13 Juillet 2021

États-Unis - Virginie. Norton : déclin charbonnier, basculement énergétique et crise environnementale des Appalaches

Au sud-ouest de la Virginie - dans les Allegheny Mountains au centre la grande chaîne des Appalaches - le Southwest Coalfield et la région de Norton ont connu un boom charbonnier à partir du début du XXe siècle. Dans cet espace marginal parmi les plus déshérités du pays, cette exploitation prédatrice et dévastatrice a alimenté le développement des grandes métropoles, mais s’est traduite par une crise environnementale d’une telle ampleur que l’État fédéral du intervenir en 1977. La concurrence frontale du charbon à ciel ouvert des Rocheuses, l’essor foudroyant du gaz de schiste par fracturation hydraulique et enfin l’indispensable réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement climatique ont débouché sur un déclin majeur et une crise socio-économique très profonde.

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Légende de l’image

Cette image a été prise par le satellite Sentinel-2 le 1er mai 2021. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2021, tous droits réservés


Repères géographiques

Présentation de l’image globale

Norton : la crise charbonnière d’un espace rural,
marginal et pauvre des Appalaches

Les Allegheny Mountains et les Appalaches : un massif central en marge

Nous sommes ici dans le sud-ouest de la Virginie, dans une région de moyennes montagnes qui culmine à 1263 m aux Black Mountains. Au nord-est de l’image se distingue un vaste plateau assez régulier : c’est le plateau du Cumberland, qui se trouve ici au Kentucky. Cette vaste table de calcaires primaires ressemble à un vaste causse aux vallées encaissées et qui reste boisé et sous-peuplé.  

Il est dominé par une longue crête bien visible d’orientation sud-ouest/nord-est : la Pine Mountain. Au sud-est de l’image se trouve une bande de longues crêtes similaires et de même orientation dominée par une autre belle crête : les Clinch Mountains. Nous sommes là devant les hauts rebords de 300 à 500 m d’élévation de l’Alleghany Front.

Au centre de ces deux grandes crêtes, les reliefs ont toujours la même orientation, mais sont plus confus. La région juxtapose en effet des blocs montagneux assez élevés et des bassins topographiques drainés par une rivière (Clinch River, Cumberland River...), dans lesquels se trouvent agriculture (herbe et élevage), petits bourgs et principales voies de transports (voies ferrées et voies rapides). Cette région de moyennes montagnes est très compartimentée par les reliefs : les vallées et bassins sont étroits, les routes sinueuses, rendant la circulation longue et difficile. En particulier dans le sens nord/sud, car il oblige à couper les axes des plis par des vallées en « baïonnette ». On remarque très bien sur l’image les routes qui mènent aux cluses, telle la fameuse trouée de Cumberland. Celles-ci fixent parfois à leur pied un hameau ou un petit bourg.

Nous sommes ici dans les Allegenhy Mountains qui constituent la terminaison méridionale de la grande chaîne des Appalaches. Jouant le rôle de « massif central » entre le littoral atlantique et la Mégalopolis à l’est et les Grandes Plaines à l’ouest, le massif des Appalaches occupe un large espace. Il est orienté nord-est/sud-ouest et s’étend sur 3500 km nord/sud de Terre Neuve au Canada à l’Alabama, et sur 400 à 480 km ouest/est. Il est constitué d’ouest en est de quatre grandes bandes parallèles qui en rendent la circulation interne difficile en dehors de la grande vallée centrale qui passe plus au sud (hors image) : le piémont, l’alignement des Blue Ridge Mountains, qui culminent dans les Smoky Mountains à plus de 2000 m., puis la dépression centrale et, enfin, le plateau appalachien.

