Chine - Le barrage des Trois Gorges sur le Yangzi Jiang : un site et un territoire de l’énergie hydraulique majeurs pour la Chine

Sur le fleuve Yangzi, le Barrage des Trois Gorges – le plus grand du monde – vise trois objectifs : impressionner en affirmant par son gigantisme la nouvelle puissance chinoise, maîtriser un fleuve dangereux en produisant de l’électricité dont le pays a tant besoin pour son développement et, enfin, rééquilibrer les dynamiques du territoire en valorisant l’intérieur face au littoral. Situé au centre de la Chine dans la province du Hubei, il est devenu un site et à produit un territoire spécifique qui jouent un rôle majeur dans l’énergie hydraulique. En 2020, la Chine est en effet le 1er producteur mondial d’hydroélectricité en termes de puissance installée (29 % total mondial) comme de production (31 %). Pour autant, malgré les ambitions annoncées au lancement du chantier en 1994, ce barrage ne couvre que 3 % des besoins du pays au lieu des 10 % annoncés. Pourquoi le barrage des Trois Gorges ne tient-il pas toutes ses promesses ? L’analyse de cette image prise le 21 septembre 2021, à la fin de l’une des deux périodes de la mousson générant de grandes crues, permet d’apporter quelques éléments de réponse.

Légende de l’image

Cette image du barrage des Trois Gorges a été prise par le satellite Sentinel-2B le 22 septembre 2021. Il s'agit d'une image en couleur naturelle et la résolution est de 10m  

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Repères géographiques

Présentation de l’image globale

Développement, énergie et territoire : le plus grand barrage hydroélectrique du monde sur le Yangzi Jiang au cœur de la Chine

Un levier de développement, un outil d’affirmation de puissance

Un barrage sur le « long fleuve », un bassin hydrographique essentiel

Cette image centrée, sur le barrage des Trois Gorges, englobe une superficie de plus de 4 400 km2. Le barrage est situé à Sandouping, près de la ville de Yichang, province du Hubei, en aval du site touristique des Trois Gorges, au centre de la Chine. Maîtriser ce fleuve, c’est agir sur le 3ème plus long fleuve du monde (5.980 km), dont le bassin versant de 1,8 million de km2 occupe à lui seul 20 % du territoire chinois, concentre 400 millions d’habitants et réalise 40 % de la production industrielle et agricole du pays.

Le Yangzi - ou Changjiang, c'est-à-dire le « long fleuve » - prend sa source dans les glaciers du plateau tibétain à plus de 6.600 mètres d’altitude (doc. 1) avant de franchir les puissants Monts Hengduan qui culminent à 7.556 m., puis les hauts plateaux des provinces du Yunnan et du Guizhou. A Yibin, il traverse ensuite le grand bassin du Sichuan organisé par la grande métropole de Chonqing avant de s’enfoncer à nouveau dans une série de hautes terres qui servent de site au Barrage des Trois Gorges pour déboucher enfin dans la grande plaine chinoise. Jusqu’au barrage, le fleuve est donc profondément encaissé avant de s’écouler dans une vaste plaine à faible pente, ses méandres remplissant de nombreux lacs et traversant des villes millionnaires comme Wuhan et Shanghai, jusqu’à son puissant delta qui s’avance dans la mer de Chine orientale.

L’image montre bien une opposition du relief entre l’amont et l’aval du barrage et plus précisément de part et d’autre de la ville de Yichang. Le fleuve franchit ici un net palier topographique. La ville de Sandouping est à 480 mètres d’altitude alors que Yichang est à seulement 58 mètres. Ce seuil est particulièrement visible au nord de Yichang : l’image offre à la vue une ligne remontant vers le nord-est puis le nord. De part et d’autre de celle-ci, il y a une différence d’environ 1.000 mètres d’altitude. Enfin le cours du Yangzi sépare ici deux massifs montagneux calcaires : au nord, les Monts Daba et au sud les Monts Wuling, qui atteignent dans le cadre de cette image 1.400 mètres d’altitude. A ces discontinuités topographiques se superpose une unité climatique marquée par le climat subtropical humide avec des étés chauds et humides, que souligne le vert de l’image représentant les forêts qui occupent une superficie importance.

