L’agglomération bordelaise : croissance métropolitaine et étalement urbain

Cinquième aire urbaine française avec 1,2 million d’habitants, Bordeaux compte aujourd’hui parmi les métropoles les plus dynamiques du territoire français. Aux échelles mondiale et européenne, les vignobles du bordelais contribuent toujours à la richesse et à l’image de marque de la ville avec l’inauguration de la Cité du Vin en 2016. Mais sa dimension technopolitaine s’est affirmée dans le secteur aéronautique et aérospatial avec la participation au Pôle de Compétitivité Aerospace Valley, fondé en 2005. La métropole concentre en outre les fonctions supérieures à l’échelle de la vaste région de Nouvelle-Aquitaine, dont elle est la capitale. Maintenant située à deux heures de Paris depuis la mise en service de la LGV en 2017, et à une heure du Bassin d’Arcachon et des plages atlantiques par la route, Bordeaux symbolise par son dynamisme démographique et économique et ses aménités l’attractivité des grandes métropoles de la France autonome face à l’attraction parisienne.

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Légende de l’image satellite

Cette image a été prise par un satellite SPOT en 2018. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles.

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SPOT 6/7 © Airbus DS 2018, tous droits réservés. Usage commercial interdit.


Repères géographiques

Présentation de l’image globale

L’agglomération bordelaise : un étalement urbain spectaculaire
et dissymétrique

Un front d’urbanisation qui reflète le dynamisme de la métropole bordelaise

L’image permet de mettre en évidence le caractère spectaculaire de l’étalement urbain bordelais. La partie de l’agglomération se trouvant à l’intérieur de la rocade forme un tissu urbain quasiment continu approchant la quinzaine de kilomètres d’est en ouest et du nord au sud. Mais si l’on inclut les postes avancés du front d’urbanisation comme les communes de Martignas-sur-Jalle et Saint-Jean-d’Illac en direction de l’ouest, le diamètre de cet ensemble composite atteint plutôt 25 kilomètres.

La croissance urbaine suit une progression classiquement radioconcentrique, dont quelques marqueurs spatiaux permettent de retracer grossièrement l’évolution. Ainsi, le vaste cimetière de la Chartreuse marque la limite occidentale de la ville à la fin du XVIIIe siècle. Le Parc Bordelais, aménagé à l’extérieur des grands boulevards sur le modèle des parcs parisiens du Second Empire, se trouve aux portes de la ville du XIXe siècle.

A partir du XXe siècle l’étalement urbain devient très rapide : la rocade, dont la construction est amorcée dans les années 1960, est particulièrement longue. Elle englobe les communes de proche banlieue, soit, en tournant dans le sens antihoraire : Bruges, Le Bouscat, Mérignac, Pessac, Talence, Bègles sur la rive gauche, et Floirac, Cenon, Lormont sur la rive droite.

Situé au-delà de cette première couronne, l’aéroport de Mérignac, dont les deux pistes sont bien visibles à l’ouest de l’agglomération, est finalement rejoint par le front d’urbanisation. Il est englobé dans une deuxième couronne périurbaine caractérisée par une trame urbaine plus discontinue. L’étalement urbain procède à la fois du desserrement des activités, symbolisé par les vastes zones d’activités arrimées aux échangeurs le long de la rocade, et du développement de quartiers résidentiels, qui prennent souvent la forme de lotissements pavillonnaires. La périurbanisation prend à certains endroits une forme typique en doigts de gant, le long des axes routiers perpendiculaires à la rocade.

Il résulte de cet étalement un puissant mitage de la forêt landaise (parcelles de couleur vert foncé, à l’ouest) et des espaces agricoles, en particulier viticoles (parcelles de couleur brun à vert clair, au nord, au sud et à l’est). La croissance spatiale de la métropole pose le problème des circulations, la rocade bordelaise ajoutant aux mobilités pendulaires d’échelle locale le trafic de l’axe Europe du Nord / Paris / Espagne. Les ponts franchissant la Garonne - Pont d’Aquitaine au nord, pont François Mitterrand au sud - constituent de notoires goulets d’étranglement du trafic.

Le maintien de la dualité rive gauche / rive droite, entre héritages et nouvelles dynamiques

La vaste agglomération bordelaise perpétue aujourd’hui la dualité rive gauche / rive droite qui a marqué l’histoire longue de la ville-centre. Cette continuité s’explique sans doute d’abord par une forme d’inertie spatiale favorisant la croissance urbaine à partir du bâti existant : la rive gauche étant historiquement la plus développée, une telle dissymétrie n’a rien de surprenant. En outre, la contrainte topographique que représente l’abrupt coteau en rive droite, dont les pentes boisées apparaissent nettement à l’image, exerce un effet de coupure défavorable à l’étalement urbain.

