Australie - « Le continent brûlé » face aux incendies de forêts : l’Australie est-elle réellement un « lucky country » ?

Durant l’été austral 2019-2020, l’Australie a connu des feux aux conséquences dramatiques. Ils sont venus rappeler que cet immense pays-continent est un des espaces les plus chauds et les plus arides du monde. Dans ce contexte structurel, si ces « méga-feux » sont un phénomène bioclimatique classique, ils ont atteint une envergure inédite. Si l’accent a été mis sur le fait qu’en décembre 2019 les températures moyennes ont été supérieures de 3,2 ° C à la moyenne 1961-1990, certains chercheurs mettent l’accent sur l’importance nouvelle accordée au rôle de la circulation maritime en lien avec les dynamiques de l’atmosphère (dipôle de l’Océan, oscillation antarctique) comme facteur d’analyse. Enfin, aux échelles régionales et locales, les modalités de la mise en valeur agricole tout comme l’importance de l’étalement urbain et périurbain augmentent considérablement la vulnérabilité des populations. Au total, ces évènements témoignent des défis croissants posés à la société australienne et de la nécessaire adoption d’un modèle de développement et d’aménagement plus durable.

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Légende de l’image satellite

L'image satellite présentée ici du sud-est de l'Australie a été prise par le satellite  météorologique Himawari 8 (développé pour couvrir les besoins de l'Agence météorologique du Japon). Sa position en orbite géostationnaire (longitude 140° E) permet d'observer les incendies du continent australien et leur évolution au cours du temps. Cette image issue du site web Himawari-8 -temps réel - a été prise le 4 janvier 2020. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles.

Ci-contre, la même image satelitte, présente quelques repères géographiques de la région.

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Présentation de l’image globale

Australie. « Le continent brûlé » face aux incendies de forêts :
l’Australie est-elle réellement un « lucky country » ?


« C’est le climat qui fait la spécificité du milieu australien. L’Australie se trouve en effet, par rapport à l’équateur, dans le même type de relation que le Sahara dans l’hémisphère nord. Elle est tout entière, ou presque, prise dans un « piège climatique », aggravé encore par la massivité du continent et la topographie, qui aligne les reliefs les plus élevés le long des côtes, empêchant l’humidité de pénétrer à l’intérieur. C’est le continent le plus chaud et le plus aride du Monde, le burnt continent ou « continent brûlé », ainsi qu’un géographe australien l’a dénommé (R.L. Heathcote, 1972). », c’est par ces mots que Joel Bonnemaison commence son analyse du milieu australien dans le tome de la Géographie Universelle relative à l’Océanie (Bonnemaison, 1995).

L’image satellite générale nous permet de mettre en lumière ces spécificités climatiques et topographiques australiennes au regard des feux aux conséquences dramatiques qu’a connus le pays durant les mois d’été austral, tout particulièrement de décembre 2019 à février 2020.

Un pays-continent caractérisé par l’aridité et la désertification

L’analyse de l’image satellite vient conforter les représentations liées au continent australien, à savoir un pays caractérisé par l’aridité et par la désertification d’une partie de son territoire d’où la dénomination « burnt continent » donnée par R.L. Heathcote en 1972. En conséquence, de nombreuses formations forestières et de brousse disparaissent progressivement provoquant parfois un lessivage des sols ou ne laissant qu’un couvert végétal peu dense et très ponctuel. Aussi, c’est la couleur rouge qui domine sur l’image satellite générale de l’Australie : si elle renvoie dans l’imaginaire collectif aux feux, elle correspond en réalité au bouclier australien et à la faiblesse du tissu végétal sur des sols latéritiques.

Les feux de forêts sont un phénomène naturel qui a contribué à façonner les paysages australiens. Cependant, si l’Australie connait régulièrement des feux en période d’été austral, ceux qui ont touché le pays de décembre 2019 à février 2020 ont été d’une intensité inédite. Ils ont ravagé de vastes superficies pendant une période beaucoup plus longue que d’habitude et sur des territoires déjà marqués par une sécheresse extrême et des températures plus importantes qu’à l’accoutumée, rendant le travail des soldats du feu quasi impossible. La couverture médiatique de ces dramatiques événements a été particulièrement importante en Europe et en Amérique du Nord dans la mesure où l’Australie est un pays développé et une projection occidentale entre océan Indien et océan Pacifique.