Doc 1 : Les barrages dans le bassin du Yangzi

L’art des barrages, une tradition chinoise millénaire

Dès le VIIIè siècle av. J.-C., les premiers barrages sont apparus en Chine sur les grands cours d’eau de la Chine du Nord. Pour autant, la volonté de contrôler les fleuves serait plus ancienne. La légende de Yü, personnage semi-historique, est ainsi un fondement culturel de la Chine. Fondateur de la dynastie des Xia en 2.205 av. J.-C., il aurait présidé à la naissance de nouvelles techniques d’irrigation et de contrôle des fleuves. Au lieu de chercher à endiguer les fleuves, comme ses prédécesseurs, il s’est appliqué à contrôler leur écoulement ; une question encore d’actualité aujourd’hui. Il a été divinisé comme dieu gouverneur des eaux, parmi les divinités taoïstes. L’exemple de Yü pose l’importance de la relation de la société chinoise avec la nature et le reste du monde.

C’est dans ce contexte culturel, que Li Bing, gouverneur de l’actuelle province du Sichuan (vers 250 av. J.-C.) a été déifié. Il a construit le premier barrage sur la rivière Minjiang, un affluent du Yangzi. Depuis, la maîtrise de l'eau n’a cessé de progresser en Chine, comme manifestation de la puissance de l’État central. Le barrage des Trois Gorges est bel et bien à situer dans cette tradition de l’art des barrages.

Un barrage gigantesque pour renouer avec la tradition millénaire de l’aménagement hydraulique

C’est pendant la « période denguiste », durant les années 1980, que l’État central tente de reprendre le dessus sur la « tyrannie hydraulique » (F. Braudel), à la suite des inondations meurtrières de 1931, 1935, 1949 et 1954. Un premier barrage sur le Yangzi est édifié, à la faveur du nouvel accès de l’État aux capitaux et technologies étrangers. Bien visible sur l’image, le barrage de Gezhou, en amont de Yichang, est déjà doté de 21 turboalternateurs avec une puissance de 2.700 mégawatts (MW). Pour autant, la question de la régulation du fleuve demeure comme en témoigne la récurrence des inondations. Ainsi en 1991, les plaines des bassins moyen et inférieur sont sous les eaux du fleuve.

Cette inondation majeure a alors accéléré la décision de la construction du barrage des Trois Gorges, entérinée par le Congrès National du Peuple en avril 1992. Les travaux sont lancés en 1994 et durent 15 ans, n’empêchant pas les inondations meurtrières de 1998, avec 1 592 morts et 22 900 personnes frappées par les crues.

Toutes les étapes de la construction sont alors médiatisées. Cette prouesse technologique permet de rappeler le rôle de leader du pouvoir central dans l’aménagement du territoire et sert d’outil d’affirmation de puissance sur les populations locales et sur la scène internationale. Un premier remplissage, à la côte 153 mètres, a lieu en 2003 et inaugure le début de la production hydroélectrique. En 2009, le remplissage total, à la côte 175 mètres, marque la mise en service des 26 groupes turboalternateurs alimentant la production électrique. Ce barrage s’inscrit dans une stratégie énergétique nationale qui vise à répondre à l’explosion des énormes besoins d’un pays en pleine croissance (doc 2.). 

Doc 2 : Les enjeux énergétiques en Chine

Un territoire de l’énergie hydraulique aux enjeux en débat

De l’échelle locale à l’échelle nationale, le barrage des Trois Gorges revêt trois grands objectifs : la lutte contre les crues et la régularisation du débit du Yangzi, la production hydroélectrique et la désenclavement de l’intérieur du pays.

La fin des crues dévastatrices du fleuve ?

La lutte contre les crues du fleuve est un objectif majeur afin de réduire les inondations. Sur l’image à Yichang, l’amplitude moyenne des crues est de 9 mètres entre les deux extrêmes que sont les mois de février (0,75 mètre) et de septembre (10,2 mètres) avec un débit très fort (environ 30 000 m3/seconde). Cette puissance en fait un fleuve dangereux avec une crue maximum enregistrée à Yichang de 13,2 mètres. Surtout, entre l’amont et l’aval du barrage, le fleuve est alimenté par un grand nombre de cours d’eau – dont le Yuanjiang et le Xiangjiang - qui peuvent aussi avoir de fortes crues. Les eaux s’écoulent alors difficilement, sur une pente douce. Il était donc primordial de contrôler le débit du Yangzi afin de réduire les fortes crues et leurs effets dévastateurs. Le réservoir du barrage permet ainsi avec sa capacité de 39,3 milliards % m3, de retenir les eaux et de les laisser s’écouler pendant la saison sèche.

