Etats-Unis - Floride. Miami et Fort Lauderdale : un corridor urbain et touristique

Prolongement des Etats-Unis dans l’espace Caraïbe, située à l’extrémité sud de la péninsule de Floride, l’aire métropolitaine de Miami, en situation de carrefour, se nourrit des nombreux flux touristiques domestiques venant du Nord et de migrations cubaines et caribéennes venant du Sud. Les acteurs privés répondent à la multiplication des mobilités et façonnent ainsi une vaste région urbaine et touristique, archétype du « tournant récréatif ». L’organisation spatiale qui en résulte est construite sur la distance, la fermeture et l’entre-soi. Ce système urbain, emblématique du new urbanism de la Sun Belt américaine, devient modèle dans la mondialisation.

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Légende de l’image

A la pointe sud-est de la Floride la ville de Miami. Cette image a été prise le 26 janvier 2020 par le satellite Sentinel 2B. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution à 10m.


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Repères géographiques

Présentation de l’image globale

Une métropole étatsunienne dans le bassin caraïbe

Ancienne possession espagnole, la Floride devient territoire des Etats-Unis en 1822 et Etat fédéré en 1845. C’est encore à la vieille de la guerre de Sécession un espace excentré, peu peuplé, mal contrôlé comme en témoigne les nombreuses guerres contre les Indiens Séminoles.

Le sud de la Floride, un « vide exotique »

L’image satellite englobe sur le littoral atlantique toute l’aire métropolitaine de Miami et une partie de son arrière-pays, depuis les Keys à l’extrême-sud jusqu’à Palm Beach au Nord, depuis le Parc National des Everglades jusqu’au lac Okeechobee à l’extrémité nord. Les distances sont assez considérables : environ 230 kilomètres dont plus de 180 km sont entièrement urbanisés.

Cet espace propose de nombreuses aménités touristiques. La fréquentation débute d'ailleurs avant même le contrôle du territoire : les premiers curistes s’installent à Saint-Augustine, qui est proche de Jacksonville au nord de l’aire métropolitaine, dès 1830. Miami offre plusieurs dizaines de kilomètres de plage visibles sur tout le littoral de la métropole. Prolongement des Etats-Unis dans l’espace Caraïbe, la ville propose aussi un climat subtropical chaud et humide ce qui explique la culture du sucre au sud du lac Okeechobee, les forêts de mangroves des Everglades ainsi que les îlots coralliens des Keys. Le dense patrimoine naturel, en grande partie protégé, participe à la mise en tourisme du territoire.

Celui-ci est aussi perçu par les Américains comme hispanique, caribéen et donc dès l’origine porteur d’imaginaires et de représentations orientés vers l’exotisme, la tropicalité, la permissivité … « It’s always June in Florida », ce slogan publicitaire des années 1920 montre que l’occupation et l’aménagement de la Floride sont concomitants de sa mise en tourisme. Le Nord sur le littoral atlantique et Tampa reçoivent des touristes dès les années 1890 alors que l’éloignement et l’accessibilité réduite rendent le littoral sud-est difficilement exploitable. Miami ne compte que 7000 habitants en 1896.

Mais de plus en plus proche et fréquenté : réseaux de transport, accessibilité et tourisme

La mise en tourisme dépend en premier lieu de l’accessibilité. Ce sont d’abord les bateaux à vapeur qui permettent de rejoindre Miami, puis le chemin de fer en 1896. Les compagnies ferroviaires sont d’ailleurs les premiers acteurs d’un tourisme qui se cantonne encore aux mois d’hiver. Le boom de l’automobile renforce la fréquentation. Dès les années 1910 – 1920, alors que l’équipement des ménages américains est déjà massif, Miami est raccordée aux réseaux routiers notamment avec l’US 1 Sunshine Highway construite dès 1926. Visible sur l’image satellite mais aujourd’hui totalement insérée dans l’aire métropolitaine, elle suit le tracé littoral et s’achève à l’extrémité sud des Keys.

Si l’automobile reste au cœur des modes de transport en Floride, c’est l’avion qui assure aujourd’hui la connectivité du territoire. Le corridor urbain de Miami est un hub pour l’ensemble sous-continental des Caraïbes. Il associe trois équipements aéroportuaires majeurs : Miami, Fort Lauderdale et Palm Beach. 90 millions de passagers y transitent en 2019, venant majoritairement du Nord-Est des Etats-Unis, New York et Chicago en tête mais aussi du hub d’Atlanta. Les grandes compagnies, American et Delta, assurent les liaisons ; mais elles sont de plus en plus concurrencées et dépassées par les compagnies low cost comme Southwest, Jetblue ou Spirit. Une dizaine de plus petits aéroports - à Boca Raton ou Pompano Beach par exemple - complètent et renforcent l’accessibilité de l’aire métropolitaine.

L’aéroport est la condition de la mise en tourisme et de la fréquentation touristique. Celle-ci est déjà élevée dans les années 1930 avec presque 3 millions de touristes pour l’ensemble de l’Etat de Floride. Elle atteint 35 millions dans les années 1970 au moment où s’affirment le transport aérien et les parcs d’attraction autour d’Orlando (hors image). Les 60 millions de touristes sont dépassés dans les années 1990, pour atteindre 131 millions de touristes en 2019. La Floride est ainsi l’une des premières régions touristiques au monde avec une clientèle presque exclusivement domestique. En effet, en 2019, 117 des 131 millions de touristes sont originaires des Etats-Unis, soit 89 %, principalement des Etats de la Mégalopolis (30 %), des Grands lacs (15 %), du Texas et du Sud-Est, surtout de Géorgie. Les clientèles internationales viennent pour un quart du Canada, pour un autre quart d’Europe et de plus en plus des Caraïbes et d’Amérique latine. Pour les classes supérieures brésiliennes ou colombiennes, Miami reste une terre d’élection. Elle est surtout la capitale de ce vaste ensemble né en partie du tourisme et des loisirs.

