Norvège - L’île Jan Mayen : grande pêche et rivalités frontalières maritimes dans l’Atlantique Nord arctique

Minuscule île volcanique glacée et inhabitée, l’île Jan Mayen se trouve dans l’Atlantique-Nord au dessus du cercle polaire et au large de la côte orientale du Groenland. Elle fut longtemps située dans un angle mort géopolitique, entre deux colonies danoises, le Groenland et l’Islande. Trois phénomènes vont contribuer à son réveil géopolitique au XX em siècle. La création d’un Etat norvégien indépendant de la Suède en 1905, qui cherche à affirmer sa puissance en prenant possession de l’île en 1929. La Seconde Guerre mondiale puis la Guerre froide qui font de tout l’Atlantique-Nord un lieu d’affrontement majeur, alors que l’Islande voisine devient indépendante du Danemark en 1944. Enfin, depuis les années 1970, la course à la mer des Etats littoraux qui cherchent à étendre leur souveraineté – et donc contrôler - leurs voisinages maritimes et leurs ressources. La fixation des ZEE autour de Jan Mayen fut conflictuelle et nécessita les arbitrages de la Cour Internationale de Justice de La Haye. Dans ces parages, les frontières (ZEE) ne sont définitivement fixées entre la Norvège, le Danemark et l’Islande qu’entre 1981 et 1993. Au total, la possession de cette toute petite île de 377 km² permet à Olso de contrôler une immense ZEE de 273 000 km².

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Légende de l’image



Située à la limite entre les mers de Norvège et du Groenland, l'image de l'île Jan Mayen (Norvège), a été réalisée le  2 août 2019 par le satellite Sentinel-2B. Tout autour de l'île l'eau prend une couleur différente en raison d'une quantité importante de phytoplancton.
Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

Ci-contre l'image satellite précédente quelques repères géographiques.

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Présentation de l’image globale

L’île Jan Mayen : une île minuscule des confins arctiques
aux enjeux maritimes considérables

En plein océan Nord-Atlantique aux limites entre les mers de Norvège et du Groenland, l’image nous présente l’île Jan Mayen. Sous souveraineté norvégienne, elle se trouve cependant très loin de la Norvège : les terres les plus proches, les îles Lofotens, sont à plus de 900 km vers l’est. Rattaché administrativement au comté norvégien du Nordland, ce territoire insulaire est donc très excentré. De même, Jan Mayen est à 950 km de l’archipel du Svalbard, lui aussi sous souveraineté norvégienne, au nord-est. Par contre à l’ouest de l’autre côté de la Mer du Groenland, l’île se trouve à seulement 450 km des côtes du Groenland (Terre de Jameson, village d Ittoqqortoormiit).  Enfin, au sud-ouest, elle est à 560 km de l’Islande et du cap Langanes. Au total, au plan de la géographie continentale, l’île de Jan Mayen est plus proche du Groenland, et donc des Amériques, que de l’Europe.  

Un milieu très contraignant : une île des hautes latitudes maritimes arctiques 

De forme dissymétrique, longue de 54 km du nord-est au sud-ouest et large de 16 km dans son maximum, cette petite île s’étend sur seulement 377 km². Elle est composée de deux ensembles bien distincts, reliés par un isthme très étroit encadré par de longues flèches de sables dont la noirceur est due aux matériaux volcaniques et qui témoignent localement du rôle régularisateur des courants marins. 

Au nord se trouve le Mont Beerenberg, un stratovolcan actif qui culmine à 2 277 m. et dont la dernière éruption date de 1985. La bouche principale du volcan, orientée vers le nord, est bien identifiable. Sa partie sommitale est couverte d’une calotte de glace, dont partent plusieurs langues glaciaires qui réussissent parfois à atteindre la mer. Pour autant, les phénomènes de retrait sous les effets du changement climatique sont bien visibles, en particulier au nord là où la vieille glace striée n’est plus recouverte par les jeunes couches fraiches donc blanches sur l’image. Enfin, la fonte estivale de la neige et des glaces se traduit par un ruissellement qui entraine vers la mer les matériaux fins, ce qui explique dans les eaux ces panaches littoraux qui entourent la partie nord de l’île. La partie sud par contre est sensiblement plus basse et plus confuse au plan topographique, structurel et morphologique, avec des imbrications locales de petits cratères, de petits cônes et de plateaux.        