Culminant à 2037 m au Mont Michell, cette région de moyenne montagne fortement boisée couvre 530 000 km2 et sert de château d’eau aux régions environnantes. En géographie régionale, si elle apparaît comme un massif montagneux en position centrale, elle fonctionne surtout comme une marge périphérique, plus ou moins active selon les cycles historiques et économiques (cycles du bois, puis du charbon et de la sidérurgie), et dominée par les grandes espaces métropolitains voisins extérieurs au massif.

Comme le montre l’image, cette région est un des espaces les plus emblématiques des structures morphologiques dites appalachiennes. La topographie et les formes des reliefs et des paysages sont due à une tectonique très puissante soumettant une série sédimentaire de plus de 10 000 m. d’épaisseur à une succession de phases de soulèvement, d’aplanissement puis de rajeunissements. L’érosion va ensuite jouer sur les différences entre couches dures et couches tendres des racines des plis, dégageant ainsi des chainons parallèles bien visibles sur l’image. La topographie est organisée par des crêts, des combes et des cluses, qui rappellent la juxtaposition d’anticlinaux et de synclinaux. Dans ces structures géologiques se trouvent de grands gisements de charbon. 

Localisation des trois grands bassins charbonniers des Appalaches


Carte de l'ARC

Le système charbonnier des Appalaches et le Southwest Coalfield

L’image laisse apparaitre au sud de la Pine Mountain une série de tâches grises, occupant parfois une superficie considérable : ce sont de grandes mines de charbon encore en activité. A l’échelle des Appalaches, nous nous trouvons dans le massif du centre à cheval sur le Kentucky, la Virginie et la Virginie occidentale. A l’échelle de l’État de Virginie, nous nous trouvons dans le bassin charbonnier du Southwest Coalfield, dont les dépôts datent de 299 à 323 millions d’années, et qui couvre les quatre comtés qui bordent la crête avec le Kentucky : Lee, Wise, sur lequel est centrée l’image, Dickenson et Buchanan.

Du fait de la géologie et de sa relative proximité avec les grands centres hégémoniques du pays, les Appalaches ont été au cœur de la Seconde révolution industrielle en fournissant massivement le charbon nécessaire au développement de la Mégalopolis et du centre du pays. En 1960, ils réalisaient encore 70 % à 80 % de la production nationale charbonnière. De plus, contrairement à certains autres pays développés comme la France, les États-Unis ont longtemps gardé au charbon une place importante dans leur système énergétique : il représente 25 % de la production énergétique nationale de 1985 à 2007, pour tomber à 12 % aujourd’hui.

Il y a quelques décennies, le Southwest Coalfield était donc encore couvert de centaines de mines, à ciel ouvert ou souterraines. En 1942, ce bassin comptait 19.500 mineurs, produisant 20,5 millions de tonnes (m. de t.) par an. En 1959, il comptait 1807 mines en activité, produisant 28,2 m. de t.. En 1988, grâce à une modernisation incessante, 11 000 mineurs y sortaient encore 46,4 m. de t. dans 545 mines.


Carte des concessions charbonnières

Les Appalaches face à de nouveaux défis économiques, énergétiques et environnementaux

Cependant, quatre bouleversements majeurs sont intervenus qui ont eu un impact considérable sur les Appalaches, tout particulièrement sur le Southwest Coalfield.

Premièrement, les Appalaches sont progressivement marginalisées par l’essor d’autres bassins charbonniers puisqu’on glissement du centre de gravité de l’exploitation vers l’Ouest, en particulier les Rocheuses (Wyoming, Montana, Nord Dakota, Colorado). Entre 1985 et 2010, les Appalaches tombent de la moitié à moins du tiers de la production nationale. Ces nouveaux gisements à ciel ouvert présentent un avantage compétitif décisif sur un marché très concurrentiel au détriment des mines en galeries. Le charbon des Appalaches se heurte à de nombreuses difficultés géologiques et techniques qui expliquent des coûts de production beaucoup plus élevés. En 20 ans, la productivité recule de moitié avec 2 t./ heure travaillée, contre 6 t. au niveau national ; les coûts d’extraction augmentent fortement.

