Pandémie de coronavirus et la fermeture des frontières terrestres communautaires : le cas de la Hongrie/ Autriche

Face aux progrès de la diffusion du coronavirus en Europe, l’ensemble des Etats du continent se barricadent. Entre le 9 et le 25 mars 2020, l’ensemble des frontières aériennes et terrestres se ferment plus ou moins brutalement, mettant fin au dogme de la libre-circulation des hommes et des marchandises. A la crise sanitaire s’ajoute un crise économique et sociale aigüe du fait de la profonde désorganisation de systèmes productifs très intégrés sur des bases continentales.

Un poste frontière et tous ses symboles et attributs sur un axe continental


Nous sommes ici sur un des grands axes terrestres européens : l’autoroute A4/M1, ou l’Ost Autobahn en allemand. Sur la vallée du Danube qui sert de colonne vertébrale à cette partie de l’Europe médiane, elle relie Vienne, la capitale de l’Autriche, à Budapest, la capitale de la Hongrie. Et au delà, l’Allemagne, le Benelux et le Royaume-Uni d’un côté à la Roumanie, à la Bulgarie et au Balkans de l’autre.

Même si les deux Etats appartiennent à l’Union européenne, la frontière entre les deux pays demeure marquée par un important poste frontière entre les villages de Nickelsdorf et Hegyeshalom. On reconnaît bien sur l’image satellite les infrastructures organisant le passage d’une frontière. Le poste frontière commun placé un peu en retrait du tracé frontalier, du côté hongrois, qui permet de contrôler les passagers et les véhicules. Les postes de la douane et de la police des frontières du côté autrichien avec un pôle pour l’entrée et l’autre pour la sortie, dotés de vastes parkings pour le stationnement des véhicules au repos ou à l’attente. 

Ces équipements régaliens sont les symboles et les moyens du contrôle physique de l’entrée sur son territoire des hommes et des marchandises par un Etat souverain. Ils sont complétés par une série d’équipements privés qui concourent à la mobilité géographique des hommes et des marchandises. On trouve en particulier du côté autrichien le système bipolaire classique sur un axe autoroutier des stations essences jumelles qui offrent carburants et services annexes.  On trouve du côté hongrois un ensemble de restaurants, hôtels et motels. La localisation de ces équipements s’explique par la rupture dans le déplacement ou le voyage que représente le passage de la frontière. Leur présence s’appuie aussi sur la valorisation de la rente frontalière qui permet dans un espace conjoint mais unique de jouer de nombreux différentiels monétaires, fiscaux ou sociaux.     

La crise du Coronavirus et la fermeture du poste frontière hongrois

Image acquise par un satellite Pléiades du 27 mars 2020 [image distribuée à l'occasion du concours de script personnalisé COVID-19]


Repères géographiques


Prise le 27 mars 2020, cette image satellite témoigne de la longue file de centaines de poids lourds qui attendent du côté autrichien pour entrer en Hongrie. On les distingue bien des voitures, qui sont bien plus petites sur l’image et bien moins nombreuses.

En effet, le lundi 16 mars 2020, Viktor Orban, le 1er Ministre national-conservateur, a proclamé la fermeture des frontières et l’interdiction à tous les étrangers, y compris les citoyens de l’Union européenne, de rentrer en Hongrie. Mise en application en quelques heures seulement, cette décision a bloqué à ce poste frontalier des milliers de travailleurs roumains, bulgares ou serbes. Travaillant en Europe de l’Ouest, ils souhaitent rentrer en catastrophe chez eux après avoir été brutalement mis au chômage et licenciés du fait de la crise économique liée du coronavirus.

Du fait de la fermeture de la frontière hongroise, ils ont dû attendre des dizaines d’heures alors qu’une colonne de plus de 30 km de voitures s’était formée du côté autrichien. Face à la montée de la tension localement et à la suite de négociations intergouvernementales entre les gouvernements d’Europe de l’Est, la frontière a été ouverte durant quelques heures. Mais comme on le constate dix jours après la situation demeure très difficile et tendue.  

Une Union européenne totalement fragmentée et paralysée

Si les effets des décisions hongroises sont spectaculaires du fait de la position centrale du pays entre Europe occidentale et Europe orientale, de nombreux autres Etats ont pris des décisions proches, voire similaires. Au total, chaque gouvernement a pris ses décisions en tenant uniquement compte de sa situation nationale et sans aucune concertation avec les Etats voisins, y compris dans l’espace Schengen. Tel l’effondrement d’un château de cartes, le tout a abouti en moins d’un mois à un espace communautaire totalement fragmenté et paralysé.

En Europe centrale, la proximité avec le grand foyer pandémique italien a joué un rôle majeur. Dès le 9 mars 2020, la Pologne instaure un « contrôle sanitaire » aux frontières avec l’Allemagne et la République tchèque ; rapidement étendu à toutes ses frontières et à toutes les personnes entrantes. Le 11 mars, Autriche et Slovénie verrouillent leurs frontières avec l’Italie. Le 12 mars, la République tchèque ferme presque totalement ses frontières en interdisant l’entrée aux ressortissants de 15 Etats, immédiatement suivie par la Slovaquie voisine qui ferme ses frontières à tout étranger, sauf les Polonais voisins. Le 13 mars, Prague décide de fermer toutes ses frontières, sauf aux camions et aux travailleurs transfrontaliers afin d’assurer le fonctionnement de l’économie.  

Alors que le Danemark ferme son territoire à tout étranger le vendredi 13 mars 2020, le lundi 16 mars, l’Espagne et la Norvège ferment leurs frontières terrestres alors que l’Allemagne installe des contrôles aux frontières avec la France, l’Autriche, la Suisse, le Danemark et le Luxembourg. Le 17 mars 2020, l'Union européenne décide à l’échelle continentale d’une fermeture des frontières extérieures de l'Union pour une durée d’un mois, afin de lutter contre la propagation du coronavirus, alors que le Portugal et l’Estonie s’enferment à leur tour. Entre le 18 et le 25 mars, la Suisse a fermé progressivement ses frontières terrestres et aériennes, sauf pour les citoyens suisses et liechtensteinois, les résidents, les travailleurs et les « personnes en situation de nécessité absolue ».    
  

Contributeur

Laurent Carroué, Inspecteur général de l’Education nationale