Pour autant, la maîtrise hydraulique peut parfois encore avoir des limites, n’empêchant pas de très grandes inondations comme lors du mois de juillet 2020 dans les provinces du Hubei et d’Anhui. Vingt millions de personnes ont alors été mis en danger pendant une période de pluies torrentielles. Cependant, les crues très meurtrières, comme celle de 1954 – qui fit 30 000 morts, 19 millions de personnes sans-abris et 3,2 millions d’hectares de terres arables inondées – sont devenues beaucoup plus rares.

Une production hydroélectrique suffisante ?

Les 26 turboalternateurs du barrage permettent une production hydroélectrique de 18.200 MW et un rendement annuel moyen de 84,7 TWh (1 TWh = 1 milliard de KWh). A titre de comparaison, la production nucléaire française atteint au total 400 TWh. Le barrage des Trois Gorges produit donc à lui seul l’équivalent de 21% de la production nucléaire française ! En 2020, il a battu le record de production annuelle d’électricité, selon son exploitant la firme China Three Gorges Corporation : 111,795 milliards de kilowattheures. Cette électricité est ensuite transportée par des liaisons à courant continu en trés haute-tension vers les grandes zones de consommation. Trois lignes relient le barrage des Trois-Gorges au Sud vers le Guangdong et Huizhou (940 km, inaugurée en 2004, 3 000 MW) et à l’Est vers Shanghai (900 km, inaugurée en 2006, 3 000 MW) et Changzhou (860 km, inaugurée en 2003, 3 000 MW).

Le barrage permet donc d’alimenter en électricité les provinces de Chine centrale et du littoral, remplaçant la combustion annuelle de plusieurs millions de tonnes de charbon dans les centrales thermiques. Ainsi, en 2020, le barrage a permis d’éviter de brûler plus de 31 millions de tonnes de charbon, et donc d’économiser plus de 86 millions de tonnes de CO2, selon la China Three Gorges Corporation. Mais nous sommes loin de l’objectif des 50 millions de tonnes de charbon économisées, fixé lors de la construction. Cela ne suffit pas à éviter de fréquentes coupures de courant d’électricité dans de nombreuses régions chinoises. Pour fournir en électricité une économie toujours plus gourmande en énergie, la Chine continue de construire des centrales à charbon : 386 sont actuellement en chantier. En effet, annoncé comme devant couvrir 10 % des besoins en énergie électrique du pays, le barrage ne couvre en fin de compte que 3 % des besoins du pays.

Dès lors, la Chine poursuit sa politique de développement de l’énergie hydroélectrique, particulièrement dans le bassin du Yangzi. En juin 2021, le barrage de Baihetan, sur la rivière Jinsha, un affluent du Yangzi, a été inauguré. Il s’inscrit dans la stratégie de la Chine visant à contrer la forte hausse de la demande pour les énergies fossiles en augmentant sa puissance hydroélectrique. Haut de 289 mètres, il compte 16 génératrices disposant d’une puissance d’un million de kilowatts chacune. Cette puissance en fait le deuxième plus grand barrage après celui des Trois-Gorges.

Un outil de désenclavement et de développement régional

Si le barrage des Trois Gorges s’inscrit dans une politique de croissance économique nécessitant une augmentation de la production électrique, il a aussi été conçu afin d’être un outil de désenclavement et de développement régional.

