Le Havre : le port du Grand Paris, un port de la Nothern Range européenne
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LĂ©gende de lâimage
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PrĂ©sentation de lâimage globale
Le Havre : la ville-port de lâestuaire de la Seine
A la pointe du Pays de Caux oĂč la Seine se jette dans la Manche, la ville du Havre prĂ©sente une trame urbaine profondĂ©ment marquĂ©e par son site et lâhistoire de la ville
Des contraintes naturelles trÚs présentes
La coupure topographique opposant la ville haute et la ville basse est un fait majeur dâautant que lâextension de la ville est bloquĂ©e Ă lâOuest par la mer et au Sud par la Seine. Le talus appelĂ© « cĂŽte » localement court sur 7 km avec un dĂ©nivelĂ© important dans sa partie supĂ©rieure (identifiable sur lâimage par le liserĂ© de vĂ©gĂ©tation ouest-est au centre de lâimage). La croissance spatiale de la ville ne peut que se faire au nord et Ă lâest Ă lâassaut du plateau ou Ă lâest, le long de la vallĂ©e de la LĂ©zarde, qui coule du nord pour se jeter dans la Seine au niveau dâHarfleur.
Une ville liée à son port
Câest dâailleurs pour faire face Ă lâenvasement du port dâHarfleur que François 1er souhaite construire un grand port sur la Manche. Les premiers bassins du Havre sâimbriquent donc dans la citĂ© et sont encore aujourdâhui au cĆur de la ville. Progressivement les nouveaux bassins de plus en plus grands se dĂ©veloppent plus au sud et sâĂ©loignent de la ville ; un cap est franchi avec la construction dâune Ă©cluse en 1971 qui rend accessible la zone industrielle aux navires de 250 000 tonnes.
ParallĂšlement se dĂ©veloppe une vaste zone industrialo-portuaire (ZIP) le long de deux canaux fruit de la politique dâamĂ©nagement du territoire qui comme Ă Dunkerque et Marseille lie le port et lâusine. Enfin une nouvelle digue de 3,5 kilomĂštres agrandit lâespace portuaire (opĂ©ration Port 2000) au dĂ©triment de lâestuaire pour accueillir les porte-conteneurs gĂ©ants Ă partir de 2006.
De forts contrastes socio-spatiaux
Lâimbrication de la ville et de son port est trĂšs marquante au sud de la ville oĂč le document permet dâidentifier des espaces dâhabitat mĂȘlĂ©s Ă lâactivitĂ© industrialo-portuaire au sud de la voie ferrĂ©e qui apparaĂźt comme une importante discontinuitĂ© du tissu urbain. Certains quartiers y forment mĂȘme des enclaves.
Au delĂ , le centre-ville est nettement identifiable par son aspect gĂ©omĂ©trique dominĂ© par lâHĂŽtel de Ville et ouvert sur de larges perspectives dans une alternance dâimmeubles collectifs issus de la reconstruction dâaprĂšs-guerre due Ă lâarchitecte Auguste Perret et inscrite au Patrimoine mondial de lâUNESCO en 2005. Le reste de la ville basse forme un habitat pĂ©ricentral ancien en cours de mutation.
La ville haute est une alternance de quartiers dâhabitat pavillonnaire et de trois quartiers de grands ensembles, le plus important se situant Ă lâest avec 10 000 logements (Caucriauville). A noter lâexistence de deux coupures vertes rĂ©crĂ©atives de 250 et 150 hectares. Outre le centre-ville, les espaces les plus rĂ©sidentiels se situent prĂšs du littoral Ă lâouest (Sainte-Adresse) et en haut de la cĂŽte bĂ©nĂ©ficiant dâune large vue sur la mer ou sur lâestuaire.
Au delĂ de cet espace dĂ©limitĂ© par les axes routiers bien visibles de la zone (Ă©changeurs Ă lâentrĂ©e de ville Ă lâest et le contournement Nord), le tissu urbain sâĂ©tend largement Ă lâest formant une banlieue, dâHarfleur Ă Montivilliers, et plus modestement au Nord oĂč lâon passe trĂšs rapidement Ă un espace rĂ©sidentiel dans un cadre de paysage de parcellaire ouvert Ă dominante rurale.
