 700 personnes.

Entre Freehold et la NAES Lakehusrt, l’espace est clairement multifonctionnel. Ainsi, entre Freehold et Brick Township, à l’ouest de l’US Route 9, les formes de peuplement mitent l’espace rural (lotissements, terrains de golfs en vert vif) forestier (en vert foncé), dans un gradient de densités décroissantes d’est en ouest. La Colliers Mills Wildlife Management Area est une zone de gestion de la faune faisant partie de la Pinelands National Reserve, qui occupe toute la partie sud de l’image. Elle a été créée en 1978 et classée réserve de biosphère en 1988. Le bornage de cette réserve est bien visible, mais n’empêche pas les formes de peuplement ponctuelles, strictement délimitées, comme Manchester Township. C’est aussi à la lisière de cette réserve que deux carrières d’extraction de sables, alimentant l’industrie du BTP, sont repérables à partir des lacs ici formés. Nous sommes donc ici dans un espace aux fonctions à la fois environnementales, résidentielles, industrielles et récréatives.

Enfin, une bande agricole, d’environ 15 km de large, se distingue à l’ouest de la New Jersey Turnpike, ponctuée de quelques fermes et zones de peuplement. Cette image, prise en septembre 2021, montre ainsi, à la fin de l’été, de nombreux champs dont la couleur marron nous indique que les récoltes viennent d’être faites. Les agriculteurs du comté de Monmouth cultivent essentiellement des légumes, qui alimentent le marché urbain du Grand New York : aubergines, épinards, tomates, asperges, poivrons, courges, concombres et quelques céréales comme le maïs. Le comté est aussi connu pour ses élevages de chevaux de course. Au nord de la base aérienne de McGuire, en zoomant sur l’image quelques pistes hippiques indiquent la présence de haras.


Repères géographiques

Zoom 5. Les installations portuaires de Newark

Une nécessaire co-gestion de l’espace entre États fédérés. L’image est centrée sur la principale interface de la Megalopolis : Newark, son port et son aéroport, au nord de Staten Island et au sud-ouest de Manhattan. Cette interface multimodale est reliée à son arrière-pays agricole des Appalaches et à la région industrielle des Grands Lacs par le canal Érié. Organisée autour de la baie de Newark, au débouché de deux petits fleuves côtiers, le Passaic et le Hackensack, elle occupe plus 100 km2. Cet ensemble portuaire est relié à Manhattan - à 25 km de distance - en 40 minutes par la New Jersey Turnpike, autoroute impressionnante de quinze voies. Au début du XXè siècle, l’activité maritime et industrielle était déjà intense et animait les berges de la baie de New York jusqu’au New Jersey. Les deux États fédérés se disputant des droits de juridiction sur le fleuve, créèrent en 1921 la Port of New York Authority, afin d’y développer et moderniser l'ensemble du quartier portuaire centré dorénavant sur la Baie de Newark.  

La révolution de la conteneurisation. Le 26 avril 1956, l'Ideal X - mis au point par la McLean Trucking Company - a été transformé pour transporter des caisses métalliques de fret standardisées qui ont été empilées, puis déchargées sur des camions compatibles dans le port de Houston au Texas. La révolution de la conteneurisation était lancée, point de départ de la maritimisation moderne (A. Vigarié, 1979). En 1962, l'Autorité portuaire a ouvert le premier port à conteneurs au monde : l’Elizabeth-Port Authority Marine Terminal.

C’est encore aujourd’hui le cœur historique du port bien visible sur l’image : la couleur marron y représente la densité actuelle des conteneurs, empilés sur les quais, à côté desquels l’aéroport s’est développé depuis 1927. En 1973, la ville de New York a acheté le terminal maritime de Howland Hook au nord-ouest de Staten Island (horsimage), puis l'autorité portuaire a loué le terminal à la ville en 1985. Après un réaménagement important, l'Autorité portuaire a rouvert Howland Hook en 1996.