Deuxièmement, cette concurrence entre bassins charbonniers ne doit pas masquer l’essentiel : la dynamique du système énergétique étasunien repose aujourd’hui sur un processus majeur de substitution entre énergies. Entre 2006 et 2019, le charbon s’effondre de 33,5 % à 12 % de la production nationale d’énergie, le gaz monte de 31 % à 41 %. De fait, le charbon des Appalaches est la grande victime du boom du gaz de schiste par fracturation hydraulique (cf. champs de Marcellus et Utica), dont les coûts pour produire de l’électricité dans les centrales thermiques sont très intéressants.  

Troisièmement, le charbon et l’énergie s’inscrivent aussi dans de grands enjeux mondiaux. Sur les marchés mondiaux, les exportations régionales de charbon se révélent particulièrement volatiles, en variant de 1 à 7 en valeur ces vingt dernières années ; car elles se heurtent à de nombreux et redoutables concurrents sur le marché mondial (Queensland australien, Indonésie...). Pour le Southwest Coalfield, l’exportation ne peut donc compenser l’effondrement du marché intérieur.

Enfin quatrièmement, un autre grand facteur de déclin du charbon est d’ordre bioclimatique et environnemental. Du fait en particulier de l’adoption de régulations fédérales plus strictes en lien avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement climatique. Mais si les émissions étatsuniennes de dioxines de carbone reculent de 15,5 % depuis 2006 ; le pays demeure encore en 2019 le second émetteur (15,4 %) derrière la Chine (28,8 %).  

La crise du bassin charbonnier du Southwest Coalfield de Virginie  

Face à ces défis, l’exploitation charbonnière appalachienne a dû s’adapter dans la douleur. Depuis les années 1950, le Southwest Coalfield reste le seul basin charbonnier en production en Virginie. Il couvre environ 4000 km2. Il se caractérise par des gisements hachés puisque sur 70 gisements reconnus, seulement cinq jouent un rôle important. La profondeur des gisements s’étale entre 250 et 1560 mètres de profondeur et l’épaisseur des veines varie de 40 cm à 330 m.

Dans ces conditions, on assiste ces quinze dernières années à de profondes restructurations économiques et techniques avec un sensible recul de la production régionale (- 64 %) et des emplois (- 55 %) d’un côté, la fermeture de trois-quarts des mines en vingt ans de l’autre. Dans le bassin comme sur l’image, le système spatial minier se rétracte fortement pour se concentrer sur les gisements et les mines les plus rentables.

Le bassin central, auquel appartient l’image et qui produit 60 % du charbon des Appalaches, tombe de 235,8 à 46,1 millions de tonnes entre 2005 et 2020 (- 80 %). Si l’année 2020 est profondément marquée par l’impact de la crise de la COVID, il convient de souligner que ce recul est structurel. Dans la seule Virginie, le pic de production est atteint en 1988 avec 45,8 millions de tonnes, contre 12,4 en 2019 (- 35 %). L’emploi y recule de 32 700 à 12 000 mineurs. Localement sur l’image, le choc est d’autant plus considérable que dans ces comtés les mines pouvaient représenter encore 20 % à 52 % des emplois totaux. Aujourd’hui, on compte cependant encore 53 mines en activité produisant 13 000 tonnes, dont 20 mines souterraines réalisant 71 % de la production, et 53 mines à ciel ouvert (29 %).

Un espace marginal et déshérité en crise  

Peuplée de 100 000 habitants, soit une densité de 25 habitants/km², la région connaît un effondrement démographique : elle perd 56 000 habitants, soit 36 % de sa population, depuis 1950. Le comté de Buchana recule de 40 %, celui de Dickenson de 38 % et celui de Lee de 35 %.

