Italie - Rome et sa région, de la ville sans banlieue à la métropole-région

L’image satellite montre Rome et une grande partie de la région Latium, ainsi que le début de celle des Abruzzes. Si la capitale est la commune la plus importante d’Italie en superficie et en population avec 2,8 millions d’habitants sur 1 287 km2 et une métropole - città metropolitana, ou ex-province - de 4,3 millions d’habitants qui se projette très loin des murailles auréliennes, le contraste reste vif avec ses environs. Certes Rome n’est plus « une ville sans banlieue » comme dans les années 1950, mais dans le contexte d’une métropolisation qui refaçonne parfois brutalement les périphéries de la Ville éternelle, on reste frappé par l’absence de pôle secondaire suffisamment important pour servir de point d’appui à la croissance urbaine. La proximité de l’Apennin, qui apparaît vide aujourd’hui, et du littoral, autrefois désert mais aujourd’hui densément urbanisé, reste un élément notable du cadre de vie romain.

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Légende de l’image satellite

Cette  image de la région de Rome, capitale de l'Italie,  a été prise par le satellite Sentinel 2A le 30 juin 2019. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

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Repères géographiques

Présentation de l'image globale

Rome et sa région : de la ville sans banlieue à la métropole-région

Rome forme avec Milan, Turin et Naples la tête du système urbain italien. Elle représente la moitié de la population du Latium et les deux-tiers d’une métropole de 4,3 millions d’habitants, si on prend pour base la città metropolitana créée en 2014 par la loi Delrio contemporaine de la loi MAPTAM française –même si pour l’heure ce nouvel échelon peine à se faire un chemin  entre le niveau communal et les régions. L’image est dominée par cette réalité métropolitaine, et plus généralement par un contraste intérieur-littoral caractéristique de la Méditerranée. Plus finement elle illustre aussi la complexité d’une ville-région qui est loin de se résumer à l’image convenue de la ville-musée.

L’Urbs, du « désert romain » à la ville éclatée

Si vous voyiez cette grande solitude des campagnes romaines, le Tibre qui coule presqu'inconnu dans ses rives abandonnées, vous seriez frappé comme moi de cette unique idée qui me suit partout : le néant des choses humaines.
Châteaubriant, Lettre à Molé, 16-7-1803, Voyage en Italie, Genève, Droz, 1969, p 45.

L’Agro romano, ou Campagne romaine, avec ses vallonnements de tufs au milieu desquels surgissaient les ruines de la Rome antique, objet d’innombrables vedute de la peinture occidentale, a connu un  bouleversement. Ce « désert romain », évoqué par les voyageurs du Grand Tour, était dominé par des latifundi de l’aristocratie pontificale romaine qui possédaient également les terres environnantes de la montagne et de l’Agro Pontino (zoom 2). Dédiés à l’élevage ovin, à l’hivernage des troupeaux en transhumance des Abruzzes et à une céréaliculture très extensive, ces grands domaines ne généraient à proximité de Rome qu’un peuplement lâche dominé par les casali, résidences d’une population temporaire d’ouvriers agricoles misérable et minée par une malaria endémique.

La mise en valeur de l’Agro Romano commence avec l’épopée des colons d’Ostie (1884), alors isolés car l’expansion urbaine se fait en tâche d’huile autour du centre (voir dossier Géoimage Rome centre). La course vers la mer est entamée par le fascisme avec le projet du quartier de l’EUR, et d’autres noyaux de peuplement surgissent à bonne distance du centre. Dans l’après-guerre l’Urbs se projette vers le Sud et l’Est : les Monts Albains (Castelli romani, zoom 4) sont l’amorce la plus ancienne de banlieue (Seronde-Babonnaux, 1957). L’anneau routier du Grand Raccord Annulaire (GRA, 68 km) (zoom 1, 4) est construit entre les années 1950 et 1960 - et célébré dans le film Fellini Roma, 1972 - à une distance oscillante entre dix et vingt kilomètres du centre.