La présence de cette île volcanique en plein Atlantique-Nord est liée à la tectonique des plaques et, tout particulièrement, à une grande faille située sur un point chaud de la grande dorsale sous-marine médio-atlantique. Celle-ci traverse en effet toute la région et explique en particulier la formation de l’Islande, une grande île volcanique très active, quelques 560 km plus au sud. 

Comme le montre l’image, l’île ne porte quasiment aucune végétation en dehors d’une basse toundra dans les endroits les mieux protégés. Bien que prise début août, donc en plein été, les hauteurs méridionales portent encore des traces de névés. Nous sommes en effet ici très au nord à 70°55 de latitude Nord, bien au delà du cercle polaire arctique (66°33), et à 8°42 de longitude Ouest. Disposer d’une telle image bien claire et dégagée a été difficile car l’île est le plus souvent couverte de nuages et de brouillards, ce qui en rend d’ailleurs l’abordage parfois très dangereux.  

L‘île est soumise à un climat sub-polaire, ici associé au courant froid du Groenland oriental, dont l’impact est cependant limité par les influences océaniques adoucissantes de la dérive nord-atlantique, ou Gulf Stream, qui vient du sud. Les hivers sont donc froids (février. : - 6°C en moyenne) et les étés très frais (août : + 5°C en moyenne) avec des précipitations moyennes assez élevées (675 mm.). Le cumul du froid, de la neige, de vents violents et de l’humidité y rend donc le climat insulaire difficile, en particulier lorsque soufflent les vents glacés arrivant de l’inlandsis groenlandais.  A ceci s’ajoute les effets de la haute latitude : du fait de la nuit polaire, l’île est dans une obscurité complète de la mi-novembre à la fin janvier, mais connaît par contre le « soleil de minuit », phénomène où le soleil ne se couche pas à l’horizon, de la mi-mai à la fin juillet.

Les héritages historiques : une succession de cycles économiques et géostratégiques

Du fait de son isolement géographique dans des milieux extrêmes et des très fortes contraintes qu’elle connaît, l’île n’est découverte qu’au XVIIème siècle. Elle porte d’ailleurs le nom d’un navigateur hollandais qui la signala en 1611. Elle fut largement utilisée comme simple station pour la pêche à la baleine. A l’épuisement des stocks biologiques, elle fut par la suite totalement délaissée.

Mais un nouveau cycle la tire de son abandon à l’extrême fin du XIXème siècle. Lancée par les grandes puissances occidentales de l’époque, la course aux Pôles constitue un des derniers grands fronts pionniers depuis la saisie de l’Afrique sanctifiée par le Congrès de Berlin de 1878. Elle s’y traduit par quelques expéditions scientifiques. Par exemple dans le cadre de la 1ère année polaire internationale y débarque une petite expédition austro-hongroise en 1882/1883. Plusieurs autres suivront ainsi jusque dans les années 1920 

Pour autant, l’affirmation d’une souveraineté étatique y est historiquement tardive car nous sommes là dans ce qui fut très longtemps à la fois un angle mort de la géopolitique mondiale et un espace dominé et gelé par la colonisation. A l’ouest et au sud-est, le Groenland et l’Islande sont des colonies danoises sans aucune autonomie, alors que la Norvège n’arrache, pacifiquement cependant, son indépendance politique au Royaume de Suède qu’en 1905. 