Dès lors, il permet, par une meilleure maîtrise du Yangzi, d’améliorer la navigabilité du fleuve entre Chongqing et Shanghai et de relier Chongqing aux voies maritimes internationales. Le trafic fluvial annuel est ainsi passé de 10 à 50 millions de tonnes pour des coûts de navigation abaissés de 27 %. La sécurité de la navigation est améliorée grâce à un débit régulier sur 650 km. Des navires d’une capacité de 10.000 tonnes peuvent circuler sur les 2.400 km séparant Shanghai de Chongqing. Il y a ainsi un élargissement considérable de l’hinterland de Shanghai par un désenclavement de l’intérieur de la Chine reliant le littoral. Cela favorise ainsi la métropole de Chongqing comme carrefour de l’aménagement du territoire en Chine et pôle de lancement du développement des régions de l’ouest. Par ailleurs, la régularisation du Yangzi par le barrage des Trois Gorges permet le transfert d'une partie des eaux du Yangzi vers la Chine du Nord, et particulièrement Beijing, en situation de déficit hydrique (doc. 3). Chaque année, 20 kilomètres cubes d’eau sont déjà dirigés vers la plaine du Nord, permettant d’alimenter le lac Han.

    Le barrage est aussi intégré dans un programme plus large de lutte contre la déforestation et de reboisement des pentes dans les zones de montagnes en amont et en aval, d’irrigation des terres en saison sèche par le développement d’une agriculture commerciale (exploitations d’agrumes, pisciculture, fermes à thé...). À la confluence de la rivière Huangbai et du Yangzi, un nouveau village piscicole (Xiaoxita) a été créé au nord de Yichang. Sur les pentes dominant une gorge, juste en amont de la confluence entre le Yangzi et la rivière Xiangxi, des exploitations étagées d’agrumes ont été créées dans le bourg de Shuitianba.
    
    Enfin, le barrage doit aussi permettre de développer le tourisme tout au long de l’année. Yichang, devient la porte d’entrée des touristes étrangers et chinois. Sur cette image, c’est la gorge de Xiling que les touristes visitent au départ du barrage. Elle est la plus longue des trois, la plus profondément enfoncée entre des falaises de plus de 120 m de hauteur et est constituée d’un ensemble de petites gorges.

Doc 3 : carte de répartition des précipitations moyennes annuelles

Des conséquences sociales et environnementales

Populations déplacées, territoires ennoyés et recompositions spatiales locales et régionales

En créant un vaste réservoir, le barrage a ennoyé 632 km2 de terres, dont 600 km2 de terres agricoles et de forêts en amont. Sa construction a contraint au déplacement de plus de 1,6 million d'habitants et l'engloutissement de 1.300 sites historiques et archéologiques, de plusieurs villes et de nombreux villages. 40 % des personnes déplacées sont des citadins, relogés pour moitié dans de nouveaux quartiers urbains dans des appartements dont les immeubles ont été construits rapidement, alors qu’auparavant, ils étaient logés dans de petites maisons. 60 % sont des paysans relogés pour moitié au-dessus du réservoir avec des parcelles de la même superficie de 600 m2, mais dans des conditions de culture différentes : sols minces, en pente et à une altitude comprise entre 300 et 1.000 m. Ces déplacements forcés (doc. 4) ont participé à la forte croissance démographique des villes du fleuve. Ainsi, la population de la ville de Yichang a été multipliée par trois, passant de 564.000 habitants en 1994, date du lancement de la construction du barrage, à 1,6 million en 2022. Pour autant, la population du district de Yichang est restée stable avec environ 4 millions d’habitants. Il y a donc eu une recomposition de la répartition de la population, via en particulier une concentration urbaine accentuée. Ainsi, à l’image de Yichang, le Yangsi devient un magnifique axe navigable, « une rue de villes » (T. Sanjuan, 2004) et un axe logistique majeur avec la ligne ferroviaire à grande vitesse reliant Wuhan à Chengdu, via Yichang puis Chongqing.

Doc. 4 : Population expropriée

Conséquences environnementales : de nécessaires arbitrages

Tout d’abord, le barrage modifie le cours naturel du fleuve et son régime hydrologique. La formation du réservoir s’est faite sur un sol pollué du fait de la présence de 178 décharges d’ordures, 300.000 m2 de toilettes publiques, plus de 41.000 tombes et 1.500 abattoirs. La retenue des eaux par le barrage a alors concentré ces polluants dans le lac. Surtout, le barrage bloque le transport naturel de l’amont vers l’aval des masses sédimentaires produites par l’érosion, qui se retrouvent donc stockées dans le réservoir. Cela favorise alors l’érosion et le creusement du lit par le fleuve. De plus, par la réduction de l’apport sédimentaire, le delta du Yangzi risque à moyen terme de reculer, subissant de plus davantage de remontées de nappes salées. Il y a enfin globalement depuis la construction du barrage un appauvrissement relatif de la biodiversité.