Aujourd’hui la commune a une densité de 2.230 hab./ km² mais c’est au-delà du GRA et des limites communales que s’opère depuis les années 1990 l’essentiel de la croissance, laissant d’importants vides dans la commune-centre. Si la crise des subprimes de 2008, avec le tassement des prix de l’immobilier qui l’a accompagné, a ralenti l’exode des familles romaines, Rome présente au final un modèle de métropole satellitaire, éclaté en différentes plaques urbaines. Les voies consulaires, les nœuds autoroutiers et occasionnellement les gares bien reliées au centre, sont autant de noyaux de fixation dans un bassin d’emploi et de résidence qui reste polarisés par la ville centre. Toutefois l’aéroport (zoom 1) et la Plaine pontine industrialisée (zoom 2) esquissent quelques centralités secondaires.

Tableau 1 : Population de Rome, du Latium, des Abruzzes et de quelques communes en 1000ers de 1871 à nos jours


18711951200120152019
Rome commune244, 51651,7254628652856
À l’intérieur du Grand raccord annulairend142317202075nd
À l’extérieur du Grand raccord annulaire
(reste de la commune de Rome et communes périphériques)
nd40115002265nd
Rome métropole  (ex-province)433182432204340,54342,2
Fiumicino commune3,224,650,578,980,4
Pomezia commune0,23,843,962,963,8
Anguilara Sabauzia (lac de Bracciano)12,914,219,319,5
Latium1 173,13340,85112,95 888,55 879
Avezzano8,725,638,342,542,5
San Benedetto dei Marsi1,64,343,93,9
Abruzzes9061277,21262,41326,51311,6




 Source : Istat, 2020,  Camera dei Deputati, 2018.

Le glissement de la population de l’intérieur vers le littoral

Alors que les actuelles régions Latium et Abruzzes présentaient un poids démographique proche lors de l’Unité, la première est aujourd’hui cinq fois plus peuplée que la seconde. Ceci illustre le glissement du peuplement italien vers les plaines littorales, qui prend dans la région des proportions spectaculaires.

Le littoral connait un développement d’abord sous l’égide des aménagements agraire de l’Etat fasciste dans la plaine pontine, suivi par un mouvement d’industrialisation (zoom 2 Plaine pontine). Les environs d’Ostie et de Fiumicino (zoom 1) connaissent une urbanisation encore plus intense avec l’arrivée de l’aéroport. Plus récemment, cette ville- région en pleine métropolisation essaime au Nord, comme en témoigne l’essor du port de Civitavecchia (zoom 4).

Dans la partie Sud-Est de l’image surgissent les massifs satellites de l’Apennin : monts Sabini, Prenestini, Lepini et Ausoni, avec leurs villages perchés, autrefois base du peuplement. Ils dépassent rapidement une altitude de 1.000 m et rejoignent les Abruzzes proprement dites, avec ici la vallée d’Avezzano (zoom 5), qui fut le théâtre du catastrophique tremblement de terre de 1915. Les zones collinaires du Nord – comme les monts volcaniques Sabatini avec le lac de Bracciano, longtemps à l’écart, sont aujourd’hui pleinement dans l’orbite romaine.

La crise des périphéries : borgate et grands complexes immobiliers

Les périphéries romaines, que ce soit celles de la commune ou sa banlieue, sont des ensembles morphologiquement composites, de la borgate faite d’habitat individuel et de petit collectif, aux grands ensembles privés construits autour des immenses centres commerciaux, en passant par les quartiers d’habitat social, comme le célèbre Corviale (zoom 1) ou Tor Bella Monaca (zoom 4). Comme dans nombre de villes italiennes, ces périphéries romaines ont été ces dernières années l’épicentre d’un malaise social diffus, qui s’est entre autres exprimé par le vote protestataire en faveur du Mouvement 5 stelle.

Le modèle des borgate est basé sur des formes d’habitat individuel et de petits collectifs dont Acilia au Sud-Ouest ou Isola Sacra à Fiumicino (zoom 1) ou encore l’Est de Rome (zoom 5) sont parmi les premiers exemples. Les premières furent planifiées parallèlement aux expulsions générées par l’éventrement du centre par les grands travaux fascistes (voir dossier Géoimage Rome centre). Mais pour l’essentiel elles sont basées sur l’auto-construction abusive : il s’agit de constructions illégales ensuite régularisées, donc légitimées par la puissance publique nationale et locale comme réponses au manque de logement. Leur essor est vigoureux après la guerre : 44 noyaux sont identifiés au moment de Plan régulateur de 1962, 2,5 fois plus en 1976.