Si un certain nombre de progrès incontestables ont été réalisés à partir des années 1970, la région demeure une des les plus déshéritées du pays comme en témoigne l’accumulation de profonds handicaps socio-économiques. En dehors de la ville Norton (61 %), le taux d’activité de la population est particulièrement faible (Dickenson, Lee, Buchanan : entre 41 et 44 %), alors que les taux de chômage, de 10 à 12 %, sont particulièrement élevés pour les États-Unis. Ces indicateurs témoignent d’une véritable crise du travail et de l’emploi dans une situation économique et sociale fragile. Alors que le revenu par habitant est sensiblement inférieur à la moyenne nationale, les taux de pauvreté sont très élevés : 21 à 22 % dans les comtés de Dickenson et Wise, 26 à 27 % dans les comtés de Buchanan et Lee.

Le niveau de vie moyen décroche de la moyenne nationale malgré des transferts publics (sécurité sociale, Medicare, Medicaid…) sensiblement supérieurs. Enfin, la région est largement sous-formée, sous-diplômée et sous-qualifiée du fait de son orientation structurelle vers des activités et fonctions déqualifiées (mines, textile, filière bois, métallurgie). Sur l’image, seulement 3 % à 5 % de la population bénéficie d’un diplôme post-bac. Dans cette région blanche à 95 %, les mobilités géographiques sont faibles et la région s’avère largement répulsive.

L’intervention publique de l’État fédéral : le rôle de l’ARC dans le développement et la reconversion des Appalaches

Restée longtemps un des espaces les plus déshéritée du pays, la région fait donc face de nombreux défis démographiques, économiques et sociaux qui sont emblématiques des défis posés par les espaces ruraux profonds. Cette région que l’on peut qualifier de véritable « périphérie intérieure » va donc devenir un laboratoire des grandes - mais rares - opérations d’aménagement lancées par l’État fédéral.

Au sud-ouest du massif (hors image), l’administration démocrate de F.D. Roosevelt dans le cadre du New Deal - qui tente de répondre à la terrible crise de 1929 - va lancer la Tennesse Valley Authority -  TVA. L’objectif est d’assurer les bases d’un développement du bassin du Tennessee qui prend en écharpe le sud du massif par de grands travaux créateurs d’emplois : régulation fluviale, mise en valeur agricole, hydroélectrique et diversification économique... Si cette opération est une réussite, elle ne concerne cependant qu’un espace restreint des Appalaches.

Pour sa part, l’espace de l’image est couvert par les interventions de l’ARC, l’Appalachian Regional Commission. Mise en place par l’administration démocrate du Président Johnson en 1965, cette agence de développement économique et d’aménagement a pour objectif de dépasser le morcellement institutionnel et politique en couvrant treize États fédérés et 420 comtés. Depuis sa création, elle a mené 28 000 opérations représentant 4,5 milliards de dollars d’investissements venant en complément et en appui de 10 milliards mobilisés par d’autres agences fédérales et les collectivités territoriales. L’accent est mis aujourd’hui sur les aides aux financements d’énergies nouvelles, les innovations agricoles, les aides aux activités créatrices d’emplois de qualité bien rémunérés.  

Sur l’image, les effets des stratégies et des investissements de l’ARC sont bien visibles : équipement routier, électrification, amélioration des services de base, aides aux projets de diversification et de développement des collectivités locales…. Le désenclavement du massif est réel grâce à la création de plus de 3000 km de routes et d’autoroutes, alors que l’ARC engage aussi une stratégie de promotion des pôles urbains ruraux afin de mieux polariser et organiser l’espace intra-régional. Mais ces stratégies peinent à rompre les effets structurels du monopole charbonnier sur la région. 