L’Australie, « pays chanceux » : l’expression « lucky country » pour caractériser l’Australie vient de l’écrivain Donald Horne qui publie The Lucky Country en 1964. Cet Etat tire sa richesse de ses ressources naturelles en grande partie minière et serait - pour beaucoup - un des premiers pays développés touché par le réchauffement climatique. Aussi, le monde (re)découvre la réalité climatique australienne, qui s’oppose à la représentation traditionnellement positive de l’Australie des plages qui correspond à l’Australie du littoral, où se concentre l’essentiel de la population, notamment à l’Est.

Aussi, s’interroger sur les feux de forêts en Australie, c’est aussi plus largement se questionner sur les risques liés au climat et à son évolution dans les pays développés dont beaucoup sont touchés par des risques similaires (incendies au Canada en 2016, au Portugal en 2017, en Californie en 2019).

L’analyse d’images satellites de l’Australie à différentes échelles nous permet de mettre en lumière les causes de ces feux appelés méga-feux, pour « mega-fire ». Il n’existe aucune définition officielle du terme méga-feux. Le terme est employé par les médias mais aussi par les autorités soumises à la gestion de ce type de risque. Ces feux se caractérisent par plusieurs facteurs : une intensité extrême, des superficies considérables qui touchent plusieurs milliers d’hectares et une vitesse de propagation très rapide. Ceux-ci rendent en conséquence le combat contre les flammes très difficile, voire impossible de par leur intensité mais aussi leurs conséquences ; tout en s’interrogeant sur le rapport qu’entretiennent les Australiens avec la nature et avec les risques qui lui sont liés.

Un phénomène bioclimatique classique mais d’envergure inédite : les « méga-feux »

Sur l’image satellite du 4 janvier 2020, le nuage de fumées liées aux feux est bien visible au sud-est de l’Australie, la région la plus touchée. En effet, lors de l’été austral 2019-2020, les feux ont détruit plus de huit millions d’hectares, dont plus de cinq millions dans les seuls Etats de Nouvelle-Galles-du-Sud et du Victoria selon l’Australian Governement, Department of Agriculture, Water and the Environment en 2020.

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer l’intensité des feux visibles sur l’image. On peut tout d’abord évoquer la chaleur et la sécheresse. En effet, ces trois dernières années, l’Australie a connu des sécheresses parmi les plus importantes de son histoire, du moins depuis que le pays est en capacité de mesurer le phénomène. En 2019, les précipitations ont connu une baisse de 40 % en moyenne sur le territoire australien avec un manque de pluies particulièrement marqué dans le sud-est de l’Australie, là où sont concentrés les feux de forêts visibles sur l’image.

De la même façon, l’année 2019 a été la plus chaude jamais observée avec 1,5 °C de plus que la moyenne des cinquante dernières années, notamment en Nouvelle-Galles-du-Sud. Pour le seul mois de décembre 2019, les températures moyennes ont été supérieures de 3,2°C par rapport à la moyenne 1961-1990 selon Météo France. D’après de nombreux scientifiques qui alertent les autorités australiennes depuis plusieurs années (Stephens, 2010), ces épisodes de chaleur et de sécheresse extrêmes sont liés au réchauffement climatique.

La sécheresse et l’augmentation des températures s’expliquent aussi par des dynamiques climatiques globales et systémiques comme celle du dipôle de l’Océan indien. Il s’agit de la différence de températures entre les parties occidentale et orientale de l’Océan indien. Fin 2019, ce dipôle a connu une phase positive intense ; c’est-à-dire que la température de l’Océan indien était beaucoup plus forte à l’ouest à proximité des côtes d’Afrique orientale qu’à l’est au large de l’Indonésie. De ce fait, les précipitations ont été plus fortes à l’ouest sur les côtes africaines et moins importantes à l’est de l’Océan Indien, affectant en conséquence la pluviométrie australienne.