Initialement le fait de populations pauvres et exclues, elles ont rapidement pris une coloration sociale diversifiée, car l’abusivismo devient dans les années 1980 un marché immobilier alternatif au marché légal, élargi aux classes moyennes voire au-delà. Lors des premières phases de régularisation (condono)  des années 1980 et 1990, pas moins de 85 noyaux d’habitat abusifs sont été identifiés sur le territoire romain, qui englobait alors Fiumicino. Au moins un quart de l’habitat de Rome est d’origine illégale au début des années   2000 (Nessi Delpirou 2009), bien davantage à Fiumicino. Si les borgate sont l’objet d’opérations de requalification de nature très variée, elles restent par contre souvent sous-dotées en services.

L’irruption, à proximité de ces formes urbaines lâches, de grands complexes immobiliers issus de l’urbanisme commercial des années 2000, à l’instar ici de Parc Leonardo (zoom 1) ou de la Romanina (zoom 4) a encore changé la donne.  Ils sont à la fois l’héritage du PRG romain de 1962, qui accordait d’énormes droits à construire aux constructeurs immobiliers en périphérie, et du plan régulateur général de 2008, qui a lancé l’idée de nouvelles « centralités périphériques ».

On en trouve aussi dans les communes environnantes. Plus que des poches de pauvreté dans l’absolu, ces énormes quartiers dortoirs définissent aujourd’hui une problématique de déclassement de classes moyennes, qui se trouvent souvent privées des services qu’elles pensaient avoir acquis - parfois chèrement - en achetant des appartements censés être équipés de toutes les commodités, et que la crise de 2008, conjuguant ses effets à ceux du système spéculatif qui l’a fait naître, a réduits à la portion congrue.

Zooms d’étude


L’aéroport de Fiumicino à l’ouest de Rome

Qualques répères géographiques de l'image ci-contre.

L’image montre l’ouest de la commune de Rome (littoral d’Ostie et vers l’intérieur la masse urbaine formée par les quartiers d’Acilia, Infernetto…) et, au Nord du Tibre,  la commune de Fiumicino, qui s’est autonomisée en 1993, siège du principal hub italien avec 43 millions de passagers. Zone névralgique de la métropolisation romaine, elle présente une étonnante combinaison, avec d’un côté une pléthore de grands équipements métropolitains (aéroport, nouvelle foire commerciale –fiera- de Rome-…) dans un tissu urbain composite, et de l’autre un potentiel patrimonial naturel et historique malmené.

Un hub sur un autre hub : l’aéroport de Rome Fiumicino

Le site aéroportuaire choisi dans le cadre de la candidature de Rome pour les jeux olympiques de 1960 (il ne fut ouvert au public qu’un an après) est à quelques centaines de mètres près de celui du hub majeur de l’Antiquité, le port de Trajan dont l’hexagone  parfait, remis en eau, est bien visible sur la photo satellite –le littoral de l’Antiquité était décalé de plusieurs kilomètres par rapport à l’actuel. A l’entrée de l’aéroport, le musée delle Navi (qui devrait rouvrir après des décennies de fermeture) a recueilli les vestiges trouvés lors de sa construction.

Fiumicino était alors une zone agricole de l’Agro romano –la trame de la bonification agraire, entreprise au tournant du XIX et XXe siècle, est bien visible sur le cliché. Elle a connu une expansion urbaine rapide, liée à l’aéroport. Le système de communication reste structuré par des radiales, hormis l’autoroute allant vers la Toscane, et la zone urbaine du delta du Tibre est de ce fait très peu intégrée.

Un conflit autour de grands projets aéroportuaires

L’installation de grands équipements à proximité, comme la nouvelle Fiera di Roma, ou encore l’hinterport, n’a pas rencontré le succès escompté. Situé à la jonction des deux communes, sur la Portuense, le centre Parco Leonardo  est un exemple caractéristique des grands complexes commerciaux et résidentiels romains, sa réalisation a été négociée dans les années 2000 entre le groupe  Immobilier  Caltagirone et les deux communes, avec en échange la prise en charge des travaux d’urbanisation (dont une bretelle d’accès depuis l’autoroute Rome-Fiumicino) et d’une nouvelle gare sur la  ligne FM 1 qui  rejoint le centre de Rome en moins de trente minutes. L’opération a été un temps stoppée par la crise de 2008, comme d’autres grands projets visibles sur le cliché, comme celui d’un second port touristique sur la bouche du Tibre (le premier, côté Ostie, date du Jubilée de l’an 2000), ou d’un port commercial à Fiumicino centre, au débouché cette fois du canal du Tibre.