C’est bien l’émergence, puis l’affirmation de puissance, du nouvel Etat-nation norvégien qui va bouleverser la donne pour l’île de Jan Mayen. Les Norvégiens y installent en 1921 une station météorologique. Puis le 8 mai 1929, ils en prennent officiellement le contrôle en l’annexant. En 1930 enfin, l’île devient de manière emblématique la propriété directe de l’Etat norvégien. Il faudra attendre 1994 pour qu’Oslo la rattache administrativement au comté du Nordland. Cette course à la puissance de la Norvège s’inscrit cependant dans un cadre spatial beaucoup plus large. Il se traduit en février 1920 par un traité multilatéral reconnaissant sa souveraineté sur le Svalbard, dans le grand nord. Par contre, la Cour Internationale de Justice rejette en 1933 les revendications de la Norvège sur la côte Est du Groenland, qui demeure donc danoise. Comme on peut le constater, la minuscule île de Jan Mayen s’inscrit alors pour Oslo dans un projet géopolitique et géostratégique majeur : prendre le contrôle de l’Atlantique-Nord. 

Les chocs de la Seconde Guerre mondiale puis de la Guerre froide

La Seconde Guerre mondiale ouvre un nouveau cycle. L’île est bien sur un enjeu direct très secondaire, car elle n’est pas Malte par exemple. Elle est cependant stratégiquement non négligeable du fait de sa position géographique. Alors que la Norvège est envahie par l’Allemagne nazie le 9 avril 1940, le Roi et le gouvernement en exil à Londres y installent une petite unité militaire pour y réaffirmer symboliquement leur souveraineté « outre-mer ». Surtout, les colonies danoises - l’Islande et le Groenland – passent lors de l’invasion du Danemark de facto directement sous contrôle des Etats-Unis, en particulier sous la pression de W. Churchill qui en mesure exactement l’importance géostratégique. 

Par exemple, les forces anglo-saxonnes installent sur l’île de Jan Mayen en 1943 une station de radionavigation et de météorologie dans le cadre de la Bataille de l’Atlantique qui oppose les 240 sous-marins de la Kriegsmarine de l’amiral Dönitz aux flottes anglaises et étasuniennes, civiles et militaires. L’île subira d’ailleurs deux raids de la Luftwaffe, cependant sans conséquence. Au total l’espace maritime s’étendant de la Côte Nord-Est des Etats-Unis jusqu’aux îles britanniques fut l’objet d’une guerre navale d’une ampleur exceptionnelle dans laquelle le Canada, le Groenland, l’Islande, la Norvège, les Shetlands, les Féroés ou même Jan Mayen jouèrent leur partition comme en témoigna, par exemple, la chasse aux commandos météorologiques nazis envoyés au Groenland. Les flottes et aviations, militaires ou civiles, ont en effet besoin dans cette région aux fortes contraintes de prévisions météorologiques fiables pour être opérationnelles.    

Enfin, la Guerre froide ouvre elle aussi un nouveau cycle. La Norvège – qui appartient à l’OTAN – y renforce en 1959 une nouvelle station de radionavigation du réseau LORAN-C (Navigation à Longue Portée) interconnectée avec l’Islande, les îles Féroés, la Norvège et l’Allemagne : cet ancêtre du système GPS actuel mais fonctionnant à partir de stations terrestres au lieu des satellites, qui n’existent par encore, assure la sécurité de navigation des navires militaires et civils dans la zone. C’est à cette occasion qu’est ouverte en 1961 dans l’isthme la piste d’atterrissage, visible sur l’image, pour les avions assurant la navette entre l’île et la Norvège. 

Rappelons que plus au sud de l’île de Jan Mayen, la ligne Groenland - Islande - Royaume-Uni, ou ligne BARRIER, avait été équipée du système SOSUS – ou Sound Surveillance System - d’hydrophones dans les années 1960. Cette chaîne de sonars acoustiques était, et reste, chargée de détecter, contrôler et signaler les passages des navires, en particulier des sous-marins nucléaires soviétiques dont le premier fut détecté franchissant cette ligne en juillet 1962.     