Le slogan « From Snow to Paradise » incarne les dynamiques touristiques du territoire. D’abord limités à l’hiver, les flux touristiques ont progressivement concerné l’été avant de devenir presque permanents tant la saisonnalité est ici réduite. Les spring breaks pour les étudiants et city breaks pour les courts séjours, la polyrésidence des séniors ou le tourisme d’affaires et de congrès ... participent à ce tourisme global aujourd’hui plus proche des loisirs, du divertissement et du tournant récréatif. Cette forte croissance concerne aussi bien les flux que la population.

Un territoire attractif aussi pour les migrants caribéens et latino-américains

L’Etat de Floride compte plus de 21 millions d’habitants en 2019, contre moins de 3 millions en 1950 (+ 18 millions en 70 ans). L’image satellite couvre la Miami Metropolitan Area ou MSA de Miami (Metropolitan Statistical Area) exactement Miami - Fort Lauderdale - West Palm Beach sur la façade atlantique. La région urbaine, d’une superficie d’environ 16.000 km2, s’étale sur plus de 180 kilomètres et compte 6,2 millions d’habitants, en forte croissance (+ 11 % en dix ans).

Miami se définit dès l’origine par une forte présence des « minorités » aujourd’hui nettement majoritaires. Ainsi, l’héritage esclavagiste puis ségrégationniste explique qu’en 1910 presque la moitié de la population de Miami est noire. La communauté afro-américaine représente encore environ 21 % de l’aire métropolitaine de Miami. Cette ville est aussi nommée « gateway to the Americas ». Elle est l’une des portes de l’immigration hispanique aux Etats-Unis. Depuis 1959 et surtout 1961, c’est une ville cubaine et latine qui compte aujourd’hui de nombreuses communautés haïtiennes et caribéennes. Ainsi, dans le comté de Miami-Dade, au sud de l’aire métropolitaine de Miami sur l’image satellite, la moitié de la population est née à l’étranger et les deux tiers des quelques 2,7 millions d’habitants du comté se définissent comme hispaniques. Little Havana comme Little Haïti sont emblématiques du poids et du rôle des migrations et des migrants dans l’émergence de cette métropole.

A l’échelle de l’aire métropolitaine, les hispaniques représentent 40 % du peuplement contre 31 % pour les caucasiens. La Floride et particulièrement Miami est donc une « région à bascule » entre les deux Amériques. Cela se traduit spatialement dans les morphologies urbaines et les organisations spatiales visibles sur l’image satellite.

Production d’espace et organisation spatiale de l’aire métropolitaine de Miami


Miami forme une vaste région urbaine et touristique caractérisée par l’habiter temporaire, le divertissement et la consommation. Elle est devenue modèle et archétype à l’échelle mondiale.

Une vaste région touristique

Les acteurs publics sont très peu présents en Floride bien qu’ils soient intervenus durant les crises notamment lors du New Deal. Les acteurs privés - promoteurs et firmes transnationales (FTN) - et la spéculation ont façonné la morphologie urbaine. Ainsi, au nord du Comté de Miami-Dade, l’espace urbain se résume à une suite de quartiers disjoints, de lotissements présentant chacun à la fois de l’uniformité et de profondes disparités de part et d’autre des autoroutes ou voies rapides qui les traversent.

Le tourisme ou plus exactement aujourd’hui l’industrie du divertissement est l’une des activités dominantes de l’Etat. L’image traduit la manière dont il occupe et construit l’espace. Les plages et les lidos, souvent d’anciens marais, sur plusieurs dizaines de kilomètres, sont le domaine des resorts. De vastes complexes touristiques, fermés, appartenant aux grandes chaînes hôtelières, sont implantés le long des plages privées et uniquement accessibles par une route littorale. Plages, lidos et resorts sont séparés du reste du corridor touristique et urbain par des lagunes et des rivières souvent artificielles qui sont autant de “frontières”. Chaque resort incarne l’hybridation des pratiques et le tournant récréatif. Chacun offre une dimension balnéaire avec toute la gamme d’activités associées mais aussi des spas et toutes les pratiques tournant autour du soin du corps et du bien-être, du shopping, de l’événementiel pour le tourisme d’affaires et de congrès, des salles de jeux et casinos, des restaurants …

Les pratiques sont proposées ici dans le cadre du all-inclusive et du tourisme global. La clientèle souvent familiale ne doit pas à avoir à sortir du resort, d’ailleurs aucune centralité proche n’est en mesure de l’accueillir. Les lieux organisés selon ce modèle sont légions. Le littoral depuis Miami Beach jusqu’à Fort Lauderdale et West Palm Beach illustre à la fois la mise en tourisme et l’urbanisme qui en découle. C’est une juxtaposition de resorts et de condominiums construits le long d’un boulevard et séparés du reste de la ville par des rivières, lacs et lagunes. Chacun forme finalement une enclave.

La croisière est l’autre grande activité touristique emblématique de la Floride. Ainsi, depuis les années 1960 et surtout 1970, les croisières renaissent comme des resorts « nomades ». Le transport aérien sert à regrouper les clientèles à Miami, le paquebot permet lui des escales dans les Caraïbes et les Antilles. Les navires, aujourd’hui des funships, relient des escales qui sont de moins en moins nécessaires puisque le paquebot devient l’attraction en lui-même et comme le resort, il s’oriente vers le tourisme global et le tournant récréatif. Trois grands opérateurs mondiaux ont leur siège à Miami : Carnival, RCCL (Royal Caribbean Cruises Lines) et Disney Cruise. Ils ont aménagé dans l’aire métropolitaine les plus grands ports de croisière du monde : l’un, Port of Miami, aujourd’hui image iconique de la métropole, entre South Beach et Downtown est parfaitement visible au sud de l’image sur le littoral atlantique. Le second visible aussi sur la photographie est Port Everglades, situé dans le prolongement de l’aéroport international de Fort Lauderdale-Hollywood. L’un et l’autre reçoivent plus de 4 millions de croisiéristes annuellement. Un troisième se développe au nord de la métropole à Port Canaveral.