L’aéroport, enjeu d’une âpre lutte pour la primauté entre Milan et Rome à la fin des années 2000, fait l’objet aujourd’hui d’un projet d’agrandissement porté par le gestionnaire, Aeroporti di Roma (AdR), qui alimente un conflit local d’aménagement, en pleine crise de la compagnie Alitalia. L’expansion de la zone aéroportuaire doit investir la zone de Maccarese, propriété de la firme Benetton, qui est aussi un actionnaire majeur de l’aéroport. Le conflit a aussi des enjeux patrimoniaux, en effet ce paysage de périphérie, qui semble voué à une urbanisation sauvage, est en droit –sinon dans les faits - protégé depuis 1993 par la Réserve d’Etat du littoral romain, qui s’étend à part égales sur Rome et Fiumicino. Un comité d’opposant à l’aéroport, mais aussi la commune de Fiumicino, se sont de ce fait élevés contre le projet porté par AdR, qui prévoyait  un doublement du site (quarta pista). Le Ministère de l’environnement leur a en partie donné raison à l’automne 2019, AdR a annoncé préparer un projet plus respectueux des contraintes environnementales.

Un patrimoine aussi exceptionnel que méconnu

Si le littoral lui-même a été malmené – ses « bains » ont été un des terreaux du scandale mafia capitale des années 2010 - et s’il est soumis à une érosion dont témoigne l’image satellite, avec les barrières qui le hérissent, cette zone de banlieue à bien des égards banale présente pourtant une valeur patrimoniale, qui joue un rôle notable dans ces mobilisations habitantes.

Outre les aménités « naturelles » encore nombreuses de la Campagne romaine –dont témoigne aussi la réserve présidentielle de Castel Porziano à Rome-, les vestiges de la zone portuaire antique  pourraient être l’objet d’une valorisation. Mais celle-ci souffre de la logique du tourisme globalisé, avec sa  hiérarchisation croissante en faveur des « hauts-lieux ». Alors que les forums romains reçoivent des millions de visiteurs, les ruines d’Ostia Antica n’en reçoivent pour l’heure que 500 000, quant au port de Trajan et la nécropole d’isola Sacra, leur fréquentation reste confidentielle, même si ces dernières années le beau jardin de Porto Triano, dont l’entrée se cache sous une bretelle autoroutière, a fait l’objet des attentions aussi bien du Ministère des biens culturels que de la commune de Fiumicino, et, là encore, de comités d’habitants militant pour son ouverture au public.  Il a fait aussi l’objet d’attentions de la part d’AdR, soucieux d’améliorer son image en s’ouvrant sur le territoire. Pour un aéroport qui se pose  dans son marketing mondial comme « la porte du classicisme » en Europe, la proximité d’un tel site pourrait davantage être mise en exergue. Mais c’est aussi et surtout une valorisation sociale qui est recherchée, avec par exemple l’implication des enfants des écoles des environs. La manne touristique espérée par ailleurs, celle des passagers de l’aéroport , et peut être un jour des croisiéristes des ports en projet, reste plus hypothétique –le site est d’ailleurs totalement invisible du train express qui relie l’aéroport à Rome.

En somme, cette périphérie désordonnée et conflictuelle illustre à sa façon la vitalité de la Ville éternelle.


 

 


La Plaine pontine, une banlieue industrielle à Rome

Qualques répères géographiques de l'image ci-contre.

Il s’agissait autrefois de la zone la plus désolée du Latium, en large part marécageuse, elle  est aujourd’hui une zone industrielle et de service autant qu’une plaine agricole.

La bonification des marais pontins

L’image montre bien, avec les actuels centres de Pomezia, Aprilia, Cisterna et les prémices de celui de Latina (ex-Littoria), chef-lieu de la province éponyme créée par Mussolini, les points d’appui majeurs de la gigantesque bonification entreprise (après diverses tentatives antérieures) par le régime fasciste. La combinaison des moyens techniques de l’époque industrielle, de l’autoritarisme du régime, qui organise d’importantes migrations en provenance d’Italie du Centre Nord-Est (Emilie-Romagne, Vénétie…), chasse de la plaine l’économie pastorale –la mozzarella di buffala pontina reste toutefois une des plus réputée d’Italie.