Course au gigantisme et adaptations. S’inscrivant dans la course mondiale au gigantisme portuaire, l’Autorité portuaire a acheté en 2010 le terminal militaire au pied du pont de Bayonne, entre la Baie de Newark et Upper Bay. Puis elle a entrepris de surélever le pont de 46 à 65 mètres. Les cargos modernes de type néo-panamax, d’une capacité de 18.000 EVP, peuvent ainsi passer depuis 2017 sous sa travée, contribuant ainsi à maintenir la compétitivité économique des ports. Ce pont se remarque sur l’image : il permet de relier la péninsule de Bergen Neck où se trouve la ville de Bayonne dans le New Jersey, à Staten Island.

Dans la même perspective, le Global Container Terminal Bayonne, port semi-automatisé, a été agrandi entre 2012 et 2014. Cette extension des installations portuaires se repère aisément sur l’image par ses darses ouvertes sur l’Océan Atlantique à partir de Upper Bay. Le quai le plus long fait 823 mètres et 15 m. de profondeur, permettant l’accostage de porte-conteneurs géants pour le stockage de conteneurs. Un entrepôt frigorifique surgelé complète ici l’organisation de la logistique. L’ensemble comprend aussi un terminal de croisière (Cape Liberty Cruise Port).

Les activités industrielles liées au port, dont les bâtiments sont repérables sur l’image par leurs toits blancs et les cuves, se trouvent toutefois à l’étroit, au sud-est, entre les quais et la ville de Bayonne. Aussi, s’égrènent-elles le long de la New Jersey Turnpike, mais se concentrent encore à South Kearny à la confluence du Passaic et de l’Hackensack, au nord de la baie de Newark.


Repères géographiques

Zoom 6. Morristown-Boonton, New Jersey : une ville multipolaire à la recherche de nouveaux modèle urbains

L’image satellite montre trois centres urbains : au nord du Boonton Reservoir, la ville éponyme est bien visible. Un axe routier, la NJ 287, descend vers le sud, traversant deux edge cities : Parsippany-Troy Hills et Morristown. Cet espace suburbain montre des centralités très visibles : les toits blancs des zones d’activités s’égrènent le long des axes routiers qui se croisent à Parsippany -Troy Hills. Surtout, ces trois villes offrent un continuum urbain local avec un gradient de densité des bâtiments décroissant autour des centres-villes de Boonton et Morristown, présentant un paysage urbain multipolaire.

C’est en 1999 que la ville de Morristown – 20.000 habitants, 13.000 emplois de bureau dans le centre-ville - a mis en œuvre le concept de TOD à travers un Transit Village. Il s’agissait d’accompagner le mouvement des mobilités ferroviaires vers Newark et New York – soit 2.200 passagers par jours, tout en développant son attractivité.

Dans le contexte du new urbanism, un courant d’urbanisme de la fin des années 1990 qui remet en cause le gaspillage foncier de l’étalement urbain et milite pour une harmonie paysagère, le quartier de la gare a été transformé en Transit Village. Le centre-ville a été densifié par le développement de logements (appartement d’une chambre ou deux), de commerces autour de la gare et par la création d’un grand parking pour faire la jonction automobile-train. L’image montre aussi une forte présence d’espaces verts et de coulées vertes, aérant le tissu urbain. En effet, la ville a promu le walkable urbanism (un urbanisme de « marchabilité »), favorisant la création d’axes piétonniers.

Ce Transit Village a aussi été l’occasion d’appliquer le concept de Mobilité en tant que Service (Mobility as a Service, MaaS), une nouvelle façon d’envisager un système de transport axé sur les services. Si la gare est desservie par plusieurs lignes de bus locales qui relient Morristown aux centres d'emploi à Parsippany-Troy Hills, ainsi qu'au campus universitaire, County College of Morris (à l’ouest, sur le bord gauche de l’image), elle est surtout équipée de voitures en location via une application sur mobile (société Zipcar), offrant ainsi un service de mobilités alternatives à ceux qui arrivent à la gare.

L’aéroport municipal, à 43 km de Manhattan, dont la piste est visible à l’est du centre-ville, témoigne de l’attractivité résidentielle et productive de cette partie du New Jersey avec un peu moins de 200 vols par jours. Cet aéroport a été rendu célèbre par l’atterrissage d’Air Force One, lorsque le Président Trump est venu dans l’une de ses résidences secondaires au sud-ouest de Morristown.