Des recompositions qui creusent le fossé ville basse/ville haute
Si trois grands centres commerciaux sont identifiables en pĂ©riphĂ©rie (au Nord, dans la vallĂ©e de la LĂ©zarde et Ă lâextrĂ©mitĂ© est), lâessentiel des activitĂ©s de services se concentre dans la ville basse : activitĂ©s administratives, culturelles, rĂ©crĂ©atives.
Plusieurs chantiers urbains se sont succĂ©dĂ© utilisant les friches ferroviaires, industrielles et portuaires donc touchant la ville basse : universitĂ© et conservatoire de musique (au Nord de la gare), rĂ©novation des Docks (toitures couleur brique) le long des bassins du XIXĂšme siĂšcle qui abritent une antenne universitaire, une salle de sport, un complexe aquatique du Ă Jean Nouvel, un centre de spectacles et congrĂšs, un centre commercial, restructuration de lâentrĂ©e de ville au niveau de la gare (building de la CCI identifiable au niveau du bassin nord-est) et plus loin la silhouette Ă la toiture bleutĂ©e du stade multifonction OcĂ©ane inaugurĂ© en 2012.
Le front de mer a Ă©tĂ© rĂ©amĂ©nagĂ© (pelouses et structures dĂ©montables abritant des restaurants visibles le long de la plage) permettant Ă la ville dâobtenir le label de station balnĂ©aire.
Zooms dâĂ©tude
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Un pays de hautes falaises
A lâextrĂ©mitĂ© de la plage du Havre commencent les falaises crayeuses, rebord occidental du plateau du Pays de Caux. Cette muraille calcaire, haute en moyenne de 80 Ă 100 m qui tombe brutalement dans la mer se dĂ©veloppe du Havre vers le nord sur 140 km et constitue les plus longues falaises de France. On passe sans transition de lâespace continental Ă lâespace maritime et la vie littorale nâa pu se dĂ©velopper que dans les Ă©chancrures exploitĂ©es par de petits fleuves cĂŽtiers plus au Nord de lâimage. De fait, sur le plateau est installĂ© lâaĂ©roport de la ville identifiable par sa longue piste (2 300 m) permettant dâaccueillir des avions gros porteurs.
Lâaxe routier principal qui monte de la ville vers le Nord (identifiable par ses ronds-points successifs) sĂ©pare la commune rĂ©sidentielle de Saint-Adresse sur sa gauche du Havre sur sa droite. La premiĂšre voit des rues sinueuses et un habitat individuel qui sâadapte aux pentes et bĂ©nĂ©ficie pour une part dâune vue sur la mer. La seconde voit voisiner lâhabitat pavillonnaire et une zone dâimmeubles collectifs. Cette zone mixte associe habitats, activitĂ©s industrielles (grande toiture blanche de lâusine des CafĂ©s Legal, tĂ©moigne du passĂ© cafĂ©ier de la ville) et de services Ă la population (terrains de sports, structures de santĂ©, caserne de pompiersâŠ). Le front dâurbanisation progresse vers le Nord jusquâĂ lâaĂ©roport oĂč arrive lâaxe routier du contournement nord de la ville : le chantier de lâĂ©co-quartier du Grand Hameau en construction y est visible.
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Un centre-ville à forte identité
La ville dâAuguste Perret
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Le centre-ville est nettement identifiable par son aspect gĂ©omĂ©trique et ses immeubles trĂšs homogĂšnes, alignĂ©s et issus de la reconstruction aprĂšs la Seconde Guerre mondiale qui lâavait rĂ©duit Ă un champ de ruines. EntiĂšrement rebĂąti en bĂ©ton armĂ©, le centre a Ă©tĂ© lâobjet, sous la direction de lâarchitecte Auguste Perret, dâune reconstruction unique en son genre par son Ă©tendue, sa cohĂ©rence constructive et les techniques de prĂ©fabrication. Bel exemple de perception et de reprĂ©sentation spatiales : longtemps dĂ©nigrĂ© pour sa grisaille, sa tristesse et ses larges ouvertures oĂč sâengouffre le vent, il est dĂ©sormais cĂ©lĂ©brĂ© depuis son classement au Patrimoine mondial de lâUnesco.