En parallèle, les climatologues ont aussi noté l’influence de l’oscillation antarctique. Il s’agit de flux de vents d’ouest - les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants - qui oscillent au cours de l’année. A la fin de l’année 2019, ces vents d’ouest étaient en phase négative et ont provoqué des mouvements de masse d’air du nord-ouest de l’Australie vers le sud-est comme l’illustre l’image satellite.

La conjonction des deux facteurs a augmenté la vulnérabilité australienne dans la mesure où le dipôle de l’Océan indien a asséché des masses d’air qui ont ensuite traversé l’Australie au gré des vents provoqués par l’oscillation Antarctique.

Enfin, les milieux et les reliefs australiens ont pu avoir un rôle dans l’intensité des feux, dans la mesure où ces vents ont traversé de grandes zones désertiques notamment d’Australie Occidentale et du centre du pays avant d’arriver ensuite plus à l’est et d’être confrontés à la Great Diving Range, le plateau surélevé de l’est et du sud-est australien. En rencontrant ce relief, les vents vont s’assécher encore davantage, selon le traditionnel effet de foehn.

Aussi, les littoraux est et sud-est australiens où se concentrent hommes et activités ont été particulièrement marqués par la sécheresse dans des zones où la pression sur la ressource en eau est déjà habituellement très importante.

Du bush aux marges des villes : les feux à l’assaut de l’Australie utile

Les deux images ci-dessous ont été prises par un satellite Sentinel-3 et l'instrument OLCI (Ocean and Land Color Instrument). Cet instrument optique est utilisé pour assurer surveiller et observer l'évolution des océans comme des surfaces continentales.

Crédit: Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2020,  traitées par EO-Browser


2 janvier 2020


29 janvier 2020

Quelques repères géographiques de cette région située au sud-est de l'Australie

La comparaison des deux images satellites à l’échelle du sud-est australien permet de mesurer l’ampleur des méga-feux.

La première image satellite est prise le 2 janvier 2020, période pendant laquelle les feux sont en pleine expansion dans l’Etat du Victoria et en Nouvelle-Galles-du-Sud. Les fumées les plus importantes proviennent de la combustion des arbres des parcs protégés des forêts du KNP – le Kosciuszko National Park – qui est le plus grand des parcs nationaux du pays en couvrant une superficie de plus de 6 734 km2 en Nouvelle-Galles-du-Sud. Ce dernier est contigu à d’autres parcs nationaux également touchés par les feux comme le SRNNP - Snowy River National Park et le YRNP -Yarra Ranges National Park dans l’Etat du Victoria au sud, le NNP - Namadgi National Park à l’est dans le Territoire de la capitale australienne et, enfin, le CNP - Croajingalong National Park. 

Dans ces forêts, les formations xérophiles ligneuses dominent comme l’eucalyptus, par exemple, mais aussi l’araucaria (Bonnemaison, 1995). Ces forêts sont de plus en plus fragilisées par les sécheresses et l’augmentation des températures. Il s’agit là d’une évolution climatique naturelle, mais amplifiée ces dernières décennies par les activités humaines provoquant ainsi en retour des méga-feux dont les conséquences sont visibles sur les deux images satellites. Certaines de ces forêts les moins denses sont parfois qualifiés de bush, « un espace en dehors de la ville et des lieux qu’elle organise » (Vacher, 2000). Ces espaces aux limites floues sont particulièrement sujets aux feux qui rythment d’ailleurs la vie de nombreuses espèces qui en ont besoin pour se régénérer. C’est le cas du saltbush, une plante qui produit des graines qui résistent aux feux (Bonnemaison, 1995).

L’image satellite du 29 janvier donne à voir l’étendue des zones touchées par les feux. On constate que la plupart des forêts des parcs nationaux du Sud-Est ont été partiellement brulées. C’est le cas dans les parcs précédemment cités, mais aussi de celui des Blues Mountains et du Wollemi qui se trouvent à l’ouest de Sydney.