Mais depuis la fin du XXe siècle de nouveaux facteurs guident la croissance spatiale de l’agglomération. D’une part, le développement d’un pôle technopolitain autour de l’aéroport de Mérignac contribue au déplacement du centre de gravité de l’agglomération vers l’ouest, en favorisant l’installation de ménages des classes moyennes et supérieures dans les communes de la périphérie occidentale.
La côte atlantique et le Bassin d’Arcachon, situés à une soixantaine de kilomètres dans la direction de l’ouest, exercent d’autre part un attrait certain. Les communes situées à mi-chemin entre Bordeaux et la côte en distance-temps – soit une quarantaine de minutes par la route - ont connu une croissance exceptionnelle : c’est le cas de Cestas sur la route d’Arcachon (cf infra), de Saint-Jean-d’Illac sur la route du Cap-Ferret, de Saint-Médard-en-Jalles sur la route de Lacanau.

Zooms d’étude

ZOOM 1 : Des vignobles qui résistent à l’urbanisation : Talence, Pessac, Mérignac

On a rappelé l’importance du secteur vitivinicole dans la richesse de la métropole bordelaise, toutefois il faut souligner que l’étalement périurbain induit une concurrence spatiale entre la ville et son vignoble. Bordeaux se situe à la rencontre de trois pays viticoles : le Médoc au nord, auquel appartiennent les communes du Taillan et de Blanquefort, les Graves au sud, dont font partie les communes de Talence, Pessac, Mérignac, Gradignan, Léognan, etc., et l’Entre-deux-Mers, plus précisément les Premières Côtes de Bordeaux, sur la rive droite.

Dans toutes les directions, ce vignoble subit une forte pression foncière, qui se traduit par un mitage important : cela apparaît nettement sur l’image principale, lorsqu’on observe le plateau de l’Entre-deux-Mers (communes de Carignan, Bouliac, Tresses, etc.).

A contrario, les exemples, rares, de foncier viticole conservant une valeur supérieure au foncier à lotir, méritent qu’on s’y arrête. Appartenant à l’Appellation d’Origine Contrôlée – AOC Pessac-Léognan, les vignobles des châteaux de Picque-Caillou (Mérignac), Pape-Clément (Pessac) et Haut-Brion (à cheval sur les communes de Pessac et Talence) sont les seuls à avoir subsisté à l’intérieur de l’anneau dessiné par la rocade. Cette résistance renvoie à la valeur élevée de domaines renommés, en particulier celui du Haut-Brion, l’un des prestigieux « premiers grands crus classés » du Bordelais.

Les domaines viticoles apparaissent relativement vastes : une cinquantaine d’hectares pour celui de Haut-Brion, soit cinq fois la taille moyenne d’une exploitation viticole en France. Ils constituent autant d’enclaves dans un tissu urbain dense et composite, où se juxtaposent quartiers pavillonnaires, grands ensembles, installations sportives, campus universitaire (au sud-est), etc. Si les vignobles se maintiennent, ils subissent néanmoins les coupures des axes de transport : le domaine de Haut-Brion est traversé par la ligne de chemin de fer Bordeaux-Arcachon, tandis que celui de Picque-Caillou est coupé en deux par la grande avenue reliant le centre de Bordeaux à la rocade.

 

ZOOM 2 : Le Taillan / Blanquefort : le mitage du vignoble médocain et de la forêt landaise

Sur les franges nord de l’agglomération en revanche, le front d’urbanisation progresse au détriment du vignoble. Les communes du Taillan et de Blanquefort, constitutives d’une seconde couronne d’urbanisation située donc au-delà de la rocade bordelaise, ne possèdent que de modestes noyaux anciens, à peine décelables sur l’image.

Les lotissements pavillonnaires y occupent de vastes surfaces, remplaçant les vignes et absorbant la trame ancienne, dispersée, des hameaux et châteaux médocains. En direction de l’ouest et du nord-ouest, la forêt landaise subit un sort similaire.