Resorts et croisières participent du même « être touristique ». Plus que l’authenticité d’objets ou de lieux, c’est l’authenticité existentielle qui est recherché, surtout l’entre-soi et l’hédonisme.
 
Une région construite sur l’évitement, la ségrégation, la distance, la fermeture et l’entre-soi

La Floride dépasse depuis longtemps le cadre restreint de la définition du tourisme de l’OMT, l’Organisation Mondiale du Tourisme. Le déplacement, le « hors quotidien », la saisonnalité, la balnéarité (3 S – sable, soleil et plage, les 5 S avec le « sexe » et le shopping) nourrissent toujours les flux et les imaginaires touristiques mais de nouvelles dynamiques se renforcent autour des polyrésidents, des retraités ou jeunes seniors, des migrants temporaires … La Floride se nourrit et se construit de la multiplication des flux et des mobilités.

Cette dynamique s’inscrit comme une permanence dans l’histoire de l’Etat et de Miami. En effet, dès l’origine et surtout après les émeutes raciales des années 1960, l’urbanisme est pensé comme « distance » pour s’éloigner des communautés ethniques perçues comme dangereuses. Tout le nord de l’aire métropolitaine au-delà du comté de Miami-Dade est né de cet évitement. Cette suite de stations balnéaires de North Miami à Palm Beach Garden, qui se sont aujourd’hui rejointes, correspondent aux mêmes modèles touristiques et spatiaux.

Le professeur J. Nijman de l’Université de Miami a cherché à la caractériser. Fort Lauderdale illustre parfaitement sa définition. L’habiter touristique, dans le prolongement des lidos occupés par les resorts et les condominiums, est construit sur la privatisation de l’espace, l’eau ou la route servant de barrières. Souvent théâtralisé et patrimonialisé dans le style hispanico-méditerranéen, l’habitat, associé sur le littoral à une marina, s’insère dans une communauté fermée, une gated community, organisée à partir de plusieurs zonages (comme l’âge, les revenus, l’ethnie …). Chaque communauté s’autogère et cherche à se soustraire au reste de la ville. Elle associe aussi, dans le cadre du tournant récréatif, des recreation center qui regroupent toute une série de services et d’activités réservés aux membres de la communauté comme les restaurants, les golfs, les commerces. Elle n’est alors reliée à l’ensemble urbain que par une voie rapide dont l’accès est contrôlé. Ainsi, après le littoral, tout Boca Raton est organisé selon ce modèle. L’autoroute 95 traverse la ville du Nord au Sud. Elle permet l’accès à un aéroport, à deux universités, à plusieurs malls et espaces commerciaux. Le reste est couvert de quartiers résidentiels à l’est de l'autoroute et de communautés fermées à l’ouest.

Ce modèle urbain, développé pour et par le tourisme et/ou le divertissement donne naissance à un urbanisme fragmenté, sans centralité, une mosaïque de quartiers fermés et ségrégués racialement et socialement.

La naissance d’un corridor urbain et touristique

Le sud de l’aire métropolitaine est à part tant il est marqué par l’hispanité et la latinité. Cette situation a contribué et amplifie encore l’urban sprawl, l’étalement urbain, si caractéristique des métropoles nord-américaines.

Sur la façade atlantique, dans le prolongement de la ville originelle et autour des anciennes stations balnéaires mais aussi de plus en plus dans les intérieurs, l’urbain s’étale quasiment en dehors de toute limite spatiale et consomme littéralement les terres agricoles ou les espaces protégés. Ce n’est plus une suburb, puisqu’il n'y a pas un centre concentrant les emplois et les déplacements quotidiens. C’est une exurb, c’est-à-dire un étalement urbain, polycentrique, orchestré par des acteurs privés, qui suit les routes et les autoroutes, pour créer sans ordre apparent des centres commerciaux - des malls - des edge cities (nouveaux espaces d’emplois), des condominiums, des communautés fermées, des lotissements résidentiels, le tout au milieu de fragments d’espaces naturels. C’est un espace totalement désordonné, sans centralité visible, où la coprésence est forcément très réduite. Spatialités et temporalités sont ici disjointes tant l’organisation spatiale favorise la distance et l’entre-soi.

Tout le littoral au-delà du lido dédié aux resorts est occupé par un corridor urbain et touristique depuis South Beach à Miami, Fort Lauderdale au centre jusqu’à Palm Beach au Nord. Le peuplement est majoritairement caucasien, âgé, originaire du nord-est. L’habitat est à la fois temporaire et permanent. Les formes les plus avancées de ce nouvel urbanisme se situent aux environs d’Orlando avec par exemple The Villages, ville de 115.000 habitants, communauté fermée pour les plus de 55 ans uniquement. Ainsi partout l’espace est monofonctionnel et sécurisé.

Urban sprawl, exurb et edge city caractérisent l’organisation spatiale et urbaine construite par la rencontre entre des flux touristiques et migratoires au contact d’acteurs privés privilégiant la spéculation. Devenu modèle, cette « fabrique » de la ville se retrouve aujourd’hui à Dubaï ou à Hainan en Chine.