Si certains feux n’ont pas affecté directement les zones habitées comme celles localisées au cœur des Yarra Ranges, d’autres ont nécessité une évacuation de la population. En effet, de nombreuses forêts s’appuie sur le Great Diving Range et courent quasiment jusqu’au littoral. C’est le cas pour de nombreuses villes littorales de Nouvelle-Galles-du-Sud, à l’instar de Batemans Bay, ville balnéaire de 11 000 habitants dont une partie a dû être évacuée au début du mois de janvier 2020. En effet, cette ville bâtie autour d’une baie bénéficie d’un cadre particulièrement prisé par les touristes qui bénéficient à la fois des aménités des plages mais aussi d’un accès immédiat aux zones forestières protégées du Budavang National Park dans l’arrière-pays. Au lendemain du Jour de l’An, le monde découvre ainsi les images de plages méconnaissables où des touristes attendent une évacuation par la mer et par l’armée dans un halo de fumées aux teintes ocres.

La comparaison des deux images permet ainsi de se questionner sur la gestion des parcs nationaux qui sont les principales zones touchées et qui forment un cordon forestier autour des principales villes du pays

En effet, à la lecture des images satellites, on constate que ce risque naturel résulte de la coprésence du feu, comme source de danger, mais aussi de choix sociétaux économiques et culturels. Nous avons montré que le risque d’incendie était très élevé en Australie en raison de ses caractéristiques bioclimatiques. Or depuis la colonisation, la pression sur le milieu s’est accrue. Dans les Etats fédérés du Victoria et de Nouvelle-Galles-du-Sud, l’agriculture s’est développée dès la fin du XVIIIème siècle. Au XIXème siècle, c’est une véritable « ceinture du blé » - la wheatbelt - qui se met en place sur les terres de l’Australie dite utile, celle du littoral Est et Sud-Est. Il en va d’ailleurs de même au Sud-Ouest du pays.

Aujourd’hui, de nombreuses exploitations ont été abandonnées car la pression sur les terres était trop importante. L’irrigation nécessaire pour les céréales dans un contexte de précipitations insuffisantes et très variables d’une année à l’autre, mais aussi l’impact de l’élevage bovin et ovin ont un effet dévastateur sur la flore, incapable de se régénérer, et sur les sols, qui s’épuisent. Ces zones agricoles sont bien visibles sur les images satellites notamment celle du 29 janvier. On note par exemple dans l’Etat du Victoria l’importance de l’élevage intensif bovin au nord de Cape Wilson et de la céréaliculture au nord des Snowy Mountains. L’irrigation y est obligatoire, on compte par exemple de nombreux barrages sur la rivière Murray et ses affluents.

Les régions agricoles sont soumises comme le reste du territoire australien aux sécheresses récurrentes et consécutives. Aussi, ces terres très sèches n’ont pas été épargnées par les feux, notamment les zones d’élevage qui se trouvaient en périphérie des grandes zones forestières, comme au nord du Koscuiszko National Park visibles sur l’image satellite. Le ministère de l’agriculture estime qu’au moins 100 000 moutons et vaches ont disparu avec les feux selon l’Australian Government Department of Agriculture en 2020.

Aussi, les feux questionnent le modèle occidental de développement transposé en Australie. Non pas seulement sur la question de l’émission de GES que l’industrie minière australienne contribue à augmenter - et qui fait la une des médias, mais aussi sur la question de l’anthropisation du territoire australien depuis l’arrivée des colons.

Les méga-feux et la remise en cause du « rêve » suburbain

Enfin, le lien à la nature est particulier en Australie. Il est en grande partie mis en scène dans les villes et les banlieues où les espaces verts sont nombreux. Mais aussi en périphéries plus lointaines des villes où l’on trouve de nombreux parcs nationaux dont une grande partie ont été touchés par les feux visibles sur les images satellites.

Comme le souligne Joel Bonnemaison en reprenant les mots de David Horne, l’Australie est la première « société suburbaine » du monde (Bonnemaison, 1995). L’étalement urbain y est très important. On peut noter sur les images satellites que les aires urbaines tendent à s’étendre en direction des zones forestières, des ensembles pavillonnaires s’insérant parfois dans les interstices entre différentes zones protégées. Cet étalement urbain augmente ainsi considérablement la vulnérabilité des populations.