ZOOM 3 : Autour de l’aéroport de Mérignac, un technopôle dédié à l’aéronautique

Le développement des activités dans le secteur aéronautique et aérospatial autour de l’aéroport de Mérignac - dont les deux pistes, longues d’environ 4 kilomètres, sont bien visibles sur l’image - a fait émerger une centralité secondaire à l’ouest de l’agglomération bordelaise. Construit dans les années 1930, l’aéroport accueille dès l’après-guerre l’implantation de Dassault Aviation, destiné à devenir un fleuron national de l’industrie aéronautique, civile avec les avions d’affaires et militaire avec les avions de combat Mirages puis Rafales.

Il est aujourd’hui au cœur d’un technopôle baptisé Bordeaux Technowest, où les secteurs de l’aéronautique, de l’aérospatial et de la défense conservent une place centrale, avec des entreprises aussi emblématiques que Thales, Airbus, ArianeGroup, Safran. Ce technopôle s’inscrit à plus petite échelle, avec Toulouse notamment, dans le Pôle de Compétitivité mondial Aerospace Valley.

Au niveau de la zone aéroportuaire proprement dite, on aperçoit à l’intersection des pistes l’aérogare civile, au sud la base aérienne militaire, et au nord les hangars de Dassault Aviation, où sont notamment assemblés et testés les avions d’affaires de la série Falcon. À l’est de l’aéroport, desservi par un important échangeur de la rocade bordelaise, gage d’accessibilité, s’étend le parc technologique Aéroparc, reconnaissable à ses bâtiments de petite taille disséminés dans un parc arboré. Les activités y sont plus proches des activités de conception et de gestion que de la production industrielle en tant que telle. Au nord et de l’autre côté de la rocade à l’est, de vastes zones d’activités prolongent l’ensemble, leurs bâtiments de taille intermédiaire laissant supposer des activités industrielles et commerciales plus mixtes.

Le dynamisme de cet espace technopolitain alimente la croissance urbaine, comme le suggère cet instantané, typique de la progression d’un font d’urbanisation. S’il reste du foncier disponible, surtout à l’ouest où domine encore la forêt landaise, la progression de l’urbain risque à long terme d’engendrer des frictions, relatives aux nuisances générées par trafic aérien.

ZOOM 4 : Cestas : une commune périurbaine aisée sur la route d’Arcachon

Au sud-ouest de l’agglomération, la cossue commune de Cestas, repérable sur l’image au petit plan d’eau artificiel du Lac Vert, située à proximité immédiate d’un échangeur de l’A63 permettant de rejoindre presqu’aussi rapidement l’hyper-centre de Bordeaux que la réputée station balnéaire d’Arcachon, a vu sa population exploser dans les années 1980.

ZOOM 5 : Lormont / Cenon : des banlieues populaires enclavées

Les deux communes de Lormont et Cenon concentrent les principaux grands ensembles d’une agglomération bordelaise marquée par de forts contrastes socio-spatiaux et par une morphologie urbaine traditionnellement basse favorisant l’étalement urbain. La coupure topographique du coteau de la rive droite y est renforcée par les coupures des voies de communication rapide : voie de chemin de fer (LGV depuis 2017) au pied du coteau, rocade autoroutière au nord et à l’est.

ZOOM 6 : L’île d’Arcins, objet de convoitises

Située sur la commune de Latresne, en amont de Bordeaux, l’île d’Arcins apparaît comme un espace relativement sauvage, que l’insularité semble avoir préservé de la croissance urbaine bordelaise. Allongée dans le sens du courant, elle s’étend sur une longueur d’environ 1,5 kilomètres, pour 200 mètres de large tout au plus. On peut voir au nord le Pont François Mitterrand, maillon essentiel de la rocade bordelaise reliant les deux rives, et au pied de celui-ci sur la rive gauche la vaste zone industrielle et commerciale de Tartifume.

La proximité du centre-ville de Bordeaux, qui est situé à moins de 5 kilomètres, suscite les convoitises autour de cet îlot boisé aujourd’hui possédé par un particulier : l’île pourrait devenir une zone de protection de la biodiversité, ou bien un lieu récréatif pour les citadins. Cependant, malgré des travaux d’endiguement, elle reste vulnérable au risque inondation.

Images complémentaires


Bordeaux dans le Grand Sud-Ouest 


Bordeaux dans son cadre régional

Image prise par le satellite Sentinel-2A le 29 novembre 2020
Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2020, tous droits réservés


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Sur le site Géoimage : dossier du même auteur

Isabelle Greig : Bordeaux : le « Port de la Lune », les mutations de la ville-centre et les enjeux de sa patrimonialisation

Contributrice

Isabelle Greig, Professeure de géographie en CPGE, Lycée Pierre d'Ailly, Compiègne

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