De puissantes dynamiques recomposent cet espace


Le modèle urbain construit en Floride est par nature prédateur pour l’espace et les ressources. Il favorise des concurrences, des conflits, des inégalités sociospatiales mais aussi l’affirmation de nombreux d’acteurs qui cherchent à promouvoir et à communautariser l’espace.

Concurrences, conflits d’usage, régulations et protections

L’acteur public est depuis l’origine quasiment absent face à un urbanisme extrêmement consommateur et artificialisant. L’espace autour de Miami est pourtant largement protégé comme le montre l’ampleur du vert sur l’image satellite. Plusieurs acteurs s’en chargent : l’Etat fédéral dans le Parc National des Everglades, classé patrimoine mondial de l’humanité, à l’extrémité sud de la Floride, protège plus de 6000 km² tout en l’ouvrant en partie au tourisme, avec 1,2 millions de visiteurs en 2019. Dans son prolongement, l’Etat de Floride a créé plusieurs réserves naturelles : le Big Cypress National Preserve sur 2900 km² qui doit son nom aux cyprès des marais, le Everglades and Francis S. Taylor Wildlife. D’autres acteurs, locaux mais aussi privés, participent à la conservation de cet espace central. Plus au nord, les eaux du lac Okeechobee ont été drainées pour permettre la mise en culture de plus de 300 000 hectares parfaitement visibles sur l’image satellite par le dense semis de champs ouverts à l’ouest de Palm Beach. C’est essentiellement une culture sucrière appartenant à de grandes entreprises qui occupe cet espace.

Face à l’étalement urbain massif depuis les années 1970, l’Etat de Floride a voté des lois promouvant des UDB - Urban Development Boundary qui cherchent à fixer une limite à l’étalement. Comme le montre l’image satellite, particulièrement au sud de l’aire urbaine de Miami ou au centre, l’exurb continue de grignoter des terres en direction des keys et des réserves naturelles. L’acteur public, historiquement impuissant, ne parvient pas à limiter l’étalement alors que les enjeux environnementaux sont multiples : disparition ou assèchement des marais qui contribuent à réduire la ressource en eau douce, construction de digues pour protéger les lidos ce qui renforce les risques lors des ouragans, surexploitation des nappes phréatiques, salinisation des eaux dans le parc des Everglades ...

Miami et la Floride doivent intégrer la durabilité alors que les concurrences spatiales et les conflits d’usage vont se multiplier avec un acteur public historiquement en retrait.

Renforcement des inégalités sociospatiales et stratégies d’acteur

Miami s’est développée au travers de booms et de bursts autour de l’immobilier et des réseaux extraterritoriaux du tourisme, de la finance et des illégalismes. Ce modèle de développement produit forcément de l’exclusion et de la ségrégation. L’Etat n’y est pas étranger dans ses tentatives de planification autour des Colored town dans les années 1950 notamment Coconut Grove, quartier situé au sud de Downtown à Miami, prévu pour la communauté noire.

Ce modèle hérité se poursuit aujourd’hui dans l’organisation spatiale de Miami. Le nord du comté de Miami-Dade est majoritairement noir à partir de Little Haïti en direction de West Little River et de North Miami. Ici, les néo immigrants pauvres originaires d’Haïti ou des Caraïbes reproduisent le cadre ségrégrationnel hérité. Ils ne se confrontent pas aux caucasiens, devenus une minorité mais à la majorité hispanique et surtout cubaine. L’insertion est d’abord ethnique et familiale, les activités informelles et les illégalismes étant le premier moyen d’intégration des nouveaux arrivants. La strate urbaine n’est pourtant pas forcément figée. Une partie de la population a quitté Little Haïti pour acquérir une résidence dans une « ethnoburb » au nord et à l’est de la métropole. Little Haïti est aujourd’hui inscrit dans le front de gentrification. L’arrivée dans l’exurb des classes moyennes noires est une marque symbolique de l’intégration mais elle perpétue pour autant la ségrégation. En se déplaçant vers le nord-ouest à l’intérieur des terres, l’éloignement soumet aux congestions routières liées à la saturation du système autoroutier de l’aire métropolitaine et enferme dans d’autres enclaves ethniques en produisant une différenciation au sein de la même communauté.

Le même processus se retrouve pour les hispaniques, surtout cubains, présents dans le sud et l’ouest de l’aire métropolitaine, l’aéroport de Miami et les autoroutes 112 et 195 servant ici de frontières. Dès les années 1960, ils se sont implantés dans des Cookie Cutter Houses, des villes clones, alignement de pavillons identiques très présents de Little Havana à Coral Way. La classe moyenne naissante a rapidement migré vers les exurbs hispaniques au sud-ouest et aujourd’hui vers l’ouest dans d’immenses complexes résidentiels. Les populations hispaniques restées dans le centre paupérisé, voient s’implanter des condominiums qui remplacent les anciens logements communautaires. La proximité du centre-ville, de South Beach et du littoral poussent à la gentrification de cet espace, financée par l’élite d’origine cubaine. De jeunes Cubains s’y installent pour se rapprocher de la centralité mais les échanges, en somme la coprésence, avec les populations hispaniques présentes sont quasiment inexistants.

Le modèle urbain se recompose en intégrant les minorités ethniques, qui tout en conservant un fort attachement, une identité communautaire pour certains quartiers de la ville, lieu d’appropriation, renouvellent et renforcent les inégalités sociospatiales, la fermeture et l’enclavement au sein du retranchement communautaire.