C’est le cas des villes balnéaires comme Batemans Bay, évoquée précédemment, mais aussi de petits bourgs ruraux qui peuvent compter peu d’habitants mais être très étendus. C’est le cas de Batlow, à l’ouest de l’image satellite, qui a été en partie dévasté par les feux au début du mois de janvier 2020. En effet, les quelques 1 600 habitants de Batlow, en Nouvelle-Galles-du-Sud, vivent dans des maisons individuelles dont certaines jouxtent la forêt d’Etat de Bago. Le petit bourg, qui vivait principalement d’une activité agricole maraîchère, est aujourd’hui à reconstruire avec de nombreuses interrogations, notamment sur la gestion de la ressource en eau. Cette dernière est convoitée par de nombreux acteurs dans un contexte d’étalement urbain où l’idéal du pavillon avec jardin tend à être la norme. Celui-ci entraîne en effet une sur-utilisation de l’eau qui a également pu affecter les équilibres naturels, appauvrissant encore un peu plus en eau certaines zones du bush.

Pour des villes à reconstruire en partie comme Batemans Bay sur le littoral ou Batlow dans la Great Diving Range, il convient donc aujourd’hui de s’interroger sur la notion de vulnérabilité en mettant l’accent sur la diminution de l’exposition des hommes à une source de danger (aléa).

Il existe actuellement de nombreux débats au sein de la société australienne portant sur la résilience. L’Australie doit-elle apprendre à vivre avec un risque accru et remettre en cause une partie de ses fondements nationaux, notamment concernant la gestion de l’environnement ? Aussi, de nombreuses voix s’élèvent pour demander un retour aux pratiques ancestrales aborigènes. Ces derniers se considéraient et se considèrent toujours pour la plupart comme les protecteurs de la Terre. C’est le « Temps du rêve », pris à la fois comme ensemble de croyances, de mythes fondateurs et comme une manière de lire le réel qui fonde le rapport des populations aborigènes à leur Terre (Glowczewski, 2014). La propriété privée et l’exploitation de la Terre n’ont, dans ce système de pensée, pas de sens, l’homme faisant partie d’un tout, d’un système fragile qu’il convient de respecter et d’accompagner.

Ainsi, pendant des millénaires, des feux de bush étaient organisés par les différents peuples aborigènes pour limiter le risque de méga-feux sur les zones les plus sèches. Ces pratiques se sont rapidement perdues avec l’avancée du front pionnier et c’est la conception occidentale qui s’est imposée avec la colonisation britannique. Cette dernière repose sur la propriété de la Terre et sur la domination de la nature à des fins économiques, tout comme l’exploitation du sous-sol, mais aussi à des fins paysagères et d’agréments comme c’est le cas dans les principales villes australiennes. Dans ces territoires, la nature est mise en scène dans de grands parcs urbains, mais également en périphérie dans des zones protégées qui sont autant de réservoirs d’authenticité, porteur d’une partie de l’identité australienne pour les populations citadines australiennes.

En effet, si le premier parc national australien date de 1879, avec la création du RNP - Royal National Park au sud de Sydney, ce sont les décennies 1960-1970 qui voient la multiplication des parcs nationaux. Aujourd’hui, il existe plus de 600 parcs nationaux qui couvrent une superficie de plus de 28 millions d’hectares, soit 4 % du territoire national selon un Rapport du Parlement australien sur les forêts australiennes de 2016.

Le Territoire de la capitale australienne visible sur l’image satellite est une illustration du rapport spécifique des Australiens à la nature. Le choix de Canberra pour capitale en 1908 résulte d’un choix politique. Il a donné lieu à une réalisation urbanistique conforme à l’idéal australien d’en faire une ville du bush, une ville verte entourée par une nature mise en scène. Canberra, bien visible sur les images satellites, est ainsi à plus de 25 % constituée d’espaces verts et de parcs. Cette construction paysagère favorisant la nature en ville et en périphérie pose la question de la gestion des espaces forestiers. Notamment des grands parcs qui correspondent davantage à des logiques citadines parfois en contradiction avec les équilibres naturels, le tout dans un contexte de stress hydrique et d’augmentation de la moyenne des températures estivales particulièrement important dans la région capitale.