Aujourd’hui, l’île, désertique, est retombée dans une certaine torpeur. Elle n’est habitée que par une vingtaine de personnes permanentes qui sont relayées tous les six mois. Ce sont les équipes chargées du fonctionnement et de la maintenance de la station météorologique et de la station LORAN-C, dont le rôle cependant est de plus en plus remis en cause par le développement des systèmes satellites GPS. Tout le personnel et l’essentiel des équipements sont regroupés autour de la base d’Olonkinbyen : base vie avec logements, base technique avec ateliers et production d’énergie... Si la livraison du gros matériel et du combustible passe nécessairement par la voie maritime, l’absence de bon mouillage, de port ou même d’une simple jetée, contraint à utiliser barges et canots pour la rupture de charge. Alors que les rotations aériennes mensuelles sont réalisées par l’armée de l’air norvégienne.    

De nouveaux grands enjeux géopolitiques maritime et frontaliers 

Avec l’arrivée des années 1970/1980, le rôle de l’île de Jan Mayen est totalement bouleversé par le fait que les mers et les océans constituent « une nouvelle frontière ». Les espaces maritimes et leurs ressources - avérées ou potentielles, voire fantasmée - sont de plus en plus convoités à partir des littoraux dans le cadre d’un processus général de maritimisation des Etats côtiers qui cherchent à étendre en mer leur souveraineté territoriale. Dans ce cadre, la Convention sur le Droit de la Mer de 1982 fixe en droit international cinq espaces maritimes différents : 

- les eaux intérieures et littorales, 
-  la mer territoriale qui s’étend jusqu’à 12 miles marins (20 km),  
-  la zone contigüe, qui s’étend elle aussi, lorsque c’est possible, jusqu’à 12 miles marins (20 km), 
- la ZEE (Zone Economique Exclusive) d’une largeur maximale de 200 miles marins (370 km), 
- enfin, les zones maritimes libres de droit que sont les eaux internationales.  

Dans ce contexte général, la possession par la Norvège de la minuscule île de Jan Mayen constitue un atout important puisque l’article 121 du Traité de Montgo Bay définie les îles comme « une étendue naturelle de terres entourée d’eau qui reste découverte à marée haute ». Et d’ajouter que les îles peuvent donc disposer en droit maritime international d’une mer territoriale, d’une zone contiguë, d’une Zone Economique Exclusive et d’un plateau continental. 

Dans cet Atlantique-Nord, on va donc assister à l’affirmation de nouvelles rivalités interétatiques dans la fixation des frontières marines des ZEE entre la Norvège, qui possède île de Jan Mayen, le Danemark, qui possède le Groenland, et l’Islande indépendante. Le principal enjeu est la grande pêche et l’exploitation des ressources halieutiques qui constituent un part non négligeable des économies islandaise et norvégienne et, dans une moindre mesure, groenlandaise. Fort heureusement, comme nous sommes entre Etats scandinaves démocratiques aux relations de voisinage globalement apaisées, les deux conflits bi-latéraux vont se régler dans le cadre du droit international via le recours aux arbitrages de la Cour Internationale de Justice de l’ONU, qui exerce la fonction de tribunal mondial et dont le siège est à La Haye, la capitale des Pays-Bas.  

Pour en comprendre l’importance des enjeux géopolitiques et géoéconomiques pour la Norvège, il convient de rapporter la place des surfaces maritimes aux surfaces terrestres. Si les terres norvégiennes couvrent au total 385 226 km2, l’espace maritime sur lequel s’exerce sa souveraineté est de 2,3 millions de km2, soit six fois plus. Avec seulement 373 km2, soit 0,1 % de la surface terrestre du pays, l’île Jan Mayen permet de contrôler 273 118 km2 d’espace maritime, soit 11,5 % du total.   