Miami : l’affirmation d’une centralité métropolitaine, un CTD - Central Tourist District

Les dynamiques actuelles continuent aussi, comme dans la plupart des métropoles touristiques, à renouveler l’hypercentre. Depuis l’aéroport international de Miami, entre les autoroutes 836 et 112/195, s’affirme un CTD, un Central Tourist District. En effet, Miami Beach, sur le lido, devient un haut lieu du tourisme mondialisé associant resorts, condominiums et villas sur les îles privatives dans la lagune. Celui-ci héberge aussi le Port de croisière de Miami. Sur le littoral continental, une skyline s’est constituée sur tout le front d’eau. Cette « forêt de gratte-ciels » associe des immeubles de bureaux, des hôtels, des condominiums et de nombreux équipements culturels comme des musées, des salles de spectacles … Ici émerge un quartier dévolu au divertissement et aux affaires en regroupant de nombreux équipements touristiques. L’échelle change pour ce littoral : les acteurs de la mondialisation s’immiscent et recomposent le quartier en le gentrifiant très rapidement. Le processus se diffuse vers Little Havana et Little Haïti anciens « refuges communautaires » en créant des quartiers comme le Design District.

L’hypercentre a reçu en 2014 plus de 14 millions de touristes venant « seulement » pour moitié des Etats-Unis, d’Europe (un million) mais surtout d’Amérique latine, notamment du Brésil (5 millions). Les fréquentations sont ici très différentes du reste de l’Etat et de l’aire métropolitaine tout comme les pratiques. C’est une clientèle aisée qui vient se divertir, faire du shopping, montrer sa réussite sociale et souvent acheter un « pied à terre » dans les condominiums littoraux. La pression foncière est donc forte ce qui explique la « conquête » d’autres quartiers péricentraux paupérisés. Ainsi, Design district, au nord de l’autoroute 195, était un quartier d’entrepôts délabrés de Little Haïti. La proximité avec l’Institut d’Art contemporain de Miami a permis la rénovation et la réhabilitation du quartier par l’installation de boutiques de meubles, de galeries d’art, de boutiques de mode … Processus classique de gentrification qui fait « déguerpir » les anciens occupants paupérisés. En fait, tout le front d’eau de la centralité intègre une autre échelle, celle de la mondialisation, et se sépare du reste de l’aire métropolitaine. Haut lieu du tourisme gay, de la jet-set, de l’art contemporain … c’est une enclave qui s’ajoute à une multitude.




Zooms d’étude

Zoom 1. Les Keys, un ancien Eden touristique tropical


Les Keys forment un archipel sur environ 150 kilomètres au sud de Miami Beach, exactement depuis Virginia Key jusqu’à Key West à l’extrémité sud-ouest. C’est donc plus de 1.700 îles et îlots coralliens qui s’étirent au sud de l’aire métropolitaine de Miami. L’image satellite ne montre que la partie nord des récifs, Upper Keys et Middle Keys. La mise en tourisme de cet espace est ancienne puisqu’elle débute avec la construction d’une ligne de chemin de fer, l’Overseas Railroad en 1912 (détruite en 1935 par un ouragan) et elle se renforce par le raccordement routier avec la route US-1 après 1926. C’est encore elle aujourd’hui qui relie Miami à cette ceinture d’îles touristiques. Elle est visible à l’extrémité sud de l’image par le remarquable pont Seven Mile Bridge.

Couvrant 355 km² et peuplés d’environ 75.000 habitants, les keys supportent donc une densité de peuplement relativement élevée – 223 habitants au km² - d’autant plus que l’habitat est souvent résidentiel et pavillonnaire. La population croit pourtant faiblement. Le tourisme et ses pratiques ont saturé les îles coralliennes dont une partie est cependant protégée dans différents parcs comme le Biscayne National Park au nord et le John Pennekamp Coral Reef State Park. La richesse de la faune et de la flore explique l’attrait touristique. En effet, les keys abritent plusieurs centaines d’espèces de poissons, une quarantaine d’espèces de coraux ; l’ensemble étant protégé mais ouvert au tourisme dans les parcs sous-marins. La pêche en haute mer, la plongée sous-marine, la plaisance sont au cœur des pratiques touristiques de l’archipel.

Key Largo, la plus grande île au nord des Keys, est visible sur l’image par le tracé de l’US 1 entre Florida City au sud de l’aire métropolitaine de Miami et l’archipel. L’autoroute fait ici un angle à 90° pour poursuivre vers le sud-ouest. Tout le nord, reconnaissable à la couleur verte sur la photographie satellite, est protégé hormis Ocean Reef, communauté fermée de grand luxe disposant d’un aérodrome. Key Largo est saturé sur toute sa longueur de quartiers pavillonnaires organisés le long de l’axe routier. Quelques-uns offrent un accès direct à un ponton et à des canaux mais une grande partie ressemble à un alignement de maisons individuelles. Quelques hôtels et resorts occupent le littoral mais ils sont peu nombreux, puisque Kay Largo n’en compte que trois. C’est donc une occupation plutôt disparate entre des quartiers de classes moyennes en partie noires et hispaniques, des quartiers résidentiels et des condominiums aux plus proches des canaux et quelques resorts.

C’est l’extrême sud, Key West, qui cumule antériorité touristique, image iconique et clientèles aisées. Pourtant, les territoires caribéens, notamment Nassau aux Bahamas, sont plus dynamiques et prospères. Ce modèle touristique, associant l’insularité et la tropicalité, s’est diffusé au-delà de la Floride.


Repères géographiques

Zoom 2. Le Parc National des Everglades, une aire protégée en danger


Entre le lac Okeechobee au nord (hors image) et ses champs sucriers et les Keys au sud, l’image satellite montre un immense “vide” qui tranche nettement avec le corridor urbain de l’aire métropolitaine de Miami. C’est le Parc National des Everglades. Créé en 1947, reconnu réserve de biosphère en 1976 et patrimoine mondial de l’humanité en 1979, il s’étend sur plus de 6.000 km2 sur tout le sud de la Floride. C’est un exemple de la gestion d’un espace naturel protégé en lien avec le tourisme dans le cadre du conservationnisme ; c’est-à-dire que l’usage de la nature est régulé et contrôlé mais des activités touristiques durables sont permises tout en étant concentrées et limitées à quelques lieux.