Si le régime voulait en faire la vitrine de son idéologie anti-urbaine et de la bataille du blé dans le cadre de sa politique d’autarcie, elle est rapidement devenue dans l’après-guerre une zone d’expansion urbaine et balnéaire de la capitale, tandis que la richesse des terres et la proximité de Rome, comme l’arrivée de nouveaux migrants,  réorientait les cultures vers le maraichage. Toutefois la composition de cette agriculture avec d’autres fonctions  productives n’est pas sans poser des problèmes de conflit d’usage du sol.

La façade industrielle de la ville éternelle

Rome contrairement à Paris et bien d’autres métropoles, n’a pas connu de développement industriel au XIXe siècle, ce qui s’explique certes par la primauté de l’Italie du Nord (Milan, Turin…) en ce domaine mais aussi par des choix politiques –l’Unité est contemporaine de la Commune parisienne. Toutefois, le projet de doter la capitale d’une facette productive a alimenté différentes expériences non seulement à Rome même (voir Rome-centre) mais aussi dans sa région, en profitant de la mise en place, dans les décennies de l’après-guerre, de ce qui était alors l’Intervention extraordinaire de l’Etat dans le Mezzogiorno, portée par la Caisse du Midi.

La limite nord de ce zonage d’aménagement, qui allait jusqu’en Sicile, fut fixée en 1957 après un débat houleux sur l’opportunité de développer une politique ad-hoc pour la capitale, à la périphérie méridionale de la capitale. L’image satellite, avec la cohorte de bâtiments productifs qui s’égrènent de Pomezia au pied des Castelli romani montre bien les héritages de ce zonage –la vieille politique méridionale a pourtant disparu au début des années 90, remplacée par un partenariat Europe Etat Région autour de la politique européenne de cohésion. Plus au sud, la zone industrielle de Mazzocchio, prévue à une centaine de kilomètres de la capitale à la rencontre de la plaine et de la vallée de l’Amaseno (et à 3 km à peine de l’abbaye cistercienne de Fossanova), devait être le pôle majeur de cet ensemble productif, dans un but de rééquilibrage régional. Mais elle est restée quasi-vide d’industries –l’intérieur de la région a connu toutefois des implantations industrielles (établissements Fiat en particulier).

Avant-poste de Rome, la zone « industrielle » romaine de Castel Romano devenue « technopole », abrite surtout un des plus grands magasins outlets d’Italie. Le vrai héritage du plan de développement industriel, reste celui d‘avoir doté la capitale d’une facette productive, de Pomezia à Aprilia et Latina, certes malmenée par les crises industrielles récentes, mais qui en fait une des régions italiennes leaders pour la pharmacie (et un temps l’électronique).


Civitavecchia Bracciano

Qualques répères géographiques de l'image ci-contre.

Le littoral nord est longtemps resté une « zone d’entre-deux », plus pauvre que la Toscane voisine et paradoxalement moins développée que le Sud Latium, qui bénéficiait de l’aide de l’Etat. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Civitavecchia,  annexe touristico-portuaire de la capitale

Le site portuaire d’origine remonte à Trajan (108 DC) – les ruines en sont clairement visibles cette fois dans le port contemporain. Celui-ci a connu une expansion  d’abord très limitée comparée à celle de Gènes ou Porto Marghera ou même Naples, et la ville a  subi les bombardements de la seconde guerre mondiale. Sa renaissance avec l’économie de croisière (2,6 millions de passagers en 2019 -premier rang en Italie loin devant Naples, et dans les tout premiers en Europe, où, avant le déclenchement de la crise du coronavirus, il rivalisait avec Barcelone) en est d’autant plus spectaculaire.

Le port est classé RTE (réseau Transeuropéen de l’Union européenne), et 4 lignes ferroviaires directes journalières le relient à la Basilique St-Pierre. La plaisance occupe la partie sud du site. Mais là encore, se pose la question de la mise en valeur de la périphérie immédiate  et non seulement de la desserte de Rome-centre. Les environs sont riches avec deux sites étrusques, Cerveteri au sud (Ladispoli) et Tarquinia au Nord, classées en 2004 au patrimoine mondial Unesco, qui font l’objet de projets de valorisation de la Région.