Par ailleurs, si le barrage est inclus dans un programme de reboisement des pentes - la couverture végétale du district de Yichang a augmenté de + 0,5 %, les traces d’une exploitation du sol et du sous-sol sont bien visibles sur cette image. La couleur marron sur la plupart des pentes, que ce soit au nord ou au sud du fleuve, indique des espaces déboisés où des paysans ont été réinstallés, où des carrières ont été mises en exploitation, mais aussi où l’urbanisation de Yichang progresse sur la rive sud du Yangzi. Enfin, si le barrage a été construit pour résister à des séismes de magnitude 7 sur l’échelle de Richter, une rupture du barrage menacerait 75 millions de personnes. Jusqu’à présent, les séismes de la région ne dépassent pas la magnitude de 6.

Zooms d’étude

Zoom 1. Le Barrage des Trois Gorges : un immense complexe hydroélectrique

    Le barrage des Trois Gorges est un immense ouvrage hydraulique, intégré dans vaste complexe hydroélectrique composé de 12 autres centrales hydroélectriques et 5 autres barrages en amont. S’il n’est pas le « plus grand barrage du monde » par sa hauteur et la capacité de son réservoir, il l’est bien par ses capacités de production hydroélectrique, sensiblement supérieure à celle du barrage d’Itaipu au Brésil. En particulier, l’ouvrage central - le barrage de Sanxia - impressionne.

Le plus puissant complexe hydroélectrique du monde

Il mesure en effet 2.310 mètres de large avec une hauteur de 185 mètres. Avec ses constructions annexe, le barrage a nécessité l’utilisation de 27 millions m3 de béton. Il s’agit d’un barrage-poids, c’est-à-dire, un barrage capable de résister à la poussée de l’eau par la seule forme de sa structure, au profil triangulaire. Le complexe se compose de plusieurs éléments.

Au centre (1), le déversoir, long de 483 mètres, est percé de 23 ouvertures à 90 mètres de hauteurs et de 22 autres à 158 mètres. Ces vannes permettent de décharger l’eau et de réguler le débit du Yangzi. Il faut moins d’une semaine pour vider le réservoir et en faire descendre le niveau à la hauteur du fleuve en période de basses eaux. Ce déversoir est encadré par deux branches protégeant les deux centrales hydrauliques (2) de part et d’autre de celui-ci. Au sud du déversoir, la première centrale est équipée de 14 turbo-alternateurs et celle au nord, de 12. Chaque turbo-alternateur développe une puissance électrique de 700 MW, soit une puissance totale installées de 1.820 MW.

Ce barrage ennoie un vaste tronçon de la vallée du Yangzi entre Yichang à l’est et Chongqing à l’ouest (hors image), créant un réservoir de 663 km de long (doc 5). Lorsqu’il atteint les 175 mètres, le réservoir a une capacité de 39,3 milliards de m3 d’eau sur une superficie de 1.084 km2. C’est dans cet espace que se situent les trois gorges touristiques de Xiling, située sur l’image entre la rivière Xiangxi et le barrage, puis vers l’ouest (hors image) celles de Wu et Qutang.

Un nœud régional majeur de la Yangtze River Economic Belt

Ce complexe hydraulique est complété par deux infrastructures permettant la navigation et le franchissement des seuils topographiques. La différence du niveau d’eau entre le réservoir (135 à 175 mètres) et le fleuve en aval du barrage (62 à 74 mètres) est en effet considérable. Il y a d’abord, un ascenseur à bateaux vertical (3) pour les bateaux de 3.000 tonnes maximum. Puis, cinq grandes écluses (4) pour les bateaux de 10.000 tonnes maximum. Ces écluses sont à double sens et réparties sur cinq paliers. Ainsi, juste en amont du barrage, sur la rive sud du fleuve, un port fluvial a été aménagé à Yinxingtuo. Il est relié à Yichang par la route S68, qui franchit les montagnes calcaires par de nombreux tunnels.