Le parc se caractérise par un écosystème fragile et unique pour l’Amérique du Nord. Dans un climat subtropical où alternent saison sèche, de novembre à avril, et saison humide, cette région associe un vaste ensemble marécageux et la plus grande mangrove du continent américain. Le fleuve Kissimmee et le lac Okeechobee alimentent un système mouvant de rivières et de marécages qui s’écoulent en direction du sud et de la baie de Floride. Le Parc héberge aussi une faune et une flore remarquables comme les cyprès ou la pinède des Everglades. La mangrove, une forêt qui pousse dans les eaux saumâtres, héberge aussi un grand nombre d’espèces animales endémiques.

Écosystème fragile, permettant de limiter l’érosion et les ouragans, le parc national est très largement interdit. L’unique entrée, du côté de Miami, se situe vers Florida City au sud de l’aire métropolitaine. Une seule route donne accès à différentes pratiques touristiques encadrées : le trail, le pique-nique, le camping et le bivouac. Le Flamingo Visitor Center, à l’extrémité sud de l’image satellite, situé au terminus de la route, offre une marina, des hébergements, de la restauration et donne accès à des sentiers qui permettent de relier les camps de bivouac autorisés par l'administration du parc. D’autres activités sont possibles mais elles se situent sur le littoral occidental en dehors de l’image satellite.

La fréquentation touristique est surtout concentrée durant la saison sèche. Avec 1,2 million de visiteurs, dont seulement 40.000 y séjournent une nuit, le parc des Everglades s’inscrit dans les complémentarités touristiques de Miami. La protection n’empêche pas une rapide dégradation du parc. Le tourisme en est indirectement le responsable. En effet, c’est la forte croissance urbaine et l’étalement qui entraîne une rapide dégradation de cet espace naturel. La consommation d’eau de l’aire métropolitaine de Miami repose sur la « réserve des Everglades ». Des centaines de kilomètres de digues et des stations de pompages assèchent progressivement les marais. Les écosystèmes en sont les premières victimes. L’implantation d’usines de dessalement dans la métropole limite les ponctions mais les niveaux de consommation sont tels que le Parc des Everglades est durablement en danger.


Repères géographiques

Zoom 3. Miami Beach et Downtown, le CTD - Central Tourist District de l’aire métropolitaine


L’hypercentre de l’aire métropolitaine de Miami est borné sur l’image satellite par les axes de communication, autoroutes à multiples voies, qui l’encadrent. La 95, d’orientation nord – sud sépare la centralité de Little Havana et du quartier hispanique d’Allapattah, les deux faisant le lien avec l’aéroport international de Miami. Trois axes transversaux, la 195 au nord, l’A1A et la 913 au sud relient le littoral à Miami Beach au-dessus de la Baie de Biscayne. L’hypercentre de Miami est finalement très réduit : environ 8 kilomètres du Nord au sud et d’Est en Ouest.

Plusieurs îles émergent dans la baie de Biscayne : celle au sud, Virginia Key, est dévolue à la fonction portuaire (entrepôts pétroliers) alors que « l’archipel » au centre, traversé par l’autoroute A1A regroupe Dodge Island, le port de croisière de Miami, reconnaissable à sa longue file de paquebots à quai (plus de 4 millions de croisiéristes par an) et plusieurs îles artificielles comme Fischer Island, Venetian Island et Star, Palm et Hibiscus Islands. La première est totalement occupée par des condominiums de grand luxe alors que toutes les autres sont couvertes de villas donnant accès à un ponton. C’est ici le domaine de l’extrême richesse.

Au-delà, Miami Beach est entièrement orientée vers le tourisme. Occupant tout le front d’eau océanique, elle associe tous les lieux iconiques de la ville : South Beach au sud avec Ocean Drive et le quartier Art Déco, Flamingo-Lumnus connue pour son quartier gay, SoBe, ainsi que des grands hôtels patrimonialisés. Tout le pourtour littoral est couvert d’immeubles, d’hôtels ou de condominiums alors que l’intérieur qui suit un plan orthogonal classique, est plus bas et en grande partie dévolu aux commerces. Une plage, sur la façade océanique, s’étire sur toute la longueur de l’île. Pourtant à partir de Mid Beach, la double spatialité du tourisme, présente sur tout le littoral de la Floride, se retrouve : une étroite bande littorale est entièrement occupée par des immeubles élevés, resorts ou condominiums, donnant directement sur la plage et une avenue alors qu’au-delà d’Indian Creek, un canal, villas et résidences donnant accès à une route ou à un ponton deviennent la norme.

De l’autre côté de la baie, tout le front de mer s’est couvert de gratte-ciels, pour beaucoup relativement récents, qui forment la skyline de la métropole. Au sud, Brickell est le CBD (Central Business District) originel de la cité. Il héberge les activités financières qui font de Miami une métropole mondiale. Au large à Brickell Key et au nord de Downtown à Edgewater, d’autres gratte-ciels sont construits cette fois comme condominiums et ils occupent tout le littoral jusqu’à l’autoroute 195. Divers équipements de loisirs et de congrès complètent le littoral comme l’American Airlines Arena, le Bayside Marketplace, le musée des arts, le musée des sciences … Miami comme toutes les métropoles touristiques construit son développement économique sur l’articulation des loisirs, des divertissements, des salons et congrès, des affaires … pour une population mondialisée et aisée qui y dispose souvent d’un logement.

La centralité conquiert de nouveaux quartiers dans son prolongement en les gentrifiant et en les patrimonialisant notamment à Little Haïti ou Little Havana.