Le lac de Bracciano ou Rome à la campagne

Les petites villes bordant le lac Bracciano, classé réserve naturelle régionale, initialement lieux de promenade dominicale, deviennent de plus en plus des zones de résidence, rejointes par le bassin d’emploi romain à la faveur de la cura del ferro (voir Rome centre) des années 90-2000, le long de l’axe ferroviaire FV 1. Par exemple la petite ville d’Anguilara Sabauzia quintuple sa population, avec une forte croissance en particulier au cours des années 90, puis se stabilise.



Entre GRA et les Castelli romani, une Rome périphérique

Qualques répères géographiques de l'image ci-contre.

Des borgate et des  logements sociaux…


En symétrique de l’exemple de Fiumicino, aujourd’hui commune de banlieue, ce cliché est centré sur les périphéries cette fois internes à la commune de Rome, ici celles situées en contrebas des Castelli Romani, aire de villégiature des papes (résidence  d’été de Castel Gandolfo) - et qui au-delà de l’image de carte postale qui leur est accolée, sont  d’ailleurs aussi, à leur façon, une banlieue populaire de Rome :  le BTP y a été pendant des décennies un pourvoyeur d’emploi pour nombre d’ouvriers-paysans.

En allant en direction de la capitale, sur les différentes routes consulaires qui viennent se greffer sur le GRA,  se succèdent les quartiers de borgate, construits le plus souvent par des migrants venus d’Italie centrale ou de la Ciociara toute proche. Certaines d’entre elles ont fait l’objet d’opérations de renouvellement urbain radicales, à l’instar de Tor Bella Monaca qui voit se construire dans les années 80 l’un des ensembles municipaux majeurs de logements sociaux, 5500 logements, dans des tours d’une quinzaine d’étages, aujourd’hui dégradées, où 41% des familles sont en dessous du seuil de pauvreté selon une enquête récente…

… le premier grand centre commercial périphérique romain

Cette périphérie orientale de Rome présente des caractéristiques urbaines contradictoires en termes d’équipements. Souvent isolés initialement, ces différentes zones urbaines sont aujourd’hui tout au moins approchées par deux lignes de métro, la nouvelle ligne C et la plus ancienne, la A, dont le terminus à la station Anagnina est depuis des décennies le point de rendez-vous des habitants de ces quartiers périphériques, venus « récupérer » leurs proches, aussi bien que le siège d’un marché aux puces florissant.

Cette zone est aussi une des centralités du PRG de 2008, et elle a été marquée par l’ouverture dès les années 1980 à proximité de l’entrée de l’autoroute Rome-Naples, du vaste campus (600 ha) de la seconde université romaine, l’Université de Tor Vergata, puis du centre commercial de La Romanina (1992), un des tout premiers de la capitale (une quarantaine ont été ouverts entre 2001 et 2013, souvent de grande dimension et la plupart comme celui-ci autour du grand raccord annulaire).

…  et les nouvelles « cathédrales dans le désert » de l’urbanisme métropolitain

Cette zone complexe a enfin subi de plein fouet le système des grands équipements/grands événements /archistars (ici l’architecte Calatrava)/ grands constructeurs (à nouveau le groupe Caltagirone) avec la Cité du sport prévue par le maire Veltroni pour les championnats du monde de natation de 2009.  La silhouette restée inachevée de l’immense Vela domine à des kilomètres à la ronde le panorama et elle est devenue un des symboles d’une logique de grands chantiers coûteux (plus de 600 millions d’euros) et inutiles, liée à la fois aux dérives du BTP et au processus de métropolisation  lui-même, avec la recherche effrénée d’effets d’image qui l’accompagne. Il a un temps été question de relancer à grands frais le site à l’occasion de la candidature de Rome pour les JO de 2024, retirée en 2016.


Les Abruzzes : Avezzano et la bonification des aires internes

Qualques répères géographiques de l'image ci-contre.