Lâensemble a Ă©tĂ© complĂ©tĂ© par deux autres Ă©lĂ©ments majeurs. PremiĂšrement, en 1961, le MumA, musĂ©e d'art moderne AndrĂ©-Malraux (reconstruction du musĂ©e des Beaux-Arts dĂ©truit pendant la guerre) situĂ© Ă l'entrĂ©e du port (toit blanc) et qui possĂšde la plus riche collection impressionniste de province. DeuxiĂšmement, en 1982 le Volcan, Ćuvre de lâarchitecte brĂ©silien Oscar Neimeyer qui abrite une mĂ©diathĂšque et une scĂšne artistique pluridisciplinaire dans le prolongement du vieux bassin du commerce (1820). Â
Le Havre, porte océane de Paris
La carte de la maritimitĂ© contribue aussi en effet Ă cette attractivitĂ© : les vieux bassins, Ă lâinterface ville-port sont dĂ©sormais valorisĂ©s : base nautique pour le bassin du commerce, port de plaisance de 200 places dans le bassin Vauban qui complĂšte les 1 150 places en eau profonde du port principal situĂ© dans la partie nord de lâavant port.
Au sud-est ont identifie un bassin abritant quelques bateaux de pĂȘcheurs et le Terminal de Grande-Bretagne oĂč un navire de Brittany Ferries, bien visible sur lâimage, assure une liaison quotidienne avec Portsmouth. Mais surtout un des deux quais de la Pointe de Floride, qui est le terminal croisiĂšre du Port offrant 1 500 m de linĂ©aire de quais. Cette activitĂ© de croisiĂšre est en plein essor : presque 400 000 passagers en 2017 pour 129 escales de paquebots.
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Le Havre, second port de France
Le poids des hydrocarbures
Le zoom porte dâabord sur les principaux bassins de marĂ©e (ThĂ©ophile Ducrocq et RenĂ© Coty) du port du Havre. Sur les quais nord se trouve le complexe agro-alimentaire avec dâimportantes installations de rĂ©frigĂ©ration, Le Havre est en outre le premier port mondial pour les vins et spiritueux et au premier rang français pour le cafĂ© (150 000 tonnes/an). On identifie ensuite une forme de radoub, bassin qui permet la mise Ă sec de navires pour lâentretien et les rĂ©parations. Suit le terminal minĂ©ralier avec une partie publique et une partie stockant le charbon pour la centrale thermique EDF dont les deux cheminĂ©es dominent la zone portuaire.
Mais lâessentiel du trafic (40 millions de tonnes sur 73 en 2017) est constituĂ© par les vracs liquides, en majoritĂ© le pĂ©trole brut. Les installations de la CIM â Compagnie Industrielle Maritime occupent tous les quais sud, permettant rĂ©ception, stockage et transfert de 2,4 millions de mÂł de brut et 1,7 million de mÂł de produits raffinĂ©s. Le Havre est ainsi la pointe terminale dâun vaste complexe pĂ©trochimique rĂ©unissant plusieurs raffineries et qui sâĂ©tend vers lâamont sur la Seine.
Port 2000 et conteneurs : la volonté de rester un « main port » de la Nothern Range
Au fond de ces bassins se trouve lâĂ©cluse François 1er, , sas vers la ZIP et les quatre terminaux conteneurs. Ils formaient deux sous-ensembles de part et dâautre de lâĂ©cluse avant la crĂ©ation de Port 2000 (deux ne sont plus utilisĂ©s). Lâimage permet de comprendre la nĂ©cessitĂ© de lâopĂ©ration Port 2000 : quais trop dissĂ©minĂ©s, de longueur et de profondeur insuffisantes. Les bassins Ă flot - qui assurent un niveau dâeau constant face aux jeux des marĂ©es - prĂ©sentent le handicap du passage de lâĂ©cluse, soit une contrainte de 2h30 Ă 3 heures dâĂ©clusage par passage. De mĂȘme, les bassins de marĂ©e nĂ©cessitent des transferts entre terminaux et de navire principal Ă feeders, coĂ»teux en termes de « brouettage » et autres opĂ©rations de manutention.
LâopĂ©ration Port 2000 est le nom de la grande opĂ©ration dâamĂ©nagement et de dĂ©veloppement portuaire qui se dĂ©ploie entre 2001 et 2006. Les nouvelles installations ont nĂ©cessitĂ© une nouvelle digue, un second chenal et des quais Ă lâextĂ©rieur de lâenceinte traditionnelle du port. Dix des douze postes prĂ©vus sont en fonctionnement avec des atouts dĂ©cisifs par rapport aux autres terminaux. Ils prĂ©sentent des quais rectilignes trĂšs long optimisant son utilisation et celle des outillages, des terre-pleins dâau moins 500-600 mĂštres de profondeur pour permettre une gestion efficace des parcs, des hauteur dâeau minimale de 16 mĂštres pour accueillir les plus gros navires (plus de 20 000 boites depuis 2017) dans toutes les conditions de marĂ©e.