Repères géographiques

Zoom 4. Little Havana et Kendall, la Miami cubaine


Au sud de la rivière et à l’ouest de l’autoroute 195, Miami devient cubaine et en partie aujourd’hui latino-américaine. Fuyant le castrisme et la révolution à partir de 1959 et de 1961, les flux migratoires, en partie clandestins, ne se sont jamais taris. La diaspora cubaine compte plus d’un million de membres à Miami. Historiquement, elle s’est installée dans le quartier de Little Havana entre l’hypercentre et l’aéroport international. Tous les quartiers autour notamment Allapattah, Coral way, Westflager sont totalement hispaniques. Le recensement montre des taux de population hispaniques dépassant 90 % et souvent 95 %.

Little Havana est un quartier classique de l’urbanisme floridien. Dans le cadre d’un plan orthogonal, suivant de longues rues et avenues parfaitement droites, l’habitat rectiligne, de petits pavillons identiques, se diffuse vers l’intérieur. C’est un ensemble plutôt pauvre avec les MIH de 35 000 $ environ, qui offre finalement peu d’espaces publics et/ou communautaires. Dans cette marée pavillonnaire, seul le quartier de Coral Gables, une edge city de l’aire métropolitaine, offre une relative centralité.

 L’espace cubain de la métropole connaît de profondes dynamiques sociales et spatiales. Il est en partie relié à celui de Kendall au sud-ouest proche des limites occidentales de l’étalement urbain. Ce quartier est aussi emblématique de l’histoire et de l’urbanisme de Miami. Terres agricoles à l’origine, il devient réserve dans les années 1950 pour les Indiens Séminoles avant d’être occupé par des Tin Canners - des caravanes - pour les populations hispaniques pauvres. Peuplé d’environ 90 000 habitants en 1990, il est ravagé par un ouragan en 1992 et en partie abandonné. C’est l’occasion pour la communauté cubaine mais aussi colombienne et péruvienne de construire d’immenses complexes résidentiels à Kendall West et Kendall Lake.

Ainsi, au-delà de l’université internationale de Floride et de la Ronald Reagan Turnpike, au sud-ouest de l’aéroport, les classes moyennes et supérieures cubaines et latinos ont investi et aménagé de vastes communautés fermées reprenant le modèle commun à la Floride. Le taux de population hispanique est ici supérieur à 90 %. Une partie du peuplement de Little Havana du centre s’est construit un second refuge communautaire en adaptant les marques de la réussite sociale de la société d’accueil. Le MHI est ici proche de 70 000 $.

Déplacement ne veut pas dire abandon du premier refuge communautaire. Little Havana fait partie de l’identité, des imaginaires et du patrimoine des Cubains de Miami. Le quartier est aujourd’hui à la fois gentrifié et patrimonialisé. Patrimonialisé parce qu’il s’insère dans les dynamiques touristiques de l’hypercentre comme un quartier ethnique, « coloré » et commerçant. Gentrifié parce que la communauté cubaine y investit - plus d’un milliard de dollars sur une décennie - pour rénover et réhabiliter les Cookie cutter houses pour en faire des lofts, des résidences qui séduisent une jeunesse latino qui cherche à vivre proche du centre.

Les Cubains à leur tour façonnent la métropole en intégrant les logiques du modèle floridien. Les inégalités ne sont pas avec les caucasiens mais entre les hispaniques, aujourd’hui nettement majoritaires puisqu’ils constituent les deux tiers des habitants du Comté de Miami-Dade.


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Zoom 5. Fort Lauderdale, une seconde centralité métropolitaine


Distante d’une quarantaine de kilomètres de l’hypercentre de Miami, Fort-Lauderdale s’affirme comme une seconde centralité dans la métropole. L’image satellite présente l’embouchure de la Stranahan River, une brèche dans l’immense plage qui s’étend depuis Miami Beach.

Elle donne accès à deux équipements majeurs essentiels pour l’économie de la Floride : Port Everglades, second port de croisière de la métropole à peu près aussi important que celui de Miami et l’aéroport international de Fort Lauderdale-Hollywood. C’est le second aéroport de l’aire métropolitaine après Miami et le troisième de la Floride après celui d’Orlando, avec environ 35 millions de passagers. Les compagnies low cost représentent environ 70 % des vols provenant du nord-est des Etats-Unis. Les deux équipements témoignent de la vocation touristique de ce territoire.

Le dispositif urbain est quasiment le même que dans l’ensemble du corridor touristique et urbain. L’image montre une longue plage qui s’étend vers le nord où se retrouvent des resorts et des condominiums autour de Fort-Lauderdale Beach. La rivière Stranahan se prolonge dans la New River. Celle-ci, canalisée, permet l’existence d’un immense quartier résidentiel de villas et de marinas visibles sur la photographie satellite. Couvrant plus de 6 kilomètres carrés entre Seven Isles et Lauderdale Harbours, elle laisse place dans l’intérieur à une edge city, emblématique du polycentrisme, nouvelle forêt de gratte-ciels mais moins étendue proche de l’autoroute 95. C’est encore une ville majoritairement caucasienne qui laisse rapidement place à des quartiers pavillonnaires hispaniques au centre et afro-américains au nord.

Fort Lauderdale d’est en ouest est caractéristique de l’organisation spatiale du sud de la Floride. Une plage couverte de resorts est associée à de vastes ensembles pavillonnaires touristiques construits le long de canaux pour offrir à chaque villa – résidence un accès à l’eau. Un aéroport et un port de croisière assurent la connectivité ici essentiellement avec le reste des Etats-Unis et dans une moindre mesure avec l’espace Caraïbe. Une skyline, relativement réduite, edge city, assure les fonctions de la centralité. Elle est toujours proche des axes majeurs de communication nord – sud. Le reste dans l’intérieur est composé de vastes quartiers ethniques, noirs et/ou hispaniques ainsi que de zones d’activités puisque la ville héberge plus de 100.000 emplois manufacturiers notamment dans les nouvelles technologies. Vers l’intérieur, au croisement des autoroutes 75 et 595, de vastes communautés fermées continuent de s’étaler dans l’espace rural et/ou protégé.