5. La forte rétraction de l’espace minier charbonnier


6. Les mines souterraines abandonnées dans la région de Norton et du Southwest Coalfield de Virginie

Zooms d’étude

Zoom 1. Norton et sa région face au déclin de l’exploitation charbonnière

Norton : un petit bourg frappé par une crise récente mais violente

Faisant figure de pôle urbain régional sur l’image, la ville de Norton est située en fond de vallée à 650 m d’altitude, au croisement d’axes Nord/Sud et Ouest/Est. Fondé en 1894 comme dépôt ferroviaire sur l’axe Louisville/Nashville, la région de Norton se spécialise dans la fourniture de produits forestiers puis le charbon. Au total, depuis 1883, les sept comtés charbonniers du Southwest Virginia ont produit plus de deux milliards de tonnes de charbon.

Le comté de Wise, qui couvre l’image, est le pôle pionnier puisque les premières exploitations y débutent dès 1892. On va ensuite assister en quatre décennies à une extension de la vague minière aux comté voisins de Russell en 1901, Lee en 1907, Dickenson en 1917 et Buchanan en 1932. Dans le comté de Wise, le pic de production est atteint en 1985 - contre 1957 à Russel, 1967 à Dickenson, 1987 à Lee - et 1988 à Buchanan.

La trajectoire de Norton est emblématique des chocs multiformes liés à la récente crise charbonnière. Après avoir connu un boom démographique lié au charbon, la ville perd 20 % de sa population entre 1950 et 2020, pour tomber à seulement 4000 habitants. Peuplée à 90 % de Blancs, son taux de pauvreté monte à 20 % de la population totale. La ville est tristement célèbre pour avoir été ces dernières années l’une de celles dans lesquelles le taux de prescription de médicaments aux opiacées dans la population a été le plus élevé du pays.

La ville est en fait constituée d’un doublet urbain. Norton est en bas de la vallée, construite autour de la gare et de la voie ferrée et du nœud routier entre les routes 58 Ouest/Est et 23 Nord/Sud. Au nord-est, sur les hauteurs se développe Wise, constituée surtout de zones pavillonnaires. Entre les deux pôles urbains de cette petite agglomération, ce sont les zones commerciales qui servent de zones-tampon. On y retrouve les grandes surfaces comme le Virginia-Kentucky Regional Shopping Center et, surtout, le Wallmart Supercenter qui est voisin de la High Scholl.  

Dans le cadre de la diversification de l’économie locale, un effort vers le tourisme vert a été engagé (musée de la mine, promenades...). Il convient surtout de signaler l’ouverture par l’État de Virginie de deux prisons de 600 à 800 places, présentées comme fournisseuses d’emplois locaux, en 1998 et 1999. On en trouve une au sud-est de Big Stone Gap et l’autre dans le massif des Bold Camp Mountains à côté de Pound sur un terrain fourni par la Pittston Caol Compagny. Cette stratégie de relégation d’une partie de la population carcérale, largement noire, de l’État de Virginie dans cette marge périphérique difficilement accessible et les conditions même des emprisonnements ont suscité de nombreuses protestations d’associations des droits civiques.

Les ravages de l’exploitation charbonnière à ciel ouvert

En plein déclin charbonnier, le comté de Wise compte aujourd’hui seulement 19 mines produisant 1909 tonnes de charbon, soit à peine 15 % du total du Southwest Virginia, largement derrière les comptés de Buchanan (49 %) et Dickenson (28,5 %). Les 5 mines souterraines produisent 659 tonnes (35 %), alors que les 14 mines à ciel ouvert en produisent 1250 tonnes (65 %). Plus la concurrence sur les prix s’exacerbe, plus les mines souterraines les plus petites et les moins rentables ferment.

Sur l’image, nous avons localisé les cinq grandes mines souterraines en activité, pour connaitre leur extension réelle, il faut se reporter aux documents complémentaires. Nous avons aussi cherché à indiquer les espaces actuels qui témoignent des profonds ravages occasionnés par l’exploitation du charbon à ciel ouvert par une multitude de petites compagnies privées, dont une très large partie à aujourd’hui disparue.