Ce nouveau dispositif assure une bien meilleure fluiditĂ© dâaccĂšs au port et de navigation Ă lâintĂ©rieur du port (pas dâĂ©cluse, manĆuvres aisĂ©es et sures â largeur de 350 mĂštres pour manĆuvre de croisement, cercle dâĂ©vitage de 600 mĂštres , minimisation des risques de temps dâattente).
De fait, Le Havre demeure le 5° port du Nothern Range pour le trafic conteneur (2,9M dâEVP ou boites reprĂ©sentant plus de 28 Mt).
Des faiblesses terrestres face à la concurrence européenne
Pour autant, se pose une question essentielle pour la compĂ©titivitĂ© du port : les acheminements et les dessertes. Or les terres-pleins des postes de Port 2000 ne sont pas reliĂ©s Ă une ligne de voie ferrĂ©e et/ou Ă la desserte fluviale. La rĂ©alisation dâune chatiĂšre - qui consiste Ă crĂ©er un chenal protĂ©gĂ© par une digue en ouvrant la digue sud du port historique et la digue nord de Port 2000 - a enfin Ă©tĂ© actĂ©e en 2018, mais sera une rĂ©alitĂ© au plus tĂŽt en 2023.
Dans lâimmĂ©diat, existe un terminal multimodal plus Ă©loignĂ© le long du canal du Havre dans la ZIP donc nĂ©cessitant une rupture de charge, qui nâa traitĂ© que 145 000 boites en 2017. 86 % des conteneurs utilisent la route, 10 % le fleuve et seulement 4 % le rail alors quâĂ Anvers la route ne compte que pour 52 %, le rail 8 % et le fleuve 37 %.
Si la situation gĂ©ographique du port du Havre est un atout Ă lâentrĂ©e de la Manche (premier touchĂ© pour les importations, dernier pour les exportations), le potentiel dĂ©mographique et Ă©conomique de son arriĂšre-pays, ou hinterland, est plus faible que celui de ses concurrents plus centraux et mieux desservis en infrastructures terrestres, en particulier Rotterdam et Anvers sur le delta du Rhin et desservant une large partie de lâAllemagne.
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Une ZIP accolée au port
LâĂ©cluse François 1er donne accĂšs Ă la ZIP, un vaste espace de 6 000 hectares compris entre le Canal du Havre Ă Tancarville au nord (qui permet dâĂ©viter la navigation dans lâestuaire pour les navires remontant la Seine) et lâestuaire au sud dĂ©veloppĂ© Ă partir de la fin des annĂ©es 1960. Un second canal la parcourt partiellement au sud (Grand canal du Havre)
LâextrĂ©mitĂ© occidentale visible ici renvoie Ă la vocation initiale industrielle de la zone qui est dâabord une plate-forme pĂ©troliĂšre et chimique. Trois entreprises de stockage dâhydrocarbures et produits chimiques et deux entreprises chimiques sont identifiables par leurs sphĂšres alors quâĂ lâest de lâimage se profile la raffinerie et lâusine pĂ©trochimique du groupe Total. Le seul « intrus » au nord-ouest de la zone est lâusine Aircelle, filiale du groupe aĂ©ronautique Safran qui construit des nacelles, terme qui dĂ©finit capots qui entourent et protĂšgent les moteurs dâavions.
Ce nâest que plus en amont au voisinage des ponts de Normandie et de Tancarville et des autoroutes A29 et A13 que sâĂ©grĂšnent les parcs logistiques alors que les usines Renault (montage automobile) et Lafarge (ciment) tĂ©moignent de la fonction initiale de la ZIP et que la rĂ©serve naturelle nationale de lâestuaire rappelle lâimportance des enjeux environnementaux. Ainsi le projet de prolongement du Grand Canal du Havre jusquâĂ Tancarville pour rejoindre la Seine a Ă©tĂ© abandonnĂ©.
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Traduction

Contributeur
Jean-Francois Joly, Professeur émérite en CPGE, Le Havre