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Zoom 6.  Boca Raton, modèle du new urbanism


Boca Raton est une commune du nord de l’aire métropolitaine située entre Fort Lauderdale et Palm Beach. Peuplée d’environ 100 000 habitants, la ville a connu une croissance remarquable depuis les années 1960, date à laquelle elle comptait encore moins de 7000 habitants. La croissance se poursuit fortement : 18 % entre 2010 et 2019.

Boca Raton est une station touristique devenue ville. Le littoral est constitué d’un lido offrant une longue plage donnant sur l’Atlantique. Le front de mer est occupé par des condominiums, immeubles souvent massifs et élevés, proposant de vastes appartements pour une clientèle très aisée. C’est le cas par exemple du Presidential Place Condominium. Datant des années 1990, les « condos » se vendent pour plusieurs millions de dollars. A l’inverse, les resorts sont quasiment absents. Au-delà, l’entrée de Baco Raton Inlet raccorde l’océan à toute une série de lacs qui séparent le lido du littoral. La lac Boca Raton, le lac Wyman, le lac Rogers sont reliés par des canaux dont une partie est protégé. Le reste est occupé par des villas de luxe donnant sur des canaux et des pontons.

La voie rapide US-1 est une première césure dans l’urbanisme. En direction de Fort Lauderdale, elle traverse l’espace du nord vers le sud et concentre les commerces et les rares espaces publics. L’autoroute 95 forme une seconde rupture. Autour de quatre échangeurs autoroutiers, elle donne accès à un aérodrome, à un campus universitaire – Florida Atlantic University – et des parcs d’activités orientés vers les nouvelles technologies comme le Boca Raton Innovation Campus. Plus au sud, l’axe de communication donne accès à des malls construits à proximité des bretelles d’autoroutes.

Le reste de l’espace de la ville, à l’ouest de l’autoroute 95, est totalement occupé par des communautés fermées qui s’étalent en dehors des limites communales vers l’ouest. Ceinturées par des routes, qui servent de frontières et de barrières, les gated communities sont gérées par des sociétés immobilières comme la Gables Residential ou la Lang Reality. Elles proposent de nombreuses communautés fermées en Floride dont celles de Boca Raton et mettent en avant dans leurs communications les spécificités attendues par la clientèle : les activités et les services offerts au sein du quartier fermé, les caractéristiques des habitants (âge, ethnie …), le country club, les possibilités de revente et de plus-values … Lang Reality propose ainsi une dizaine de communautés fermées à Baco Raton et autour, depuis les résidences construites autour des canaux dans le quartier de Gulf Stream jusqu’aux gigantesques quartiers bâtis autour de deux golfs à l’ouest de la ville : Woodflied Golf Club et St Andrews Golf Club.

De nombreuses communautés fermées sont adults only (+ 55 ans). Boca Raton est une ville caucasienne (80 % de la population), âgée, et riche. Le MHI - Medium House Income dépasse les 70 000 $. Boca Raton héberge trois des plus chères communautés fermées des États-Unis dont le Royal Palm and country club situé au sud de la ville à proximité Baco Raton Inlet classé selon le magazine Forbes comme la gated community la plus chère du pays.  

Boca Raton est emblématique du new urbanism : une exurb sans centralité apparente qui associe des autoroutes, des malls, des parcs d’activités, des condos, des villes et surtout des communautés fermées. L’ensemble, fermé et sécurisé, incarne la fragmentation urbaine, une ville de « clubs » disjoints sans réel espace public.


6A. Boca Raton


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D’autres ressources

Statistiques

Statistiques du tourisme en Floride, https://www.visitflorida.org/resources/research/, 2020.

Statistique démographique et économique des Etats-Unis,
https://data.census.gov/cedsci/profile?g=0400000US12&q=Florida

Statistique sur les comtés, les MSA et les CMSA de Floride.
http://proximityone.com/metros2013.htm#table

Bibliographie

Cédric Audebert, Les stratégies spatiales de la population haïtienne à Miami, article de la revue Echogéo, 2007.
https://journals.openedition.org/echogeo/1615

Violaine Jolivet, Miami, ville modèle de quelle Amérique ? Article paru dans Géographie, Développement et Sociétés, 2012 (pp. 127 à 146)
https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2012-2-page-127...

Violaine Jolivet, Miami la Cubaine, Pouvoir et circulation dans une ville carrefour des Amériques, thèse de Géographie, 2010.
https://journals.openedition.org/cdg/2918?lang=en

Equipe MIT, Tourismes 2, Moments de lieux, 2005. Chapitre VII, Waikiki, Floride, Juans-les-Pins : l’invention du chaud pp. 125 à 133.

Auvray Bénédicte, l’enclave touristique, déclinaison exotique de la communauté fermée, Urbia, les cahiers du développement durable, Université de Lausanne, 2012.
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00716485/document

Un blog facile d’accès présentant les formes de l’urbanisme en Floride
http://lollitop.blogspot.com/2010/11/human-landscapes-in-sw-florida_27.html

Carte de la ségrégation ethnique aux Etats-Unis, particulièrement dans les métropoles
https://www.nytimes.com/interactive/2015/07/08/us/census-race-map.html?_r=0

SIG des espaces protégés en Floride
https://www.fnai.org/webmaps/ConLandsMap/

Contributeur

Jean-François ARNAL, agrégé d’Histoire-Géographie, Lycée International de Ferney-Voltaire, Université Lyon III.

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