La région du Grand Rabat : un espace en profondes mutations

Sur le littoral, la région du Grand Rabat est polarisée par la ville-doublet de Rabat-Salé organisée autour de l’embouchure du Bouregreg. Sous les effets cumulés d’une forte croissance démographique et urbaine, la région connaît de profondes mutations. A la croissance périurbaine répondent de grandes opérations d’urbanisme et d’aménagement au cœur même de l’agglomération et dans ses périphéries.

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Légende de l’image

Cette image l’agglomération de Rabat-Salé, capitale du Maroc bâtie sur les rives du fleuve Bouregreg et de l'océan Atlantique, a été prise 17 avril 2018 par un satellite Sentinel 2. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 20m. 

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Lieux repères

Présentation de l’image globale

L’image représente l’agglomération du Grand Rabat qui connait une croissance importante depuis l’indépendance. Elle appartient à la région administrative de Rabat-Salé-Kénitra qui accueille 4,6 millions d’habitants sur 18 200 km2, avec une densité moyenne de 252 hab/km2. La préfecture de Rabat, dont le territoire correspond à la ville de Rabat, représente 578 000 habitants sur 118,5 km2 (densité : 4 876 hab/km2). Pour sa part, la préfecture de Salé représente 1,1 millions d’habitants sur 672 km2 (densité : 1 637 hab/km2). 

L’expansion urbaine de l’agglomération s’effectue le long du littoral et des axes routiers qui dominent la vallée fluviale. Pour autant, les autorités marocaines ont limité cette expansion en dotant Rabat d’une ceinture verte en 1971 dont les traces sont encore visibles au sud-est entre le littoral et les champs cultivés. Cette ceinture verte a diminué en raison du mitage de cet espace par l’installation de résidences, d’un golf royal et d’axes routiers. Au nord du golf, les quartiers de villas d’Ambassadeur et de Souissi sont d’un blanc entremêlé de vert, tant les terrains y sont parfois importants. Ils sont en contraste avec les deux quartiers plus roses où le bâti est plus dense de Youssoufia et Hay Riad.

Une urbanisation continue au sud

Le long du littoral, au sud-est, se trouve la commune d’Haroura. Cette station balnéaire est elle aussi un lieu de résidence important pour des populations aisées venant travailler à Rabat. La nationale qui longe le littoral et relie Haroura à Rabat, est aujourd’hui l’objet de nombreux projets, dont des espaces de loisirs et de résidences. L’agglomération se tourne ainsi progressivement vers la mer, la couleur marron clair indique ces chantiers en cours de réalisation.

Au sud de cette ceinture verte, la ville de Témara s’est développée - avec plus de 300 000 habitants aujourd’hui - le long de l’autoroute vers Casablanca. Son étalement s’effectue sur les espaces agricoles. Les exploitations y sont de tailles modérées, car il s’agit de produits maraichers, de champs de céréales et de zones de pâturage. L’espace urbanisé de Témara et Rabat est de plus en plus jointif. Sa population appartient pour l’essentiel aux classes moyennes.

L’aménagement de la vallée du Bouregreg et la nouvelle ligne TGV

L’urbanisation le long de la vallée du Bouregreg dans une orientation nord-ouest/sud-est est moins dense. Beaucoup de grandes villas, dont certaines occupent des parcelles de plusieurs hectares, ont été construites. Cependant, l’espace agricole domine encore avec des exploitations de tailles variées. Sur le plateau dominant la vallée, les exploitations sont de taille moyenne alors que dans la vallée on observe de grandes exploitations bien mécanisées et profitant de ressources en eau importantes.

La vallée est modifiée par le développement d’axes routiers entre Rabat et Salé. Il y a désormais cinq ponts routiers et un pour les trains sur lequel passe la ligne TGV de 200 km Casablanca/Rabat/ Kénitra/ Larcahe/ Tanger inaugurée à l’automne 2018. Les nouveaux ponts permettent une meilleure circulation entre les deux villes. En effet, une large part du million d’habitants de Salé travaille ou étudie à Rabat.

L’espace du barrage en cours d’intégration

Le barrage, à l’est de la nouvelle rocade autoroutière, régule le fleuve et évite ainsi les inondations. Il sert tout autant de réserve d’eau et est donc indispensable à l’alimentation de l’agglomération. D’autant que le régime pluviométrique est marqué par de fortes irrégularités et des années de sécheresse consécutives qui diminuent fortement les réserves du lac et poseront problème à terme. En effet, les prévisions du GIEC pour le Nord du Maroc sont d’un abaissement d’un tiers environ des précipitations dans les décennies à venir alors même que les besoins augmentent en raison de la croissance urbaine, du développement des loisirs et des exploitations agricoles.

Le barrage permet pour le moment de satisfaire les besoins en eau des habitants de l’agglomération et de sa région. En cas, de fortes précipitations, des lâchers sont réalisés. Cet espace autour du lac de retenu est pour l’essentiel agricole lorsque le relief n’est pas trop escarpé au nord et à l’est. Les berges sont peu aménagées, il s’agit d’espaces de pâturages et de loisirs malgré l’interdiction de s’y baigner. De nombreuses propriétés y sont construites pour des personnes influentes, marocaines ou des pays du Golfe persique.