Au-delà de la catastrophe en elle-même, c’est l’identité nationale australienne qui est questionnée par ces méga-feux. Car elle se fonde sur une approche de la nature spécifique. Cette dernière apparaît paradoxalement comme une récréation d’un espace naturel où la présence de l’homme est limitée (préservationnisme) ou comme espace de loisirs pour les citadins en lisière des villes. Cette analyse d’images satellites nous montre ainsi qu’au-delà des mesures de gestion et de prévention des risques à renforcer, l’Australie a sans doute ici l’occasion, à l’instar de nombreux pays, de repenser son modèle de développement.

Documents complémentaires

Les images ci-dessous de la cote Est de l'Australie ont été prises par le satellite Sentinel-2A le 30 janvier 2020. Des traitements sur l'image, à partir de différentes bandes spectrales, ont été fait afin de mettre en évidence les incendies et leurs conséquences.

Crédit: Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2020,  traitées par EO-Browser


Traitement incendies de forêt

Un traitement (source : P. Markuse) sur l'image brute a été appliqué pour visualiser les incendies. Il combine un fond de couleur naturelle avec certaines données dans l'infrarouge pour montrer les incendies dans des couleurs rouges et orange.


Traitement Index de zones brûlées (BAI)

L'indice de zone brûlée (BAI) tire parti des bandes spectrales situées dans le rouge et dans l'infrarouge. La plage de valeurs de l'indice BAI de -1 à 1  correspond aux cicatrices des brûlures et aux incendies actifs  de 1 à 6.

Ressources complémentaires

Sur le site Géoimage du CNES

Benjamin Leclère : Australie- Perth : un eldorado minier de l’Australie-occidentale aux portes du désert.

Benjamin Leclère : Australie – Cap Lambert : synapse du système productif minier du Pilbara en Australie-Occidentale

Nadège Spella-Barberet : Australie - Sydney : de la colonie pénitentiaire à la métropole mondiale.

Bibliographie indicative

Joel Bonnemaison (1995), « L’Australie, le “pays chanceux ” », in Roger BRUNET (dir.), Géographie Universelle, Asie du Sud-Est, Océanie, Belin-Reclus, p.246-319.

Barbara Glowczewski (2014), « Aborigènes australiens », in Encyclopædia Universalis,

R.L. Hearthcote (1972) « The Visions of Australia 1770-1990 », in Amos RAPOPORT, Australia as human setting, Angus and Robertson, Education, Sydney, p. 77-98.

Michael Stephens (2010), « Bushfire, Forests and Land Management Policy Under a Changing Climate », in Farm Policy Journal, Vol. 7 No. 1.

Luc Vacher (2000), « Le bush, espace du mythe australien ou comment l’Australie rêve son territoire », in Mappemonde 60, 4, p. 18-23.

Thomas Curt, directeur de recherche sur les incendies de forêt à l’IRSTEA d’Aix-en-Provence, in Yves SCIAMA, «Les mégafeux vont devenir de plus en plus courants », Sciences&Vie, 22 février 2019). 

Voir Ascendance (climat) sur le site Géoconfluences

Ressources utilisables en cours et/ou en vue d’une préparation de séance :

  • Documentaire et reportage :

Cosima DANNORITZER et Nicolas Koutsikas (2019), Incendies géants : enquête sur un nouveau fléau, Géorama TV

Les décodeurs, Le Monde, « Pourquoi l’Australie brûle ? », « Incendies en Australie : le réchauffement climatique est-il en cause ? », 12 janvier 2020

  • Site de Météo France :

http://www.meteofrance.fr/actualites/78318436-australie-la-chaleur-extre...
http://www.meteofrance.fr/actualites/78326305-australie-comment-explique...

Contributeur

Benjamin Leclère , agrégé et docteur en géographie, professeur en CPGE au lycée Pontus de Tyard de Chalon-sur-Saône.

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