Le développement de ce port s’inscrit dans le Golden Waterway, une initiative du gouvernement chinois lancée en 2015 ayant pour objectif de faire de la vallée du Yangzi un véritable corridor logistique entre l’intérieur et le littoral : la Yangtze River Economic Belt (Doc. 6). Le port de Yinxingtuo est un terminal Ro-Ro (roll on / roll off) pour le trafic roulier, c'est-à-dire pout le transport de poids lourds ou de remorques par des bateaux. Ce port fluvial est aussi un terminal de ferry de passagers pour les croisières sur le fleuve.


Repères géographiques

Doc 5. Réservoir créé par barrage

Images complémentaires

Le Barrage des Trois Gorges et la vallée du Yangtze à deux échelles régionales

D’autres ressources

Site CNES Géoimages : d’autres grands barrages hydroélectriques dans le monde



Laurent Carroué : Canada - Québec. La Grande - Baie James : un des plus grands complexes hydroélectriques au monde dans les hautes latitudes froides
https://geoimage.cnes.fr/fr/geoimage/quebec-la-grande-baie-james-un-des-...

Clara Loïzzo : Argentine / Brésil  / Paraguay - La triple frontière autour d’Iguazu : un des territoires transfrontaliers les plus actifs au monde
https://geoimage.cnes.fr/fr/geoimage/bresil-argentine-paraguay-la-triple...

Romain Gallard : Argentine - Les chutes d’Iguaçu : entre développement touristique et industriel, et coopération transfrontalière
https://geoimage.cnes.fr/fr/geoimage/les-chutes-diguacu-entre-developpem...


Laurent Carroué : Éthiopie / Soudan / Égypte. Le Barrage de la Renaissance sur le Nil bleu, entre développement énergétique et tensions hydro-géopolitiques
https://geoimage.cnes.fr/fr/geoimage/ethiopie-soudanegypte-le-barrage-de...


Bibliographie

Ouvrages

Jacques Bethemont, Les grands fleuves, Armand Colin, collection U, Paris, 2002.

Thierry Sanjuan, Atlas de la Chine, Autrement, Paris, 2018.

Thierry Sanjuan et Pierre Trolliet, La Chine et le monde chinois : une géopolitique des territoires, Armand Colin, collection U, Paris, 2010.

Articles

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https://journals.openedition.org/vertigo/15540

Antoine Beyer, « Le Yangtze River Economic Belt. Quel rôle faire jouer à la logistique fluviale dans la politique nationale d’aménagement du territoire chinois ? », Géotransports n°11, 2018.
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03064978/document

Emeline Comby, Yves-François Le Lay, Luc Merchez et Sylviane Tabarly, « La Chine entre espaces domestiques et espace mondial. Visages médiatiques du barrage des Trois-Gorges : l’analyse statistique des données textuelles en géographie », Géoconfluences, 22/01/2010.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Chine/ChineScient7.htm

Lau Kin Chi, « Crise écologique et politiques de développement « durable » en Chine », Alternatives Sud, vol. 28, 2021.

Jun Li, Yuying Li and Wenhong Dan, « Disparité régionale de la Chine », Cahiers d’Outre-Mer, n° 253-254, janvier-juin 2011.
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Thierry Sanjuan : « La fin des Trois Chine ? », dossier : La Chine, la modernisation encadrée d’un territoire globale, Géoconfluences, 14/02/2016.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-re...

Thierry Sanjuan, « L’invention du Yangzi. Linéarité fluviale, segmentation provinciale et métropolisation littorale », Géocarrefour vol. 79/1, 2004.
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Thierry Sanjuan et Rémi Béreau, « Le barrage des Trois Gorges. Entre pouvoir d'État, gigantisme technique et incidences régionales », Hérodote, 2001/3, n°102.
https://www.cairn.info/revue-herodote-2001-3-page-19.htm

Philippe Savoie, « Impacts du barrage des Trois Gorges sur le développement durable de la Chine », Vertigo, vol. 4 n°3, décembre 2003.
https://journals.openedition.org/vertigo/3899

Contributeur

Thomas Gangneux, Professeur de Géographie en classes préparatoires, Lycée Descartes de Tours

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