Salé, « ville émiettée »

Au nord du fleuve, la ville de Salé connaît une urbanisation importante et plus dense. Le noyau historique est celui de la médina proche de l’embouchure. Puis l’espace urbain s’étend vers le sud avec la ville nouvelle de Sala Jadida créée en 1992 à l’ouest de la rocade. Cette ville toute récente rassemble plus de 500 000 habitants ; ce sont souvent des fonctionnaires travaillant à Rabat. L’urbanisation se poursuit à l’est de cette rocade avec le site de la Technopolis, au plan quadrillé. Lancé en 2008, il doit renforcer les fonctions de services de la métropole avec l’installation de l’Université Internationale de Rabat et de centres d’appel de firmes transnationales, essentiellement européennes. Il s’agit d’une forme d’edge city.

L’urbanisation s’étend aussi le long du littoral vers Kénitra, avec des espaces agricoles de taille moyenne, de plus en plus mités par des habitations et des résidences. La nationale continue vers Sidi Bouknadel où vient de s’installer un campus de l’Essec Afrique non visible sur l’image. L’urbanisation de Salé est toutefois limitée au nord-est par l’emprise de l’aéroport de Rabat Salé au trafic croissant. En retrait de celui-ci, le long de la pénétrante vers l’autoroute, est située l’un des palais royaux avec un hippodrome. La forêt de la Mamora au nord-est de l’image est la plus grande forêt de chêne liège de Méditerranée. Mais celle-ci recule en raison de l’étalement urbain, du surpâturage, de coupes de bois sauvages et de l’intensification des loisirs, particulièrement le week-end.

Les axes routiers et le front urbain

Enfin, les axes autoroutiers sont visibles avec dans la forêt de la Mamora vers l’est l’autoroute vers Meknes, Fes et Oujda. L’autoroute A1 de Tanger à Agadir via Casablanca et Marrakech la rejoint sur la nouvelle rocade. Celle-ci longe le front urbain de Rabat, mais de nombreux projets immobiliers sont en cours près des échangeurs qui accélèrent la périurbanisation des campagnes environnantes.

Zooms d'étude


L’entrée méridionale de Rabat

Cette image couvre l’entrée méridionale de l’agglomération de Rabat. On distingue trés clairement les aménagements liés à la route du littoral, le mitage progressif de la ceinture verte, la multiplication des installations de loisirs avec un vaste complexe sportif et un nouveau zoo et, enfin, le développement de quartiers résidentiels coupés par l’ancienne rocade qui traverse l’agglomération.


La ville doublet de Rabat-Salé

Cette image couvre la partie centrale de l’agglomération, centré sur l’embouchure du Bouregreg et les deux noyaux historiques de la ville-doublet de Rabat-Salé. On reconnaît bien
en particulier les noyaux historiques des deux médinas et de leurs remparts qui se font face. Les importants travaux d’aménagements de la vallée du Bouregreg apparaissent dans toute leur ampleur avec des digues, une marina, un théâtre en construction et le tramway, au-dessus la mosquée de la Tour Hassan du XIIème siècle.


La partie orientale de l’agglomération en mutation

Cette image couvre l’entrée septentrionale de Salé par l’autoroute, la forêt de la Marmora, la ville nouvelle quadrillée de Sala el Jadida, la Technopolis, les espaces agricoles et les villas, la retenue d’eau, l’ancienne rocade vers le Nord et la nouvelle rocade vers le Sud afin d’éviter l’agglomération.

D’autres ressources

- Hicham Mouloudin, L’aménagement de la corniche de Rabat face au développement durable : quand la société civile prend le devant de la scène publique, Les cahiers d’Eman (Études sur le Monde Arabe et la Méditerranée), 2017 :

- Zineb Sitri et Mohamed Hanzaz, Pouvoirs et contre-pouvoirs en matière de planification urbaine au Maroc : pour une nouvelle régulation des pouvoirs de décision, Revue RIURBA (revue internationale d’urbanisme) :

- Hicham Mouloud, Les ambitions d’une capitale, CJB, Rabat, 2015 :

- Sonia Serhir, Hay Ryad à Rabat : de la ville nouvelle au quartier ?, Les cahiers d’Eman (Études sur le Monde Arabe et la Méditerranée), 2017 :

J.F. Troin, Les trois phases de l’extension de Rabat, de la médina aux quartiers modernes en 2001, la Documentation Française, 2001 :

CL dément Fabreguettes et Elise Mazaud, La problématique des transports à Rabat-Enjeu d’avenir et de développement, 2017 :

Rabat, capitale moderne et ville historique : un patrimoine en partage, liste du patrimoine mondial de l’UNESCO :

Contributeurs

Youenn Cochenec et Xavier Gosset, enseignants, Lycée Descartes, Rabat