Les superficies comparées des territoires terrestres et maritimes de la Norvège :

Eaux et ZEE (km²)Superficies terrestres (km²)Rapport
Norvège continentale1 273 482323 8024
Svalbard402 57461 0027
Ile Jan Mayen273 118373732
Ile Bouvet436 004498898
Grand total2 385 178385 2266



Le conflit Norvège - île Jan Mayen/ Islande : un compromis très spécifique favorable à l’Islande et favorisant une gestion durable des ressources

Le 28 mai 1980, l’Islande – devenue indépendante du Danemark le 17 juin 1944 - et la Norvège signe un accord définitif de délimitation de leurs ZEE respectives au sud de l’île Jan Mayen après avoir mis en place une commission binationale chargée de la délimitation du plateau continental, qui sert de support physique à la délimitation juridique des ZEE. 

Cet accord est singulier dans la mesure où il s’accompagne d’un réel effort d’Oslo au nom d’une « relation spéciale » envers l’Islande. Celle-ci va en effet obtenir un compromis très favorable à ses intérêts en se voyant reconnaître la très forte dépendance de son économie à la pêche. 

Ce compromis est d’autant plus facile à accepter pour Oslo que l’économie norvégienne et ses régions littorales connaissent alors un véritable boom lié à l’exploitation de ses très importants gisements de gaz et de pétrole off-shore et, dans une moindre mesure à l’élevage de saumons. Dans ce contexte, il est plus facile de faire accepter que la grande pêche passe au second rang. Ce compromis va déboucher sur quatre conséquences pratiques importantes pour les eaux de l’île de Jan Mayen. 

Premièrement, le texte accorde à l’Islande une concession politique majeure puisque la limite de la ZEE n’est pas fixée à équidistance des deux côtés. L’Islande bénéficie d’une ZEE large de 200 miles marins, donc complète, au détriment de celle de Mayen dont la ZEE va être en conséquence amputée. Au sud de l’île, la ZEE accordée à la Norvège par l’accord est en effet large de seulement 100 miles marins, un mile marin étant égal à 1 852 m, soit environ 180 km. 

Deuxièmement, les deux Etats s’accordent sur la nécessité de coopérer à un développement durable de la ressource via une gestion conjointe des stocks de poissons migrateurs qui évoluent entre les deux îles. Une commission mixte est mise en place afin de fixer d’un commun accord chaque année le total admissible des captures (TAC) pour le caplan. Cette logique de gestion durable bi-nationale des eaux maritimes du sud de l’île de Jan Mayen reprend un dispositif déjà adopté et mise en place en Norvège maritime continentale. C’est d’ailleurs le fort attachement des Norvégiens à leurs ressources maritimes qui explique par deux fois leur refus de rentrer dans la CEE.   

Troisièmement, Oslo et Reykjavík définissent au sud de l’île de Jan Maen un vaste quadrilatère maritime transfrontalier de 180 km est/ouest et 300 nord/sud ouvert à la pêche des deux pays. 

Enfin quatrièmement, l’accord n’insulte pas l’avenir et permet de clarifier et d’apaiser de possibles futures exploitations off-shore des fonds sous-marins. Il créé en effet une « zone commune de développement » de part et d’autre de la frontière maritime entre les deux pays. Soit 32 750 km côté norvégien et 12 720 km côté islandais. Dans ce cadre, chaque Etat signataire accorde à l’autre 25 % des activités off shore futures. Dans cette logique, si la Norvège se voit reconnaître son avance technologique et industrielle dans le secteur offshore, l’Islande peut en espérer des transferts éventuels de technologies et de nouvelles retombées économiques et financières. Pour les deux pays, les eaux méridionales de l’île de Jan Mayen constituent bien potentiellement une « nouvelle frontière » mise en co-gestion.      

Le conflit Norvège - île Jan Mayen/ Danemark – Groenland : une grande innovation juridique

En 1988, le Danemark saisit la Cour Internationale de Justice de La Haye à propos du contentieux l’opposant à la Norvège pour la délimitation de la ZEE entre le Groenland et l’île Jan Mayen. 