Comme on peut le constater sur l’image, cette exploitation prédatrice et dévastatrice s’est traduite par une importante déforestation, l’arasement par dynamitage de nombreux secteurs, en particulier sommitaux, des montagnes et la pollution des sols et des eaux. On estimait en 2012 que plus de 500 sites couvrant 5700 km² étaient totalement dévastés par des compagnies minières peu scrupuleuses.

L’intérêt de l’image est de juxtaposer des sites qui témoignent de l’évolution progressive des mines fermées et de leurs paysages. La région est en effet couverte de centaines d’anciennes mines dont les installations à l’abandon sont parfois visibles du centre-ville de Norton. On assiste à la multiplication des effondrements et glissements de terrains et des éboulements sur les routes. La ville de Norton est ainsi protégée contre eux par un grand mur - la « great wall » - financée sur crédits fédéraux et locaux.  

Face à une situation scandaleuse, l’État fédéral s’est enfin saisi de la question sous l’administration du Président Jimmy Carter. Le SMCRA, ou Surface Mining Control and Reclamation Act, impose depuis 1977 aux compagnies minières le nettoyage, le traitement et le remblaiement de leurs terrains lors des fermetures de mines. Mais ce texte fit l’impasse sur les mines déjà nombreuses abandonnées avant cette date.

Pour autant, les résistances à ces mesures demeurent importante du fait de leur coût financier. Face à la montée de la contestation menée par des ONG (cf. The Alliance for Appalachia) et répercutées par la presse régionale (cf. Appalachian Voicies), les compagnies minières mobilisaient toujours jusqu’à très récemment l’argument de la préservation des emplois miniers contre l’environnement. Ainsi, encore en mars 2009, cette mobilisation déboucha sur le dépôt par des élus régionaux d’une proposition de loi, The Appalachian Restoration Act – visant à encadrer certains excès. Mais elle fut rejetée en 2011 par les Républicains.

Aujourd’hui, le département des Mines de l’État de Virginie gère l’AMLER, l’Abandoned Mine Land Economic Revitalization Program. Depuis 2016, celui-ci est doté chaque année de 10 millions de dollars par le Congrès. L’essentiel des projets de reconversion des anciennes zones minières porte sur le reboisement et la création de nouveaux espaces agricoles. Malgré les résistances, l’image témoigne des investissements réalisés pour redonner à cette région de moyenne montagne dévastée un minimum de fonctionnalité.  


Norton et sa région


Repères géographiques

D’autres ressources

Sites spécialisés

Appalachian Regional Commission - ARC : https://www.arc.gov/

Appalachian Regional Commission - ARC  : The Appalachian Region : A data Overview from the 2015-2019 American Community Survey, juin 2021.

E. Bowen et alii : An Overview of Coal and Economy in Appalachia, Appalachian Regional Commission - ARC, 4e. Trim 2020.

État fédéré de Virginie/ Div. Geology and Mineral Resources/ charbon
HTTPS://WWW.DMME.VIRGINIA.GOV/DGMR/COAL.SHTML

Etat fédéré de Virginie. DMME Permitted Gaz and Caol Mining Sites. Cartes en ligne des principaux permis miniers et gaziers. https://www.dmme.virginia.gov/webmaps/DMM/

VCEDA - Virginia Caolfield Economic Development Authority : un site qui témoigne des difficultés à engager et mener de véritables stratégies de développement local et régional
https://www.vceda.us/


Bibliographie générale

Laurent Carroué : Atlas de la mondialisation. Une seule terre, des mondes. Coll. Atlas, Autrement, Paris, 2020.   

Laurent Carroué : Géographie de la mondialisation. Crises et basculements du monde, coll. U, Armand Colin. 2019.

Roman : John Grisham : L’ombre de Gray Mountain, JC Lattès, Paris, 2015

Contributeur

Laurent Carroué, Inspecteur général de l’Éducation nationale, du sport et de la recherche, et directeur de recherche à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII)

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