Depuis plus de 20 ans, ce Transit Village ne cesse de s’enrichir et de se densifier en son centre, en construisant des bureaux, des commerces, des appartements. Morristown est devenu un véritable pôle suburbain, une edge citie, articulé à son espace local et au Grand New York. Au nord de ce pôle, la ville de Boonton (8 500 habitants) s’est lancée dans l’initiative Transit Village en 2015 afin d’encadrer la densification du centre-ville. Le projet n’est pas encore terminé.


Repères géographiques

Zoom 7. Coney Island, la fabrique d’un territoire de loisirs

Au sud de Brooklyn, Coney Island  - « coney » signifiant lièvre en néerlandais - était jusqu’en 1940 une île de 6,5 km de long sur moins de 1 km de large. A cette date, l’ouverture de la Belt Parkway, bien visible sur l’image, comble le Coney Island Creek, la rattache à Brooklyn et relie Manhattan à Long Island.

C’est après la Guerre Civile, dans les années 1860 que l’île connaît un début de fréquentation pour les loisirs grâce à sa desserte par le tramway et le chemin de fer. Des infrastructures se développent alors : hôtels, plages privées, parcs d’attractions, hippodrome. Dès lors, à la fin du XIXè siècle, Coney Island devient aussi une station balnéaire, raccordée à Manhattan via le pont de Brooklyn. Après la Seconde Guerre mondiale, avec la démocratisation de l’automobile, Coney Island perd de son attractivité au profit des plages de Long Island. Les parcs d’attractions - Luna Park, Dreamland et Steeplechase Park - ferment et l’insécurité s’y développe. Ce n’est que dans les années 1980-1990, avec le boom de Wall Street, que Coney Island connaît un regain d’attractivité. Elle accueille le siège d'un organisme à but non lucratif : Coney Island USA, dont le but est de « préserver la culture américaine populaire ».

La presqu’île est connectée au réseau du métro et est découpée en quartiers bien visibles par la différence du bâti : Seagate à l'ouest, Coney Island et Brighton Beach au centre et Manhattan Beach à l'est. Au nord de la Belt Parkway, le quartier de Gravesend complète l’ensemble. Ces cinq quartiers comptent 192.000 habitants.

Le quartier de Seagate, fondé en 1892, se détache particulièrement sur l’image, à l’ouest de West 37th Street, par son réseau viaire dont le quadrillage épouse la pointe ouest de la presqu’île. Sa localisation permettait ainsi un accès direct à la plage, nouveau lieu de loisirs à la fin du XIXè siècle. Il s’agit aujourd’hui d’une communauté fermée privée ou « gated community », peuplée de 4.443 personnes, blanches à 67 %, ayant accès aux plages privées qui l’entourent. En 2012, sur ce littoral exposé, l’ouragan Sandy a détruit et inondé en grande partie le quartier. La digue n’a pas été reconstruite depuis.

Jusqu’à Ocean Parkway, artère qui descend en oblique vers le sud-ouest, le quartier de Coney Island se distingue par un plan hippodamien plus aéré, avec la présence de parcs bien visibles sur l’image. Au bord de cette grande plage et de sa promenade, on trouve aujourd’hui le Luna Park, qui a rouvert en 2010, et le New York Aquarium, signes de la revitalisation du quartier des attractions. C’est le cœur historique de la station balnéaire des années 1930, fréquentée alors par les classes moyennes. Le quartier est aujourd’hui peuplé de 27.000 habitants.

De Ocean Parkway à la fin de la plage, le quartier de Brighton Beach se remarque par une densité des bâtiments plus forte. Le quartier a ainsi été nommé en référence à la station de Britannique de Brighton, première station balnéaire mondaine depuis qu’elle a été fréquentée par le Prince de Galle, futur George IV, en 1783, pour y prendre des bains de mers sur recommandation de son médecin. Brighton Beach s’est développée à partir de 1878, et a été surnommé « Little Odessa » dès le début du XXè siècle, lorsque des Juifs d’Odessa s’y regroupèrent, fuyant les pogroms russes puis les persécutions nazies. Le quartier est ensuite devenu un lieu important de l’immigration depuis l’URSS, mais aussi le lieu, dans les années 1970 du développement de la mafia russe, ce dont s’est fait l’écho, le film de James Gray Little Odessa (1994). En 2020, 51.000 personnes y résident, majoritairement blanches (80 %) avec une petite minorité asiatique (10 %).