Dans un arrêté publié le 14 juin 1993, la CIJ précise ces délimitations en s’appuyant sur la volonté d’assurer aux deux parties un accès équitable au stock de capelans dans la zone méridionale, la plus disputée entre les pays car la plus riche. Dans ce cadre, elle y modifie sur certains segments la logique d’équidistance à la ligne médiane. Pour autant, dans son arrêté, la CIJ reconnait à une île dépourvue à la fois de population permanente et d’économie propre, en l’occurrence l’île norvégienne de Jan Mayen, un droit à exercer une juridiction maritime. Pour l’époque, cette décision constitue une grande innovation juridique. e

A partir de cet arrêté de la Cour Internationale de Justice, le Danemark et la Norvège s’accordent officiellement entre décembre 1995 et novembre 1997 sur la délimitation de leurs plateaux continentaux, de leurs ZEE et de leurs zones de pêches respectives. 

L’île Jan Mayen : un futur levier pour une nouvelle extension de la ZEE norvégienne vers l’est 

Si les frontières maritimes de l’île Jan Mayen sont donc définitivement fixées et acceptées en droit international à l’ouest avec le Groenland/Danemark, et au sud avec l’Islande, de nouveaux chantiers apparaissent à l’est cette fois. En effet, la situation maritime orientale est singulière. L’île Jan Mayen se trouve, comme nous l’avons vu, à plus de 900 km des îles Lofotens et du comté norvégien du Nordland, auquel Jean Mayen est administrativement rattaché. 

Cet espace maritime est donc composé de trois ensembles : à l’est une ZEE de 200 miles marins (370 km) est rattachés à Jan Mayen, à l’ouest une ZEE des 200 miles marins (370 km) est rattachée à la Norvège continentale. Comme la distance entre les deux est supérieure aux 400 miles marins cumulés, il se trouve entre les deux ZEE sous souveraineté norvégienne un espace maritime large d’environ 160 km classé en eaux internationales libres de droit.  

Dans ce contexte, la Norvège avait jusqu’au mois de mai 2009 pour déposer auprès de la CNUDM - la Commission des limites du plateau continental - un dossier demandant l’extension de sa souveraineté maritime économique à cet espace intermédiaire en se basant sur l’extension de son plateau continental. Ce qui fut fait en 2006. Si la CNUDM reconnait à l’avenir la justesse des revendications norvégiennes, cela signifierait que l’ensemble de l’espace maritime compris entre l’île Jan Mayen et la Norvège continentale deviendrait une seule et unique ZEE norvégienne.  

Ressources et bibliographie 

Ressources du site Géoimage :

Armelle Decaulne : Islande - Reykjavik et sa région : contraintes et atouts de hautes latitudes volcaniques insulaires

Armelle Decaulne : Islande - Vatnajökull et le sud-est islandais : la glace et le feu 

Laurent Carroué : Norvège - Archipel du Svalbard. Ny-Alesund : une base scientifique internationale, un enjeu géopolitique d’importance en Arctique

Johan Walger : Norvège - Stavanger. De la « ville du pétrole » à la « ville de l’énergie »

Clara Loïzzo : Groenland - Nuuk : la capitale du Groenland autonome

Christian Fleury : France - Saint-Pierre et Miquelon : un petit archipel français aux confins du Canada

Bibliographie

Didier Ortolland et Jean-Pierre Pirat : Atlas géopolitique des espaces maritimes, Editions Technip, 2010.

Laurent Carroué : « Géopolitique des mers et des océans » (chap. 9), in Philippe Deboudt (direct) :  Géographie des mers et des océans, Armand Colin, Paris, 2014.  

Laurent Carroué : Géographie de la mondialisation. Crises et basculements du monde,  Coll. U, Armand Colin, Paris,2019.

Frédérique Lasserre : « Frontières maritimes dans l’Arctique : le droit de la mer est-il un cadre applicable ? »,  Dossiers Cériscope, Sciences Po Paris,

Contributeur

Laurent Carroué, Inspecteur générale de l’Education nationale 

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