Le tremblement de terre d’Avezzano


Dans la partie Nord-Est, à une centaine de kilomètres de l’Urbs, l’image satellite couvre le début des Abruzzes avec la conque d’Avezzano (700 m d’altitude environ) et les monts environnants, qui dépassent 1300 m, classés en réserve naturelle. Cette ex zone frontière entre le Royaume de Naples et les Etats pontificaux (grandes familles Colonna, Orsini), illustre la problématique des « aires internes »  italiennes et les maux endémiques qui les ont affectées, avec  le tremblement de terre de 1915, dans lequel moururent plus de 30 000 personnes (plus de  80%  des habitants d’Avezzano).

Un lac asséché

C’est aussi un exemple des grands travaux agraires qui ont modifié l’aménagement des zones de collines et de montagne, là encore au profit des parties basses et au détriment des pentes. L’assèchement du lac Fucino par les Torlonia remonte à la fin du XIXe s  et il renoue avec l’héritage d’un premier assèchement dans l’Antiquité. On retrouve sur 16 000 ha un paysage similaire à celui de la plaine pontine, basé sur un système de canaux de drainage et d’irrigation, avec là aussi une agriculture intensive maraichère qui a succédé aux betteraves à sucre et aux céréales initiales. Mais contrairement aux villes du littoral pontin, San Benedetto dei Marsi, est resté une simple bourgade. La petite ville d’Avezzano, bombardée pendant la seconde guerre mondiale, a pu bénéficier de la politique d’industrialisation du Mezzogiorno dans les années 60.    

Ressources complémentaires

Sur le site Géoimage du CNES

Dominique Rivière : 
Italie - Rome : la ville éternelle - https://geoimage.cnes.fr/fr/geoimage/italie-rome-la-ville-eternelle

pierre, de la même manière mettre un lien dans le dossier Rome centre  sur ce dossier lors de la mise en ligne

Bibliographie

CREMASCHI M. (a cura di), 2009, Atlante e scenari del Lazio metropolitano, Roma, Donzelli, (en ligne)

DELPIROU A., RIVIERE D., 2013, « Rome capitale : les enjeux métropolitains vus du delta du Tibre, Métropolitiques », 3 juin 2013. URL : http://www.metropolitiques.eu/Rome-capitale-les-enjeux.html, English version (translated by Oliver Waine), « The metropolisation of “Roma Capitale”: the view from the Tiber delta », Metropolitics, 6 November 2013. URL : http://www.metropolitiques.eu/The-metropolisation-of-Roma.html

PELUS-KAPLAN, RIVIERE, 2019, De Rome à Lûbeck et Dantzig, politiques et processus de patrimonialisation dans les villes historiques d’Europe de 1945 à nos jours, Paris, Inalco Presses, 147 p,  ISBN 978-2-85831-323-5

RIVIERE, 1996, L'Italie et l'Europe, vues de Rome : le chassé-croisé des politiques régionales, Paris, l'Harmattan

RIVIERE, 2018, « Italie - Géographie », Encyclopædia Universalis [en ligne], , URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/italie/ édition mise à jour

RIVIERE D., 2018, « ¿Qué reestructuraciones metropolitanas hubo en Italia durante la crisis? Roma y sus suburbios (Fiumicino) », Cytet,  Ciudad y territorio,  estudios territoriales, Madrid, Ministero de Fomento, número 198,  invierno 2018, p 749-768, hal-01977589 vf « Quelles recompositions métropolitaines en Italie pendant la crise ? Rome et sa périphérie (Fiumicino) » vf le 12 février 2020

SERONDE-BABONAUX A-M., 1957, « Rome, capitale sans banlieue », Proceedings of I.G.U. Regional conference in Japan, p 460-465

SERONDE-BABONNAUX A. M. (1980) De l’Urbs à la ville. Rome, croissance d’une capitale, Aix-en-Provence : Edisud.   

VALLAT C. (dir), 1998, Petites et grandes villes du bassin méditerranéen, Rome, Ecole Française de Rome

Sitographie

Le site de la région Latium : www.regione.lazio.it

Un site sur l’habitat populaire à Rome et dans ses périphéries : https://osservatoriocasaroma.com/

Le site CIRILI, du programme « City, River, Littoral » : https://cirili.hypotheses.org
Et en particulier du programme « Rome ,le Tibre, le littoral » :  https://romatevere.hypotheses.org

Le site de Mappa Roma, le mappe delle disuguaglianze, Université Roma 3  https://www.mapparoma.info/open-data/

Contributeur

Dominique Rivière, Professeure des Universités, Université de Paris

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