La partie Est de la presqu’île est le quartier de Manhattan Beach. Là aussi, il se détache nettement sur l’image, par une plus faible densité des bâtiments. Manhattan Beach est le quartier le plus riche de Brooklyn et a toujours été le plus huppé de Coney Island dès sa mise loisir. Il est peuplé de 4.400 habitants, dont 94 % de blancs. Le Kingsborough Community College, université du temps libre, dont on repère les toits blancs, occupe l’extrémité Est du quartier.

Enfin, au nord de la presqu’île, le quartier de Gravesend, entre la Belt Parkway et Ocean Parkway, doit son renouveau à la mise en loisirs de Coney Island. Banlieue peu dynamique jusqu’à la fin du XIXè siècle, Gravesend connaît alors une popularité avec la création de trois hippodromes, venant compléter l’offre de loisirs de Coney Island. Sans accès direct aux plages, il devient un lieu de villégiature plus populaire que les autres quartiers. Après la fermeture des hippodromes, le quartier est plutôt résidentiel ouvrier et bourgeois. Aujourd’hui, gentrifié, il compte 105.000 habitants.

Cette rapide description montre bien que le peuplement de Coney Island et de ses différents quartiers, est lié depuis le XIXè siècle à leur « mise en loisirs » sur le modèle européen et particulièrement anglais des premières stations balnéaires élitistes, grâce à une accessibilité ferrée. Les loisirs devenaient de plus en plus techniques (parcs d’attractions), requérant des espaces et des équipements qui transformaient le quotidien aussi bien que les paysages. Les discontinuités paysagères et morphologiques des quartiers y sont à l’image de leur peuplement, socialement différenciées.


Repères géographiques

Images complémentaires

1.    New York et son agglomération à une échelle intermédiaire

2.    L’entrée de l’estuaire de l’Hudson, Staten Island, Neward et Manhattan



Repères géogeaphiques

D'autres ressources

Sur le site CNES Géoimage

Jean-Louis Bonnaure et Arthur Plaza : « Manhattan Sud : entre mondial et local, les mutations d’un espace urbain plurifonctionnel »
https://geoimage.cnes.fr/fr/geoimage/etats-unis-manhattan-sud-entre-mond...

Statistiques

Statistiques démographiques et économiques de New York City,
https://data.census.gov/cedsci/all?q=New%20York%20city,%20New%20York

https://www1.nyc.gov/assets/planning/download/pdf/planning-level/nyc-pop...

Statistiques agricoles du New Jersey
https://www.nj.gov/agriculture/pdf/2020AnnualReportFinal.pdf

Bibliographie

Joel Garreau, Edge City : Life on the New Frontier, Doubleday, New York, 1991.

Jean-Christophe Gay, « Tourisme, interfaces et discontinuités » in Pagney Bénito-Espinal F. (dir.), Les Interfaces. Ruptures, transitions et mutations, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, coll. «Espaces tropicaux» n° 19, 2008, p. 151-156.

Cynthia Ghorra-Gobin, « De la ville à l'urban sprawl. La question métropolitaine aux États-Unis », Cercles 13 (2005).

Cynthia Ghorra-Gobin, « Le triomphe de la ville ou de la métropole ? Mise en perspective de deux débats dans le champ des études urbaines aux États-Unis », Géoconfluences, 2015.

Robert Lang, Edgeless cities : exploring the elusive metropolis, Brookings Institution Press, Washington, D.C., 2003.

Renaud Le Goix, Atlas de New York, Autrement, Paris, 2013.

Eloïse Libourel et Matthieu Schorung (dirs.), Les États-Unis d’Amérique, Atlande, Paris, 2021.

Eloïse Libourel, Matthieu Schorung, Pierre Zembri, La géographie des transports, Armand Colin, Collection U, 2022.

Michel Lussault, Hyper-lieux, Seuil, Paris, 2017.

Charlotte Ruggeri, Atlas des villes mondiales, Autrement, Paris, 2020.

Contributeur

Proposition : Thomas Gangneux, Professeur de Géographie en classes préparatoires, Lycée Descartes de Tours

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